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« La Grande Vague de Kanagawa » : différence entre les versions

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{{titre en italique}}
{{En-tête label|BA|année=2009}}
{{voir homonymes|La Vague|Kanagawa (homonymie)}}
{{Infobox Art
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| titre= La Grande Vague de Kanagawa
| titre= La Grande Vague de Kanagawa
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| légende= ''La Grande Vague de Kanagawa'' du Metropolitan Museum of Art
| légende= ''La Grande Vague de Kanagawa'',{{-}}exemplaire du [[Metropolitan Museum of Art]].<!--Merci de ne pas remplacer par une ''featured picture'' meilleure photographiquement, mais ne représentant pas l'estampe originale.-->
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| largeur= 37,9<ref name="fiche Met">{{lien web |langue=en |titre=The Great Wave at Kanagawa (from a Series of Thirty-Six Views of Mount Fuji)|url=http://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/JP1847|site=Metropolitan Museum of Arts|Consulté le = 16 octobre 2013}}.</ref>
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}}
{{japonais|'''''La Grande Vague de Kanagawa'''''|神奈川沖浪裏 |Kanagawa-oki nami-ura|littéralement ''Sous la vague au large de Kanagawa''}}, plus connue sous le nom de '''''La Vague''''', est une célèbre [[estampe]] japonaise du peintre japonais, spécialiste de l{{'}}''[[ukiyo-e]]'', [[Hokusai]], publiée en [[1830]]<ref>
{{Ouvrage
| langue = fr
| auteurs = Hélène Bayou, Marie-Christine Enshaian
| titre = Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art »
| numéro d'édition =
| éditeur = Réunion des musées nationaux
| lieu = Paris
| année = 2008
| mois = mai
| jour = 25
| pages totales = 240
| format = 22 × 28
| isbn = 978-2-7118-5406-6
| lccn = 2008437709
| passage = 130
| présentation en ligne = http://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/hokusai-1760-1849-9782711854066
}}.</ref> ou en [[1831]]<ref group="Note">Le Centre culturel du Marais avait précédemment daté cette publication de 1831 au plus tôt (''Le Fou de peinture. Hokusai et son temps'', 1980, pages 143 et 144). Mais Hélène Bayou, dans ''Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art »'' (2008), considère que les dix premières estampes de la série ''Trente-six Vues du mont Fuji'' « ont vraisemblablement été proposées à l'éditeur en 1830 » ; la date de 1831 (et l'annonce publicitaire faite par l'éditeur dès le Nouvel An 1831 pour annoncer des tirages ''aizuri-e'') pourrait donc concerner le deuxième groupe de 9 ou 10 estampes de la série.</ref> pendant l'[[époque d'Edo]].


Cette estampe est l'œuvre la plus connue de Hokusai et la première de sa série ''[[Trente-six vues du mont Fuji]]'', dans laquelle l'utilisation du [[bleu de Prusse]] renouvelait le langage de l'estampe japonaise. La composition de ''La Vague''<ref name="palettes2">{{Lien web |url=http://www.cndp.fr/Tice/teledoc/dossiers/dossier_vague.htm |titre=« La Vague » de Hokusai et « Les Monts Jingting en automne » de Shitao |auteur= |année= |éditeur=www.cndp.fr |consulté le=10 décembre 2008 }}.</ref>, synthèse de l'estampe japonaise traditionnelle et de la « [[perspective (représentation)|perspective]] » occidentale, lui valut un succès immédiat au Japon, puis en Europe, où elle fut une des sources d'inspiration des [[Impressionnisme|impressionnistes]].
{{japonais|'''''La Grande Vague de Kanagawa'''''|神奈川沖浪裏|Kanagawa-oki nami-ura|littéralement '''''Sous la vague au large de Kanagawa'''''}}, plus connue sous le nom de '''''La Vague'''''<ref name="palettes2">{{Lien web |url=http://www.cndp.fr/Tice/teledoc/dossiers/dossier_vague.htm |titre=« La Vague » de Hokusai et « Les Monts Jingting en automne » de Shitao |auteur= |année= |éditeur=www.cndp.fr |consulté le=10 décembre 2008 }}</ref>, est une célèbre [[ukiyo-e|estampe japonaise]] du peintre japonais spécialiste de l'[[ukiyo-e]], [[Hokusai]], publiée en [[1830]]<ref>{{ouvrage |éditeur=Réunion des musées nationaux |titre=Hokusai - 1760-1849 - L'affolé de son art |auteurs=Hélène Bayou, Marie-Christine Enshaian |langue=Français |année=2008 |mois=mai |jour=25 |pages=240 |format=22 x 28 |isbn=2-7118-5406-X |issn= |présentation en ligne=http://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/hokusai-1760-1849-9782711854066 |lire en ligne= |partie= |numéro= |chap= |passage= |id= |commentaire=page 130}}</ref> ou en [[1831]]<ref group="Note">Le Centre culturel du Marais avait précédemment daté cette publication de 1831 au plus tôt (''Le Fou de peinture - Hokusai et son temps'', 1980, pages 143 et 144). Mais Hélène Bayou, dans ''Hokusai, l'affolé de son art'' (2008), considère que les 10 premières estampes de la série ''Trente-six Vues du mont Fuji'' « ont vraisemblablement été proposées à l'éditeur en 1830 » ; la date de 1831 (et l'annonce publicitaire faite par l'éditeur dès le Nouvel An 1831 pour annoncer des tirages ''aizuri-e'') pourrait donc concerner le deuxième groupe de 9 ou 10 estampes de la série</ref> pendant l'[[époque d'Edo]].


Plusieurs musées en conservent des exemplaires, tels que le [[Musée national des Arts asiatiques - Guimet|musée Guimet]], le [[Metropolitan Museum of Art]], le [[British Museum]], ou encore la [[Bibliothèque nationale de France]] ; ils proviennent généralement des grandes collections privées d'estampes japonaises constituées au {{s-|XIX}}.
Cette estampe est l'œuvre la plus connue de Hokusai et la première de sa fameuse série « [[Trente-six vues du mont Fuji]] »<ref Group="Note">Hokusai édita tout d'abord les dix premières estampes, qui commencent donc par ''La Vague'', suivie du ''Fuji rouge par temps clair'', et de ''L'Orage sous le sommet de la montagne'' (notices de la BnF, dans l'exposition « Estampes japonaises, Images d'un monde éphémère » , du 18 novembre 2008 au 15 février 2009) </ref>, dans laquelle l'utilisation du [[bleu de Prusse]] renouvelait le langage de l'estampe japonaise. La composition de ''La Vague'', synthèse de l'estampe japonaise traditionnelle et de la « [[perspective (représentation)|perspective]] » occidentale, lui valut un succès immédiat au Japon, puis en Europe, où elle fut une des sources d'inspiration des [[Impressionnisme|Impressionnistes]].

Plusieurs musées en conservent des exemplaires, tels que le [[Musée national des Arts asiatiques-Guimet|musée Guimet]], le [[Metropolitan Museum of Art]], le [[British Museum]], ou encore la [[Bibliothèque nationale de France]] ; ils proviennent généralement des grandes collections privés d'estampes japonaises constituées au {{XIXe}} siècle.


== Description ==
== Description ==
=== La vogue des estampes ''ukiyo-e'' à l'époque de Hokusai ===
=== L'essor des estampes ''ukiyo-e'' à l'époque de Hokusai ===
[[Image:Red Fuji southern wind clear morning.jpg|thumb|La ''Grande Vague'' fait partie de la série des [[Trente-six vues du mont Fuji]] ayant pour thème le [[mont Fuji]]. ici « Le Fuji par temps clair » (凱風快晴 ''Gaifū kaisei''), deuxième estampe de la série.]]
[[Image:Red Fuji southern wind clear morning.jpg|thumb|La ''Grande Vague'' fait partie de la série des ''[[Trente-six vues du mont Fuji]]''<ref group="Note">Hokusai édita tout d'abord les dix premières estampes, qui commencent donc par ''La Vague'', suivie du ''Fuji rouge par temps clair'', et de ''L'Orage sous le sommet de la montagne'' (notices de la BnF, dans l'exposition « Estampes japonaises. Images d'un monde éphémère », du 18 novembre 2008 au 15 février 2009).</ref> ayant pour thème le [[mont Fuji]]. Ici ''Le Fuji par temps clair'' (凱風快晴 ''Gaifū kaisei''), deuxième estampe de la série (format ''[[ōban|ōban yoko-e]]'').]]


Les estampes apparaissent au Japon d'abord sur des sujets religieux, au {{XIIIe}} siècle<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, pages 30 à 33</ref>, puis à partir du milieu du {{s-|XVII|e}} sur des sujets profanes : cette technique de gravure sur bois permet en effet, par le nombre de reproductions qu'elle autorise, une diffusion beaucoup plus large des œuvres qu'avec une peinture, dont il n'existe forcément qu'un exemplaire original.
Les [[estampe]]s apparaissent au Japon d'abord sur des sujets religieux, au {{s-|XIII}}<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, {{p.|30 à 33}}.</ref>, puis à partir du milieu du {{s-|XVII}} sur des sujets profanes : cette technique de gravure sur bois permet en effet, par le nombre de reproductions qu'elle autorise, une diffusion beaucoup plus large des œuvres qu'avec une peinture, dont il n'existe forcément qu'un exemplaire original.


Le développement de ces estampes profanes (dites ''[[ukiyo-e]]'') à partir du {{s-|XVII|e}} accompagne la naissance d'une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie marchande urbaine aisée<ref Group="Note">Auparavant, la classe des marchands était tout au bas de l'échelle sociale, après les paysans, puis les artisans (Reischauer, ''Histoire du Japon et des Japonais'', Tome 1, page 110</ref> qui apparait et se développe dès le début de l'[[époque d'Edo]], lorsqu'à partir de 1600, le nouveau régime des ''shogun'' [[Shogunat Tokugawa|Tokugawa]] parvient à restaurer la paix dans l'ensemble du pays. Cette clientèle en plein essor devient extrêmement friande des estampes ''ukiyo-e'', à la fois plaisantes à l'œil et d'un coût modique, y retrouvant en effet ses sujets favoris, des belles courtisanes du [[Yoshiwara]] jusqu'aux paysages pleins de poésie du Japon ancien, en passant par les lutteurs de [[sumo]] ou les acteurs de [[kabuki]], si populaires.
Le développement de ces estampes profanes (dites ''[[ukiyo-e]]'') à partir du {{s-|XVII}} accompagne la naissance d'une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie marchande urbaine aisée<ref Group="Note">Auparavant, la classe des marchands était tout au bas de l'échelle sociale, après les paysans, puis les artisans. Reischauer, ''Histoire du Japon et des Japonais'', tome 1, page 110.</ref>, qui apparait et se développe dès le début de l'[[époque d'Edo]], lorsqu'à partir de 1600, le nouveau régime des shoguns [[Shogunat Tokugawa|Tokugawa]] parvient à restaurer la paix dans l'ensemble du pays. Cette clientèle en plein essor devient extrêmement friande des estampes ''ukiyo-e'', à la fois plaisantes à l'œil et d'un coût modique, y retrouvant en effet ses sujets favoris, des belles courtisanes du [[Yoshiwara]] jusqu'aux paysages pleins de poésie du Japon ancien, en passant par les lutteurs de [[sumo]] ou les acteurs de [[kabuki]], si populaires.


''La grande vague de Kanagawa'' est une estampe ''[[ukiyo-e]]'', c'est-à-dire techniquement une estampe, imprimée sur papier<ref Group="Note">Pour l'impression des estampes japonaises, on utilisait toujours un papier (''washi'') fait de moelle de mûrier ''kōsō'' ; les belles estampes étaient tirées sur du papier ''hōsho'' de qualité supérieure</ref>, à l'aide de gravures sur bois réalisées par un graveur expérimenté d'après le dessin de l'artiste. Faisant appel à de multiples planches de couleurs différentes, elle appartient à la catégorie des « estampes de brocart » ({{japonais|''[[nishiki-e]]''<ref name="BM Under the Wave">{{Lien web
''La Grande Vague de Kanagawa'' est une estampe ''[[ukiyo-e]]'', c'est-à-dire techniquement une estampe imprimée sur papier<ref Group="Note">Pour l'impression des estampes japonaises, on utilisait toujours un papier (''[[washi]]'') fait de moelle de mûrier ''kōsō'' ; les belles estampes étaient tirées sur du papier ''hōsho'' de qualité supérieure.</ref>, à l'aide de gravures sur bois réalisées par un graveur expérimenté d'après le dessin de l'artiste. Faisant appel à de multiples planches de couleurs différentes, elle appartient à la catégorie des « estampes de brocart » (''[[nishiki-e]]''<ref name="BM Under the Wave">{{Lien web |langue=en
|url=http://www.britishmuseum.org/research/search_the_collection_database/search_object_details.aspx?objectId=8808&partId=1
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|titre=Thirty-Six Views of Mt Fuji / Under the Wave, off Kanagawa
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|éditeur=The British Museum
|consulté le=18 décembre 2008
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}}</ref>|錦絵||}}) : chaque partie colorée étant obtenue par l'application d'une planche de bois gravée particulière <ref group="Note">Voir le chapitre « Fabrication d'une estampe » de l'article ''[[ukiyo-e]]'', qui détaille les différentes opérations du processus.</ref>.<br />
}}.</ref>) : chaque partie colorée étant obtenue par l'application d'une planche de bois gravée particulière <ref group="Note">Voir la section « Fabrication d'une estampe » de l'article ''[[ukiyo-e]]'', qui détaille les différentes opérations du processus.</ref>.


Par la description des activités quotidiennes de l'humble population des campagnes japonaises (charpentiers, tonneliers, bateliers, pêcheurs, …), la série d'estampes à laquelle appartient ''La Vague'' s'inscrit bien dans l'esprit des ''estampes japonaises'' ou estampes ''[[ukiyo-e]]'' (littéralement « images du monde flottant »), ayant pour thème les images du monde quotidien. Cependant, cette série est en même temps très novatrice dans l'évolution esthétique de l' ''ukiyo-e'', car elle est en pratique la première grande série de ''[[meisho-e]]'', c'est-à-dire de « vues célèbres » de paysage, cadrées ici en format « panoramique » horizontal. De fait, cette série est peut-être la première à effectuer une synthèse véritablement convaincante de l' ''ukiyo-e'' et des gravures de paysage occidentales<ref Group="Note">Selon Richard Lane (''L'Estampe japonaise'', 1962, page 257), (...) « les grands paysages de cette série constituent, en un sens, un point culminant dans l'assimilation des conceptions occidentales par l'art traditionnel japonais » (étudiées dès 1739 par [[Okumura Masanobu]], suivi par [[Toyoharu]], puis par [[Shiba Kokan]])</ref>.
Par la description des activités quotidiennes de l'humble population des campagnes japonaises (charpentiers, tonneliers, bateliers, pêcheurs…), la série d'estampes à laquelle appartient ''La Vague'' s'inscrit bien dans l'esprit des « estampes japonaises » ou estampes ''[[ukiyo-e]]'' (littéralement « images du monde flottant »), ayant pour thème les images du monde quotidien. Cependant, cette série est en même temps très novatrice dans l'évolution esthétique de l{{'}}''ukiyo-e'', car elle est en pratique la première grande série de ''[[meisho-e]]'', c'est-à-dire de « vues célèbres » de paysage, cadrées ici en format « panoramique » horizontal. De fait, cette série est peut-être la première à effectuer une synthèse véritablement convaincante de l{{'}}''ukiyo-e'' et des gravures de paysage occidentales<ref group="Note">Selon Richard Lane (''L'Estampe japonaise'', 1962, page 257), […] « les grands paysages de cette série constituent, en un sens, un point culminant dans l'assimilation des conceptions occidentales par l'art traditionnel japonais » (étudiées dès 1739 par [[Okumura Masanobu]], suivi par [[Toyoharu]], puis par [[Shiba Kokan]]).</ref>.


On ignore le tirage réel de la série, sans doute de l'ordre de quelques centaines dans son édition originale, auxquelles il faut adjoindre sans doute des tirages tardifs des planches originales, et de nombreuses regravures de l'œuvre jusqu'à aujourd'hui. Mais ce nombre somme toute réduit permit d'assurer à l'œuvre une notoriété sans aucun rapport avec celle à laquelle pouvait prétendre même la plus célèbre des peintures, à une époque où la reproduction photographique à grande échelle n'était pas de mise.
On ignore le tirage réel de la série, sans doute de l'ordre de quelques centaines dans sa première édition, auxquelles il faut adjoindre sans doute des tirages tardifs des planches originales, et de nombreuses regravures de l'œuvre jusqu'à aujourd'hui. Mais ce nombre somme toute réduit permit d'assurer à l'œuvre une notoriété sans aucun rapport avec celle à laquelle pouvait prétendre même la plus célèbre des peintures, à une époque où la reproduction photographique à grande échelle n'était pas de mise.


===L'édition originale===
=== Création de l'édition originale ===
{{article détaillé|ukiyo-e}}
{{article détaillé|ukiyo-e}}


Pour réaliser La Vague, Hokusai fit appel aux techniques habituelles. Dans l'''ukiyo-e'' de manière générale, l'artiste étant avant tout responsable de l'aspect artistique, dessin et choix des couleurs, pour un dessin de base (le ''shita-e'', « l'image de dessous ») qui n'est que la première étape d'un processus mobilisant plusieurs intervenants (artiste, éditeur, graveur(s), imprimeur(s)). Ici, c'est à l'éditeur, Nishimuraya Yohachi (Eijudō) qu'échut le soin de graver les planches de bois de ''La Vague'', puis de faire imprimer les différentes planches sur les feuilles de papier.
Pour réaliser ''La Vague'', Hokusai fit appel aux techniques habituelles. Dans l{{'}}''ukiyo-e'' de manière générale, l'artiste étant avant tout responsable de l'aspect artistique, dessin et choix des couleurs, pour un dessin de base (le ''shita-e'', « l'image de dessous ») qui n'est que la première étape d'un processus mobilisant plusieurs intervenants (artiste, éditeur, graveur[s], imprimeur[s]). Ici, c'est à l'éditeur, Nishimuraya Yohachi (Eijudō) qu'échut le soin de graver les planches de bois de ''La Vague'', puis de faire imprimer les différentes planches sur les feuilles de papier.
[[Image:Ukiyo-e dsc04680.jpg|thumb|right|Planche de bois portant les traits de contours en cours de gravure : on voit que le ''shita-e'', le dessin d'origine, collé sur la planche, est détruit par la [[Gouge (outil)|gouge]] qui creuse le bois.]]
[[Image:Ukiyo-e dsc04680.jpg|thumb|right|Planche de bois portant les traits de contours en cours de gravure : on voit que le ''shita-e'', le dessin d'origine, collé sur la planche, est détruit par la [[Gouge (outil)|gouge]] qui creuse le bois.]]


Hokusai dessina au pinceau un croquis de son dessin sur un papier mince et translucide, le [[washi]] (和紙, わし), papier fabriqué artisanalement au Japon avec de longues fibres de [[Mûrier à papier|mûrier]] entrelacées, connu pour sa légèreté, sa flexibilité et sa solidité<ref name="NTEIVA Newsletter Home vol.12, no.3">{{Lien web
Hokusai dessina au pinceau un croquis de son dessin sur un papier mince et translucide, le ''[[washi]]'' (和紙, わし), papier fabriqué artisanalement au Japon avec de longues fibres de [[Mûrier à papier|mûrier]] entrelacées, connu pour sa légèreté, sa flexibilité et sa solidité<ref name="NTEIVA Newsletter Home vol.12, no.3">{{Lien web |langue=en
|url=http://www.art.unt.edu/ntieva/pages/about/newsletters/vol_12/no_3/page8.html
|url=http://www.art.unt.edu/ntieva/pages/about/newsletters/vol_12/no_3/page8.html
|titre=Forces of Nature: Natural Diasters Portrayed in Art - A Units of Study - Lesson 2: Comparing Tornado Over Kansas and the Great Wave off Kanagawa
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|date=2001
|date=2001
|site=http://www.art.unt.edu
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|éditeur=NTEIVA Newsletter Home vol.12, no.3 - North Texas Institute for Educators on the Visual Arts Editor
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|page=8-10
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|consulté le=17 décembre 2008
|consulté le=17 décembre 2008
}}</ref>. En matière d'estampe, le dessin initial est pratiquement toujours ''détruit'' par le processus de gravure <ref Name="Images 298">''Images du monde flottant, Peintures et estampes japonaises, {{XVIIe}} - {{XVIIIe}} siècles'', Réunion des musées nationaux, 2004, pages 298 et 299 {{ISBN|2-7118-4821-3}}</ref>. Mais ainsi les textures de l'estampe ne sont-elles pas uniquement le fait de l'artiste, et se trouvent enrichies par le grain du [[papier]], la trace des fibres du bois de gravure, les stries de l'outil de l'imprimeur, le ''baren''.
}}.</ref>. En matière d'estampe, le dessin initial est pratiquement toujours « détruit » par le processus de gravure<ref Name="Images 298">''Images du monde flottant. Peintures et estampes japonaises, {{s mini-|XVII}}–{{s-|XVIII}}'', Réunion des musées nationaux, 2004, pages 298 et 299 {{ISBN|2-7118-4821-3}}.</ref>. Mais ainsi les textures de l'estampe ne sont-elles pas uniquement le fait de l'artiste, et se trouvent enrichies par le grain du [[papier]], la trace des fibres du bois de gravure, les stries de l'outil de l'imprimeur, le ''baren'' ([[frotton]]).


Cette façon de faire induit, pour toutes les estampes japonaises, qu'il n'y a pas d' « œuvre originale unique », mais une édition originale correspondant aux tirages effectués avant que l'usure du bois des diverses planches utilisées donne des traits moins nets et des repères de couleurs moins fiables, ce qui pouvait représenter de l'ordre de trois cents estampes. Le succès de cette édition pouvait comme dans le cas de celle-ci susciter des regravures ultérieures, mais effectuées sans la supervision de l'artiste, ces exemplaires ne sont donc pas des ''originaux''.
Cette façon de faire induit, pour toutes les estampes japonaises, qu'il n'y a pas d'« œuvre originale unique », mais une édition originale correspondant aux tirages effectués avant que l'usure du bois des diverses planches utilisées donne des traits moins nets et des repères de couleurs moins fiables, ce qui pouvait représenter de l'ordre de trois cents estampes. Le succès de cette édition pouvait comme dans le cas de celle-ci susciter des regravures ultérieures ; mais effectuées sans la supervision de l'artiste, ces exemplaires ne sont donc pas des « originaux ».


Comme à l'ordinaire, une fois le dessin de l'estampe confié au graveur, celui-ci le colle à l'envers sur une planche polie de sakura, une variété de [[cerisier]] choisie pour sa dureté, permettant ainsi d'y graver des lignes très fines et de réaliser de nombreuses impressions. La planche est attaquée au canif en suivant les traits du dessin qui s'en trouve détruit ; les différentes surfaces sont creusées à l'aide de gouges, en respectant les reliefs, traits et aplats, nécessaires à l'impression. Le graveur réalise d'abord le « bois de traits », c'est-à-dire la planche portant les contours du dessin, le texte des légendes et la signature, puis les « bois de teinte », les planches correspondant chacune à un relief et à une couleur à imprimer en aplat. Une fois réalisé, le jeu de planche est confié à l'imprimeur<ref name="La menace suspendue"/>.
Comme à l'ordinaire, une fois le dessin de l'estampe confié au graveur, celui-ci le colle à l'envers sur une planche polie de ''[[sakura]]'', une variété de [[cerisier]] choisie pour sa dureté, permettant ainsi d'y graver des lignes très fines et de réaliser de nombreuses impressions. La planche est attaquée au canif en suivant les traits du dessin qui s'en trouve détruit ; les différentes surfaces sont creusées à l'aide de gouges, en respectant les reliefs, traits et aplats, nécessaires à l'impression. Le graveur réalise d'abord le « bois de traits », c'est-à-dire la planche portant les contours du dessin, le texte des légendes et la signature, puis les « bois de teinte », les planches correspondant chacune à un relief et à une couleur à imprimer en aplat. Une fois réalisé, le jeu de planches est confié à l'imprimeur<ref Name="La menace suspendue"/>.


Pour colorier La Vague, l'imprimeur utilisa des [[pigment]]s traditionnels dilués à l'eau. Le noir est à base d'[[encre de Chine]], le jaune à base d'ocre jaune et le bleu est un bleu de Prusse, nouvellement importé des [[Pays-Bas]] et très à la mode alors. Pour commencer, l'imprimeur utilisait la planche de traits sur laquelle il étalait une couche de bleu puis une couche de colle de riz servant de liant, les mélangeant à l'aide d'une brosse. Il appliquait ensuite une feuille de papier humidifiée sur la planche en la calant de façon précise dans les marques des ''kento'', et la frottait au verso d'un mouvement régulier à l'aide d'un tampon appelé ''baren''. Ce frottement contre les motifs gravés recouverts de pigment permettait la bonne répartition de la couleur sur le papier. L'imprimeur répétait l'opération autant de fois qu'il voulait produire d'estampes, puis il passait aux différents bois de teinte, des plus claires au plus sombres, l'impression des différentes couleurs d'un estampe se faisant toujours dans un ordre précis, pouvant impliquer jusqu'à une dizaine d'impressions successives<ref group="Note">Voire nettement plus dans le cas de certaines éditions luxueuses, impliquant un fond micacé, un gaufrage, une impression sans encre (''shomenzuri''), ou des rehauts d'or ou d'argent, un double passage des noirs, etc. </ref>, en commençant par le noir<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 300.</ref>.
Pour colorier ''La Vague'', l'imprimeur employa des [[pigment]]s traditionnels dilués à l'eau. Le noir est à base d'[[encre de Chine]], le jaune à base d'ocre jaune et le bleu est un bleu de Prusse, nouvellement importé des [[Pays-Bas]] et très à la mode alors. Pour commencer, l'imprimeur utilisait la planche de traits sur laquelle il étalait une couche de bleu puis une couche de [[colle de riz]] servant de liant, les mélangeant à l'aide d'une brosse. Il appliquait ensuite une feuille de papier humidifiée sur la planche en la calant de façon précise dans les marques des ''kento'' (marques de calage), et la frottait au verso d'un mouvement régulier à l'aide d'un tampon appelé ''baren''.


Ce frottement contre les motifs gravés recouverts de pigment permettait la bonne répartition de la couleur sur le papier. L'imprimeur répétait l'opération autant de fois qu'il voulait produire d'estampes, puis il passait aux différents bois de teinte, des plus claires aux plus sombres, l'impression des couleurs d'une estampe se faisant toujours dans un ordre précis, pouvant impliquer jusqu'à une dizaine d'impressions successives<ref group="Note">Voire nettement plus dans le cas de certaines éditions luxueuses, impliquant un fond micacé, un gaufrage, une impression sans encre (''shomenzuri''), ou des rehauts d'or ou d'argent, un double passage des noirs, etc.</ref>, en commençant par le noir<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 300.</ref>.
Selon la tradition, La Vague aurait été imprimée en huit passages : les contours du dessin et les surfaces teintées au bleu de Prusse, surfaces qui paraissent par contraste presque noires, puis le jaune léger des barques, le jaune du ciel, le dégradé gris clair du ciel et le gris des barques. Venaient ensuite les zones bleu clair, puis d'un bleu plus dense. Enfin l'estampe était achevée avec le noir du ciel et du pont d'une des barques. Lors de chaque opération, la crête des vagues, l'écume, les visages des marins, et les neiges du Fuji, restaient en réserve, ce qui leur confère le blanc éclatant du papier d'origine. Ainsi, avec trois pigments (noir, jaune et bleu), Hokusai réalise une image colorée et contrastée<ref name="La menace suspendue"/>.


Selon la tradition, ''La Vague'' aurait été imprimée en huit passages : les contours du dessin et les surfaces teintées au bleu de Prusse, surfaces qui paraissent par contraste presque noires, puis le jaune léger des barques, le jaune du ciel, le dégradé gris clair du ciel et le gris des barques. Venaient ensuite les zones bleu clair, puis d'un bleu plus dense. Enfin l'estampe était achevée avec le noir du ciel et du pont d'une des barques. Lors de chaque opération, la crête des vagues, l'écume, les visages des marins, et les neiges du Fuji, restaient en réserve, ce qui leur confère le blanc éclatant du papier d'origine. Ainsi, avec trois pigments (noir, jaune et bleu), Hokusai réalise une image colorée et contrastée<ref name="La menace suspendue"/>.
D'un tirage à l'autre on observe des différences de hauteur et de densité du ciel noir autour du Fuji. Hokusai qui avait été graveur pendant son adolescence suivait attentivement l'impression de ses estampes : {{citation bloc|Des gris trop appuyés rendraient l'estampe moins plaisante, dites je vous prie aux imprimeurs que le ton pâle doit ressembler à une soupe de coquillage. En revanche, s'ils éclaircissent trop le ton sombre, ils ruineraient la force du contraste. Aussi faut-il expliquer que le ton soutenu doit avoir une certaine épaisseur, comme la soupe au pois<ref name="La menace suspendue"/>.}}


D'un tirage à l'autre, on observe des différences de hauteur et de densité du ciel noir autour du Fuji. Hokusai qui avait été graveur pendant son adolescence, suivait attentivement l'impression de ses estampes : {{citation bloc|Des gris trop appuyés rendraient l'estampe moins plaisante, dites je vous prie aux imprimeurs que le ton pâle doit ressembler à une soupe de coquillage. En revanche, s'ils éclaircissent trop le ton sombre, ils ruineraient la force du contraste. Aussi faut-il expliquer que le ton soutenu doit avoir une certaine épaisseur, comme la soupe aux pois<ref name="La menace suspendue"/>.}}
<!-- Trois restes de l'ex section 'Fabrication de l'estampe' :
<!-- Trois restes de l'ex section 'Fabrication de l'estampe' :
* qui plus est, même lorsque le dessin original a été conservé (en général parce que l'artiste a fait graver une autre version du dessin), il est fréquent qu'il ne soit pas « terminé » à nos yeux, et qu'en particulier, il ne porte aucune couleur ; on trouve aussi des dessins originaux comportant des empiècements de morceaux de papier découpés, puis collés sur les parties à corriger, qui sont les repentirs de l'artiste<ref Name="Images 298">''Images du monde flottant, Peintures et estampes japonaises, {{XVIIe}} - {{XVIIIe}} siècles'', Réunion des musées nationaux, 2004, pages 298 et 299 {{ISBN|2-7118-4821-3}}</ref> ;
* qui plus est, même lorsque le dessin original a été conservé (en général parce que l'artiste a fait graver une autre version du dessin), il est fréquent qu'il ne soit pas « terminé » à nos yeux, et qu'en particulier, il ne porte aucune couleur ; on trouve aussi des dessins originaux comportant des empiècements de morceaux de papier découpés, puis collés sur les parties à corriger, qui sont les repentirs de l'artiste<ref Name="Images 298">''Images du monde flottant. Peintures et estampes japonaises, {{s mini-|XVII}}–{{s-|XVIII}}'', Réunion des musées nationaux, 2004, pages 298 et 299 {{ISBN|2-7118-4821-3}}.</ref> ;
* il peut exister plusieurs versions originales d'une même estampe ; l'un des exemples les plus connus est un portrait de [[Naniwaya Okita]] tenant une tasse de thé, fait par [[Utamaro]] : la première version comporte un rébus pour transcrire le nom de la belle Okita en dépit de la censure ; lorsque même les rébus furent interdits pour désigner les modèles, Utamaro remplaça le rébus par le portrait d'un poète. Sans aller jusqu'à cet exemple extrême, les variantes de l'arrière plan d'une estampe sont fréquents<ref group="Note">Un exemple fameux est l'estampe ''Kambara'' d'[[Hiroshige]], où la partie la plus sombre du ciel est placée tantôt en haut (la première version), tantôt en bas. Un autre exemple est le mois de Septembre de ''Minami no Juniko'', de [[Kiyonaga]], où le fond est plus foncé, presque noir, dans les tirages tardifs</ref>.
* Il peut exister plusieurs versions originales d'une même estampe ; l'un des exemples les plus connus est un portrait de [[Naniwaya Okita]] tenant une tasse de thé, fait par [[Utamaro]] : la première version comporte un rébus pour transcrire le nom de la belle Okita en dépit de la censure ; lorsque même les rébus furent interdits pour désigner les modèles, Utamaro remplaça le rébus par le portrait d'un poète. Sans aller jusqu'à cet exemple extrême, les variantes de l'arrière-plan d'une estampe sont fréquents<ref group="Note">Un exemple fameux est l'estampe ''Kambara'' d'[[Hiroshige]], où la partie la plus sombre du ciel est placée tantôt en haut (la première version), tantôt en bas. Un autre exemple est le ''Mois de septembre'' de ''Minami no Juniko'', de [[Kiyonaga]], où le fond est plus foncé, presque noir, dans les tirages tardifs.</ref>.

Cependant, la résistance du bois permet des tirages beaucoup plus importants dans des conditions acceptables de qualité (comme on le voit aujourd'hui sur des regravures modernes), et, dans la mesure où les estampes de la toute première série n'étaient pas physiquement identifiées, on ne peut pas aujourd'hui connaître, ni le rang d'édition d'une estampe, ni l'importance réelle du tirage<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 297</ref>.
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Cependant, la résistance du bois permet des tirages beaucoup plus importants dans des conditions acceptables de qualité (comme on le voit aujourd'hui sur des regravures modernes), et, dans la mesure où les estampes de la toute première série n'étaient pas physiquement identifiées, on ne peut pas aujourd'hui connaître, ni le rang d'édition d'une estampe, ni l'importance réelle du tirage<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 297.</ref>.-->
<gallery widths="180" perrow="5" heights="180" mode="nolines" caption="Quelques tirages différents"=>
Tsunami by hokusai 19th century.jpg|Épreuve du Metroplitan Museum of Art, New York. 25,7 x 37,9 cm. Inventaire : JP1847
冨嶽三十六景 神奈川沖浪裏-Under the Wave off Kanagawa (Kanagawa oki nami ura), also known as The Great Wave, from the series Thirty-six Views of Mount Fuji (Fugaku sanjūrokkei) MET DP141067.jpg|Autre épreuve du Met, New York. 25,1 x 37,8 cm. Inventaire : JP2972
冨嶽三十六景 神奈川沖浪裏-Under the Wave off Kanagawa (Kanagawa oki nami ura), also known as The Great Wave, from the series Thirty-six Views of Mount Fuji (Fugaku sanjūrokkei) MET DP141063.jpg|Autre épreuve du Met, New York. 24,4 x 35,7 cm. Inventaire : JP10
The Great Wave off Kanagawa LACMA M.81.91.2 (2 of 2).jpg|Épreuve du LACMA. Los Angeles. 26 x 38 cm. Inventaire : M.81.91.2
Great Wave Hokusai BM 1906.1220.0.533 n01.jpg|Épreuve du British Museum. 24,6 x 36,8 cm. Inventaire : 1906,1220,0.533
</gallery>
=== L'image ===
=== L'image ===


Cette estampe est une estampe ''[[yoko-e]]'', c'est-à-dire des images en présentation « paysage », donc disposées horizontalement, au format ''[[Oban (ukiyo-e)|ōban]]''<ref name="BM Under the Wave"/> ; elle mesure environ 25 cm de hauteur sur 37 cm de largeur<ref group="Note">Les dimensions précises dépendent de l'exemplaire considéré, et de la façon dont il a été coupé.</ref>.
Cette estampe est une estampe ''[[yoko-e]]'', c'est-à-dire des images en présentation « paysage », donc disposées horizontalement, au format ''[[Oban (ukiyo-e)|ōban]]''<ref name="BM Under the Wave"/> ; elle mesure environ {{unité|26|cm}} de hauteur sur {{unité|38|cm}} de largeur<ref group="Note">Les dimensions précises dépendent de l'exemplaire considéré, et de la façon dont il a été coupé.</ref>.


Le paysage est composé de trois éléments : la mer agitée par la tempête ; trois bateaux ; une montagne — il est complété par la [[signature]] nettement visible en haut et à gauche. Pour Alain Jaubert, dans son document ''Palettes'', la composition comporte quatre [[plan]]s : au premier plan une vague s'amorce sur la droite; au deuxième plan, une vague plus grande s'élève, écumante; au troisième plan, une vague immense commence à déferler; le mont sacré n'apparaît qu'en arrière plan, comme élément central et décoratif, il est légèrement excentré vers la droite, enneigé il contraste avec un ciel d'horizon nuageux<ref name="La menace suspendue"/>.
Le paysage est composé de trois éléments : la mer agitée par la tempête, trois bateaux et une montagne. Il est complété par la [[signature]] nettement visible en haut et à gauche. Pour [[Alain Jaubert]], dans son documentaire ''[[Palettes]]'', la composition comporte quatre plans : au premier plan une vague s'amorce sur la droite ; au deuxième plan, une vague plus grande s'élève, écumante; au troisième plan, une vague immense commence à déferler ; le mont sacré n'apparaît qu'en arrière-plan, comme élément central et décoratif, il est légèrement excentré vers la droite, enneigé il contraste avec un ciel d'horizon nuageux<ref name="La menace suspendue"/>.


====La scène ====
==== La scène ====
===== La montagne =====
[[Fichier:Kanagawa-oki nami-ura - 2 waves or 2 Fuji.jpg|vignette|gauche|Le mont Fuji à l'arrière-plan fait écho à la petite vague du premier plan.]]
La montagne à l'arrière-plan est le [[mont Fuji]], sujet emblématique de la série ''[[meisho-e]]'' des ''[[Trente-six vues du mont Fuji]]'', qui a pour thème cette [[montagne]], la plus haute du [[Japon]], dont le sommet enneigé est visible l'hiver depuis plusieurs provinces du centre. Cette montagne exerce depuis toujours une certaine fascination, elle est un lieu de pèlerinage de sectes shintoïstes et un site de méditation bouddhiste, et reste l'un des symboles du Japon moderne<ref name="La menace suspendue">''La Menace suspendue : La Vague'' (vers 1831) : Katsushika Hokusaï (1760-849). Scénario, commentaire, réalisation : Alain Jaubert. France : La Sept Arte ; BNF ; RMN ; Palette Prod., 1999, 29 min, couleur.</ref>. Le Fuji est souvent considéré comme un symbole de beauté<ref name="nipponia 35">[http://web-japan.org/nipponia/nipponia35/fr/topic/index.html Le Mont Fuji dans l’art], NIPPONIA {{n°}}35, 15 décembre, 2005, web-japan.org.</ref> et Hokusai l'a utilisé comme élément principal ou secondaire dans de nombreux tableaux.


===== Les bateaux =====
{{Images
[[Image:Kanagawa-oki nami-ura - huge wave against human.jpg|thumb|Cette estampe est caractéristique de l’''[[ukiyo-e]]'', « images d’un monde éphémère et flottant » : Hokusai saisit l’instant où la vague gigantesque menace d’engloutir les vulnérables embarcations dont l’existence éphémère est soumise au bon vouloir de la nature toute puissante.]]
|largeur=250
La scène représente trois [[barge (bateau)|barges]] prises dans une forte [[tempête]]. Les esquifs sont des ''{{Lien|langue=ja|trad=押送船|fr=oshiokuri-bune}}''<ref Name="Tadashi 47">{{en}} [https://books.google.fr/books?id=d0_f0F72pLgC&pg=PA47&lpg=PA47&dq=oshiokuri+bune&source=bl&ots=vs_bKWWitH&sig=MWMzsTNO0lWDhHwEc2T3ifH6nfY&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=4&ct=result#PPA47,M1 Tadashi Kobayashi, ''Ukiyo-e, an Introduction to Japanese Woodblock Prints'', page 47].</ref>, bateaux rapides qui servaient à transporter par mer du poisson des villages de pêcheurs des péninsules [[Péninsule d'Izu|d'Izu]] et [[Péninsule de Bōsō|de Bōsō]] vers les marchés aux poissons de la [[Baie de Tokyo|baie d'Edo]]<ref name="BM Under the Wave"/>. Ce transport de marchandises se veut probablement être le symbole d'une scène du quotidien du [[Tokyo]] du {{s-|XIX}}<ref name="metmuseum" />. En effet, comme son titre l'indique, la scène se déroule dans la mer proche de [[Kanagawa-ku|Kanagawa]] ([[Yokohama]]), située entre Tokyo au nord et la Baie de Tokyo à l'est. Les barques, orientées vers le sud-ouest, reviennent donc à vide de la capitale. Il y a huit rameurs par embarcation, cramponnés à leur rames qu'ils ont pris le soin de relever. Deux passagers supplémentaires sont à l'avant de chaque bateau, ce qui représente un total de trente hommes. Les barques font environ {{unité|12|mètres}} de long, par comparaison, on peut estimer que la vague mesure de 14 à {{unité|16|mètres}} de hauteur. Les marins sont pris dans une forte tempête, peut-être un [[Cyclone tropical|typhon]], ils ont peu de chances d'en réchapper<ref name="La menace suspendue"/>.
|titre=Détails de l'image
|bordure=#FFFFFF
|Image:The Great Wave off Kanagawa - wave.jpg|Détail de la crête de la Grande Vague et de ses « griffes » d'écume.
|Image:Kanagawa-oki nami-ura - 2 waves or 2 Fuji.jpg|Le mont Fuji à l'arrière plan fait écho a la petite vague du 1er plan.
|Image:Kanagawa-oki nami-ura - huge wave against human.jpg|Cette estampe est caractéristique de l’[[ukiyo-e]], « images d’un monde éphémère et flottant » : Hokusai saisit l’instant où la vague gigantesque menace d’engloutir les vulnérables embarcations dont l’existence éphémère est soumise au bon vouloir de la nature toute puissante.
}}

;La montagne :
La montagne à l'arrière-plan est le [[mont Fuji]], sujet emblématique de la série ''[[meisho-e]]'' des ''[[Trente-six vues du mont Fuji]]'', qui a pour thème cette [[montagne]], la plus haute du [[Japon]], dont le sommet enneigé est visible l'hiver depuis plusieurs provinces du centre. Cette montagne exerce depuis toujours une certaine fascination, elle est un lieu de pèlerinage de sectes shintoïstes et un site de méditation bouddhiste, et reste un des symboles du Japon moderne<ref name="La menace suspendue">La menace suspendue : La Vague (vers 1831) : Katsushika Hokusaï (1760-849). Scénario, commentaire, réalisation : Alain Jaubert. France : La Sept Arte ; BNF ; RMN ; Palette Prod., 1999. 29 min. couleur.</ref>. Le Fuji est souvent considéré comme un symbole de beauté<ref name="nipponia 35">[http://web-japan.org/nipponia/nipponia35/fr/topic/index.html Le Mont Fuji dans l’art], NIPPONIA No.35, 15 décembre, 2005, web-japan.org</ref> et Hokusai l'a utilisé, comme élément principal ou secondaire dans de nombreux tableaux.

;Les bateaux :
La scène représente trois [[barge]]s prises dans une forte [[tempête]]. Les esquifs sont des ''Oshiokuri-bune''<ref Name="Tadashi 47">[http://books.google.fr/books?id=d0_f0F72pLgC&pg=PA47&lpg=PA47&dq=oshiokuri+bune&source=bl&ots=vs_bKWWitH&sig=MWMzsTNO0lWDhHwEc2T3ifH6nfY&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=4&ct=result#PPA47,M1 Tadashi Kobayashi, ''Ukiyo-e, an introduction to Japanese woodblock prints'', page 47]</ref>, bateaux rapides qui servaient à transporter par mer du poisson des villages de pêcheurs des péninsules [[Péninsule d'Izu|d'Izu]] et [[Péninsule de Bōsō|de Bōsō]] vers les marchés aux poissons de la [[Baie de Tōkyō|baie d'Edo]]<ref name="BM Under the Wave"/>. Ce transport de marchandises se veut probablement être le symbole d'une scène du quotidien du [[Tōkyō]] du {{XIXe siècle}}<ref name="metmuseum" />. En effet, comme son titre l'indique, la scène se déroule dans la [[préfecture de Kanagawa]], située entre Tōkyō au nord, les reliefs du mont Fuji au nord ouest, la baie de Sagami au sud et la Baie de Tōkyō à l'est. Les barques, orientées vers le sud ouest, reviennent donc à vide de la capitale. Il y a huit rameurs par embarcation, cramponnés à leur rames qu'ils ont pris le soin de relever. Deux passagers supplémentaires sont à l'avant de chaque bateau, ce qui représente un total de trente hommes. Les barques font environ 12 mètres de long, par comparaison, on peut estimer que la vague mesure de 14 à 16 mètres de hauteur. Les marins sont pris dans une forte tempête, peut-être un [[typhon]], ils ont peu de chances d'en réchapper<ref name="La menace suspendue"/>.


La scène a lieu en pleine mer, au sud de la baie de Tokyo, au large de Kanagawa, à 90 kilomètres environ à l'ouest du mont Fuji<ref name="La menace suspendue"/>.
La scène a lieu en pleine mer, au sud de la baie de Tokyo, au large de Kanagawa, à {{unité|90|kilomètres}} environ à l'est du mont Fuji<ref name="La menace suspendue"/>{{,}}<ref group="Note">Le documentaire ''La Menace suspendue : La Vague'', de Alain Jaubert, présente environ au temps 05:14 une erreur « grossière » : « À 90 km environ à l'ouest du Fuji ». Cette assertion emmène le spectateur dans un endroit impossible, à l'intérieur des terres japonaises ! Il faut donc entendre, plus justement, « À 90 km environ à l'est du Fuji », qui emmène alors le spectateur [https://goo.gl/maps/WqamjBHM56U2 au-delà de la baie de Kanagawa], dans une mer susceptible d'être violente.</ref>.


;La mer et ses vagues :
===== La mer et ses vagues =====
[[Image:The Great Wave off Kanagawa - wave.jpg|thumb|left|Détail de la crête de la ''Grande Vague'' et de ses « griffes » d'écume.]]
La mer est l'élément dominant de la composition qui s'articule autour de la forme d'une [[vague]], qui se déploie et domine toute la scène avant de s'abattre.
La mer est l'élément dominant de la composition qui s'articule autour de la forme d'une [[vague]], qui se déploie et domine toute la scène avant de s'abattre.


La grande vague, en cet instant, réalise une spirale parfaite dont le centre passe au centre du dessin<ref name="La menace suspendue"/>.
La grande vague, en cet instant, réalise une spirale parfaite dont le centre passe au centre du dessin<ref name="La menace suspendue"/>. La vague s’abat en forme de main destructrice.
{{clr}}

==== La signature ====
==== La signature ====


[[Image:The Great Wave off Kanagawa - Title and signature.jpg|thumb|upright=0.4| Signature de Hokusai à gauche du cartouche]]
[[Image:The Great Wave off Kanagawa - Title and signature.jpg|thumb|upright=0.4| Signature de Hokusai à gauche du cartouche.]]


''La Grande Vague de Kanagawa'' porte deux inscriptions. Sur la première, qui représente le titre de la série et du tableau, située en haut à gauche dans un cartouche rectangulaire est écrit : « {{langue|ja|冨嶽三十六景 / 神奈川沖 / 浪裏}} » qui signifie « Fugaku sanju-rokkei / Kanagawa-oki / nami-ura », « Trente-six vues du mont Fuji / au large de Kanagawa / Sous la vague »<ref name="BM Under the Wave"/>. Sur la seconde, qui représente la signature<ref Group="Note">Hokusai utilisa plusieurs signatures différentes pour la Série des ''Trente-six vues du mont Fuji'' : tout au long de sa carrière, en effet, Hokusai changea de nom et de signature, au gré de son humeur, de ses constants déménagements, ou des étapes de son travail (Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 308)</ref>, située en haut à gauche de l'estampe, sur la gauche du cartouche, est écrit : « {{langue|ja|北斎改為一筆}} », signifiant « Hokusai aratame Iitsu hitsu »<ref name="BM Under the Wave"/>, « (peint) de la brosse de Hokusai changeant son nom en Iitsu »<ref name="La menace suspendue"/>.
''La Grande Vague de Kanagawa'' porte deux inscriptions. Sur la première, qui représente le titre de la série et du tableau, située en haut à gauche dans un cartouche rectangulaire est écrit : « {{langue|ja|冨嶽三十六景 / 神奈川沖 / 浪裏}} » qui se lit ''Fugaku sanju-rokkei / Kanagawa-oki / nami-ura'', et qui signifie ''Trente-six vues du mont Fuji / au large de Kanagawa / Sous la vague''<ref name="BM Under the Wave"/>. Sur la seconde, qui représente la signature<ref Group="Note">Hokusai utilisa plusieurs signatures différentes pour la série des ''Trente-six vues du mont Fuji''. Tout au long de sa carrière, en effet, Hokusai changea de nom et de signature, au gré de son humeur, de ses constants déménagements, ou des étapes de son travail (Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 308).</ref>, située en haut à gauche de l'estampe, sur la gauche du cartouche, est écrit : « {{langue|ja|北斎改為一筆}} », « ''Hokusai aratame Iitsu hitsu'' »<ref name="BM Under the Wave"/>, signifiant « (peint) de la brosse de Hokusai changeant son nom en Iitsu »<ref name="La menace suspendue"/>.
Enfant de très modeste origine, sans identité, puisque son premier pseudonyme, ''Katsushika'', lui vient de la région agricole où il est né, Hokusai utilisera au moins cinquante cinq autres noms tout au long de sa carrière ; ainsi, il ne commençait jamais une nouvelle période de travail sans changer de nom, abandonnant ses anciens noms à ses élèves<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 196</ref>. Aussi signa-t-il les quarante-six estampes composant les ''Vues du mont Fuji'', non en fonction de l'œuvre dans sa globalité, mais en fonction des différentes périodes de travail que cette œuvre représenta pour lui. Hokusai utilisa quatre signatures différentes pour cette série : « Hokusai aratame litsu hitsu », « zen Hokusai litsu hitsu», « Hokusai litsu hitsu » et « zen saki no Hokusai litsu hitsu »<ref name="bnf.fr Sous la vague ">[http://expositions.bnf.fr/japonaises/grand/083.htm Hokusai, Les Trente-six vues du mont Fuji, « Sous la vague au large de Kanagawa »] sur http://expositions.bnf.fr</ref>.
Enfant de très modeste origine, sans identité, puisque son premier pseudonyme, ''Katsushika'', lui vient de la région agricole où il est né, Hokusai utilisera au moins cinquante-cinq autres noms tout au long de sa carrière ; ainsi, il ne commençait jamais une nouvelle période de travail sans changer de nom, abandonnant ses anciens noms à ses élèves<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 196.</ref>. Aussi signa-t-il les quarante-six estampes composant les ''Vues du mont Fuji'', non en fonction de l'œuvre dans sa globalité, mais en fonction des différentes périodes de travail que cette œuvre représenta pour lui. Hokusai utilisa quatre signatures différentes pour cette série : « Hokusai aratame litsu hitsu », « zen Hokusai litsu hitsu », « Hokusai litsu hitsu » et « zen saki no Hokusai litsu hitsu »<ref name="bnf.fr Sous la vague">[http://expositions.bnf.fr/japonaises/grand/083.htm Hokusai, Les Trente-six vues du mont Fuji, « Sous la vague au large de Kanagawa »] sur http://expositions.bnf.fr.</ref>.


===L'expression de l'artiste===
=== L'analyse de l’œuvre ===
Hokusai réunit et assemble dans ce tableau différents thèmes qu'il apprécie particulièrement. Le Fuji représenté comme une pointe bleue et blanche ressemble à une vague, faisant écho à la vague du premier plan. L'image est tissée de courbes : surface des eaux qui se creuse, rides s'incurvant à l'intérieur des vagues, dos des lames et pentes du Fuji. Les courbes de l'écume de la grande vague engendrent d'autres courbes qui se divisent à leur tour en une multitude de petites sous vagues répétant l'image de la vague mère. Cette décomposition en [[fractale]] peut être considérée comme une illustration de l'infini<ref name="La menace suspendue"/>. Les visages des pêcheurs forment des taches blanches, auxquelles font écho les gouttelettes d'écume que projette la vague.


Dans une approche purement subjective de l'œuvre, cette vague est parfois présentée comme un [[tsunami]] ou une [[vague scélérate]] ; mais on la décrit aussi comme une vague monstrueuse et fantomatique, au squelette blanchâtre<ref>[https://www.cdc.gov/ncidod/EID/vol11no10/pdfs/about_cover.pdf Caractère monstrueux et fantomatique de la vague d'Hokusai].</ref>, menaçant les pêcheurs de ses « griffes » d'écume<ref Name="Gale 451">J. Hillier, ''Catalogue of the Japanese paintings and prints in the collection of Mr. & Mrs Richard P. Gale'', Routledge & Kegan Paul Ltd, 1970, tome II, page 451.</ref> ; cette vision fantastique de l'œuvre rappelle que Hokusai est un des maîtres du fantastique japonais<ref group="Note">Les thèmes surnaturels sont d'ailleurs une source d'inspiration de l'''ukiyo-e'', en particulier au {{s-|XIX}}, que l'on va retrouver chez [[Hiroshige]], et plus encore chez [[Utagawa Kuniyoshi|Kuniyoshi]], puis chez [[Yoshitoshi]], avec par exemple sa série ''Nouvelles Formes de trente-six fantômes''.</ref>, comme le montrent les fantômes qui hantent les carnets des ''[[Hokusai Manga]]''. De fait, l'examen de l'écume de la vague à gauche évoque beaucoup plus des mains griffues prêtes à s'emparer des pêcheurs que la frange blanche d'une vague ordinaire, telle qu'on peut la voir à droite de l'estampe. Dès les années 1831-1832, à peine deux ans après ''La Grande Vague'', Hokusai fera d'ailleurs appel aux thèmes chimériques de manière beaucoup plus explicite, avec sa série ''Hyaku monogotari'' (''Cent contes de fantômes'')<ref>Hélène Bayou, ''Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art »'', 2008, pages 144 et 145.</ref>.
{{Images
|largeur=200
|titre=Autres œuvres fantastiques<br> de Hokusai
|bordure=#FFFFFF
|Image:Hokusai Manga 04.jpg|Dans ses carnets de croquis, les ''[[Hokusai Manga]]'', l'artiste travailla souvent sur des thèmes fantastiques. Ici un fantôme menaçant un être humain de ses griffes, telle la Vague menaçant les marins.
|Image:Hokusai The Ghost Kohada Koheiji.jpg|La « mort fantôme » aux doigts crochus, rappelant les griffes de la vague perchée au dessus des marins condamnés.
|Image:Dragon ascending Mount Fuji, Katsushika Hokusai.jpg|La silhouette de la Grande Vague rappelle celle d'un dragon, ici « Le dragon du mont Fuji », 1835.
}}


Cette image rappelle bien d'autres œuvres de l'artiste. La silhouette de la vague évoque un dragon géant, dragon que Hokusai dessine souvent, notamment celui du Fuji. La vague est comme la mort fantôme perchée au-dessus des marins condamnés, elle dresse ses bras, ses plis et ses replis, comme le fait avec ses tentacules la pieuvre, un animal qui hante Hokusai aussi bien dans ses mangas que dans ses images érotiques. On retrouve d'autres analogies, les éclats de l'écume deviennent des becs, des serres d'oiseaux de proie, des mains aux doigts crochus, des crocs, des mandibules d'insectes, des mandibules acérées<ref name="La menace suspendue"/>.
Hokusai réunit et assemble dans ce tableau différents thèmes qu'il apprécie particulièrement. Le Fuji représenté comme une pointe bleue et blanche ressemble à une vague, faisant écho à la vague du premier plan. L'image est tissée de courbes : surface des eaux qui se creuse, rides s'incurvant à l'intérieur des vagues, dos des lames et pentes du Fuji. Les courbes de l'écume de la grande vague engendrent d'autres courbes qui se divisent à leur tour en une multitude de petites sous vagues répétant l'image de la vague mère. Cette décomposition en [[fractale]] peut être considérée comme une illustration de l'infini<ref name="La menace suspendue"/>.


[[Image:La Grande Vague, Yin et Yang couleur origine.jpg|thumb|''La Vague'' réduite aux deux formes symétriques emboîtées, qui s'opposent et se complètent comme le [[yin et yang|yin et le yang]].]]
Dans une approche purement subjective de l'œuvre, cette vague est parfois présentée comme un [[tsunami]] ou une [[vague scélérate]] ; mais on la décrit aussi comme une vague monstrueuse et fantomatique, au squelette blanchâtre<ref>[http://www.cdc.gov/ncidod/EID/vol11no10/pdfs/about_cover.pdf Caractère monstrueux et fantômatique de la vague d'Hokusai]</ref>, menaçant les pêcheurs de ses « griffes » d'écume<ref Name="Gale 451">J. Hillier, ''Catalogue of the Japanese paintings and prints in the collection of Mr. & Mrs Richard P. Gale'', Routledge & Kegan Paul Ltd, 1970, tome II, page 451</ref> ; cette vision fantastique de l'œuvre rappelle que Hokusai est un des maîtres du fantastique japonais<ref group="Note">Les thèmes fantastiques sont d'ailleurs une source d'inspiration de l'ukiyo-e, en particulier au {{XIXe siècle}}, que l'on va retrouver chez [[Hiroshige]], et plus encore chez [[Utagawa Kuniyoshi|Kuniyoshi]], puis chez [[Yoshitoshi]], avec par exemple sa série ''Nouvelles Formes de Trente-six Fantômes'' </ref>, comme le montrent les fantômes qui hantent les carnets des ''[[Hokusai Manga]]''. De fait, l'examen de l'écume de la vague à gauche évoque beaucoup plus des mains griffues prêtes à s'emparer des pêcheurs que la frange blanche d'une vague ordinaire, telle qu'on peut la voir à droite de l'estampe. Dès les années 1831-1832, à peine deux ans après ''La Grande Vague'', Hokusai fera d'ailleurs appel aux thèmes surnaturels de manière beaucoup plus explicite, avec sa série ''Hyaku monogotari'' (« Cent contes (de fantômes) »)<ref>Hélène Bayou, ''1760-1849, Hokusai, « l'affolé de son art »'', 2008, pages 144 et 145 </ref>.


Le travail sur la profondeur spatiale et la perspective (''[[uki-e]]'') est également à noter<ref name="palettes2" />, avec le fort contraste entre l'arrière-plan et le premier plan : les deux grandes masses visuelles qui occupent l'espace, la violence de la grande vague qui s'oppose à la sérénité du fond vide<ref name="metmuseum" />, peuvent faire penser au symbole du [[yin et yang|yin et du yang]]. L'homme, impuissant, se débat entre les deux. On peut donc y voir une allusion au [[taoïsme]], mais également au [[bouddhisme]] — les choses fabriquées par l'homme sont éphémères à l'image des barques emportées par la vague gigantesque — et au [[shintoïsme]] — la nature est toute-puissante<ref name="Rüf 2004">[http://www.letemps.ch/dossiers/dossiersarticle.asp?ID=147592 La « Grande Vague » du Japonais Hokusai, symbole de la violence des tsunamis], Isabelle Rüf, 29 décembre 2004, www.letemps.ch.</ref>{{,}}<ref name="lettres-histoire">[http://lettres-histoire.ac-rouen.fr/histgeo/hokusai.htm Hokusai], lettres-histoire.ac-rouen.fr.</ref>.<br />
Cette image rappelle bien d'autres œuvres de l'artiste. La silhouette de la vague évoque un dragon géant, dragon que Hokusai dessine souvent, notamment celui du Fuji. La vague est comme la mort fantôme perchée au dessus des marins condamnée, elle dresses ses bras, ses plis et ses replis, comme le fait avec ses tentacules la pieuvre, un animal qui hante Hokusai aussi bien dans ses mangas que dans ses images érotiques. On retrouve d'autres analogies, les éclats de l'écume deviennent des becs, des serres d'oiseaux de proie, des mains aux doigts crochus, des crocs, des mandibules d'insecte, des mandibules acérés<ref name="La menace suspendue"/>.
L'« opposition complémentaire » du yin et du yang<ref name="thesoundsinsidemyhead"/> se traduit également au niveau des couleurs : le bleu de Prusse s'oppose ici au jaune rosé de l'arrière-plan, qui en est la [[couleur complémentaire]]. La symétrie de l'image est donc quasi parfaite, tant au niveau des formes que des couleurs.

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[[Image:La Grande Vague, Yin et Yang couleur origine.jpg|thumb|left|upright=1.0|''La Vague'' réduite aux deux formes symétriques emboîtées, qui s'opposent et se complètent comme le [[Yin et Yang|''Yin'' et le ''Yang'']].]]
<gallery caption="Autres œuvres fantastiques de Hokusai">

Fichier:Hokusai Manga 04.jpg|Dans ses carnets de croquis, les ''[[Hokusai Manga]]'', l'artiste travailla souvent sur des thèmes fantastiques. Ici, un fantôme menaçant un être humain de ses griffes, telle la vague menaçant les marins.
Le travail sur la profondeur spatiale et la perspective (''[[uki-e]]'') est également à noter<ref name="palettes2" />, avec le fort contraste entre l'arrière plan et le premier plan : les deux grandes masses visuelles qui occupent l'espace, la violence de la grande vague qui s'oppose à la sérénité du fond vide<ref name="metmuseum" />, peuvent faire penser au symbole du [[yin et yang|yin et du yang]]. L'homme, impuissant, se débat entre les deux. On peut donc y voir une allusion au [[taoïsme]], mais également au [[bouddhisme]] - les choses fabriquées par l'homme sont éphémères à l'image des barques emportées par la vague gigantesque - et au [[shintoïsme]] - la nature est toute puissante<ref name="Rüf 2004">[http://www.letemps.ch/dossiers/dossiersarticle.asp?ID=147592 La «Grande vague» du Japonais Hokusai, symbole de la violence des tsunamis], Isabelle Rüf, 29 décembre 2004, www.letemps.ch</ref>{{,}}<ref name="lettres-histoire">[http://lettres-histoire.ac-rouen.fr/histgeo/hokusai.htm Hokusai], lettres-histoire.ac-rouen.fr</ref>.<br />
Fichier:Hokusai The Ghost Kohada Koheiji.jpg|La « mort fantôme » aux doigts crochus, rappelant les griffes de la vague perchée au-dessus des marins condamnés.
L'« opposition complémentaire » du Yin et du Yang<ref name="thesoundsinsidemyhead"/> se traduit également au niveau des couleurs : le bleu de Prusse s'oppose ici au jaune rosé de l'arrière plan, qui en est la [[couleur complémentaire]]. La symétrie de l'image est donc quasi parfaite, tant au niveau des formes que des couleurs.
Fichier:Dragon ascending Mount Fuji, Katsushika Hokusai.jpg|La silhouette de la ''Grande Vague'' rappelle celle d'un dragon, ici ''Le Dragon du mont Fuji'', 1835.
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=== Sens de lecture ===
=== Sens de lecture ===
[[Image:La Grande Vague inversée.jpg|thumb|upright=0.7|L'image inversée de la ''Grande Vague'', permet à un occidental de comprendre la façon dont un japonais peut lire l'estampe.]]
[[Image:La Grande Vague inversée.jpg|thumb|upright=0.7|L'image inversée de la ''Grande Vague'', permet à un Occidental de comprendre la façon dont un Japonais perçoit l'estampe.]]


Alors que l'[[Écritures du japonais|écriture japonaise]] se lit de haut en bas, et plus important ici, de droite à gauche, l'écriture occidentale se lit de gauche à droite, ce qui implique que lecture et la perception première de l'image n'est pas la même pour un Occidental et pour un Japonais<ref name="NTEIVA Newsletter Home vol.12, no.3">{{Lien web
Alors que l'[[Écritures du japonais|écriture japonaise]] se lit de haut en bas, et plus important ici, de droite à gauche, l'écriture occidentale se lit de gauche à droite, ce qui implique que la perception première de l'image n'est pas la même pour un Occidental et pour un Japonais<ref name="NTEIVA Newsletter Home vol.12, no.3"/> :
* Pour un Occidental, au tout premier coup d'œil, les pêcheurs japonais de ''La Grande Vague de Kanagawa'' se dirigent vers la droite de l'estampe, en provenance, peut-on imaginer, de la [[péninsule d'Izu]]. Ils sont rattrapés par la vague, qu'ils fuient, ou, peut-être, qu'ils n'ont pas vu venir ;
|url=http://www.art.unt.edu/ntieva/pages/about/newsletters/vol_12/no_3/page8.html
* Pour un Japonais, les pêcheurs viennent de la droite de l'image et se dirigent vers la gauche, ils suivent le cheminement oriental traditionnel, auquel s'oppose la vague<ref name="www3.ac-nancy-metz.fr">{{Lien web
|titre=Forces of Nature: Natural Diasters Portrayed in Art - A Units of Study - Lesson 2: Comparing Tornado Over Kansas and the Great Wave off Kanagawa
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|date=2001
|site=http://www.art.unt.edu
|éditeur=NTEIVA Newsletter Home vol.12, no.3 - North Texas Institute for Educators on the Visual Arts Editor
|page=8-10
|consulté le=17 décembre 2008
}}</ref> :
* pour un Occidental, au tout premier coup d'œil, les pêcheurs japonais de ''La Grande Vague de Kanagawa'' se dirigent vers la droite de l'estampe, en provenance, peut-on imaginer, de la [[péninsule d'Izu]]. Ils sont rattrapés par la vague, qu'ils fuient, ou, peut-être, qu'ils n'ont pas vu venir ;
* pour un Japonais, les pêcheurs viennent de la droite de l'image et se dirigent vers la gauche, ils suivent le cheminent oriental traditionnel, auquel s'oppose la Vague<ref name="www3.ac-nancy-metz.fr">{{Lien web
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|titre=Notions inhérentes à l'image - Les lignes directrices de composition
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[[Image:Hokusai 1760-1849 Ocean waves.jpg|thumb|left|upright=0.9|Mille Images de l’océan (Chie no umi), Chōshi dans la province de Shimosa (Sōshū Chōshi), 1832-1834.]]
[[Image:Hokusai 1760-1849 Ocean waves.jpg|thumb|left|upright=0.9|''Mille Images de l’océan'' (''[[Chie no umi]]''), Chōshi dans la province de Shimosa (Sōshū Chōshi). [[Hokusai]], 1832-1834.]]
Ils sont au large des côtes de Kanagawa, en se dirigeant vers la gauche, vers le sud-ouest, revenant sans doute à vide de Tōkyō, où ils ont vendu leurs poissons. Au lieu de fuir la vague, ils se heurtent à elle : elle leur barre la route et ils doivent l'affronter dans toute sa violence. C'est dans le sens de lecture japonais, de droite à gauche, que l'image est la plus forte, rendant la menace de la Vague plus apparente<ref name="archpsyc">{{Lien web
Ils sont au large des côtes de Kanagawa, en se dirigeant vers la gauche, vers le sud-ouest, revenant sans doute à vide de Tokyo, où ils ont vendu leurs poissons. Au lieu de fuir la vague, ils se heurtent à elle : elle leur barre la route et ils doivent l'affronter dans toute sa violence. C'est dans le sens de lecture japonais, de droite à gauche, que l'image est la plus forte, rendant la menace de la vague plus apparente<ref name="archpsyc">{{Lien web |langue=en
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|consulté le=18 décembre 2008
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L'examen des bateaux, et en particulier de celui du haut, qui barre le Fuji, montre bien que c'est la [[proue]], haute et effilée, qui est orientée vers la gauche, et que la lecture « japonaise » de l'image est donc la « bonne ». L'aspect des bateaux, des ''Oshiokuri-bune'' servant à transporter le poisson, est d'ailleurs confirmé par l'observation d'une autre estampe de Hokusai, « Mille Images de l’océan » (''Chie no umi''), « Chōshi dans la province de Shimosa » (''Sōshū Chōshi''), où, cette fois, le bateau s'écarte bien du ressac (situé ici sur la droite de l'image), comme le montre son sillage sur l'eau.


L'examen des bateaux, et en particulier de celui du haut, qui barre le Fuji, montre bien que c'est la [[proue]], haute et effilée, qui est orientée vers la gauche, et que la lecture « japonaise » de l'image est donc la « bonne ». L'aspect des bateaux, des ''oshiokuri-bune'' servant à transporter le poisson, est d'ailleurs confirmé par l'observation d'une autre estampe de Hokusai, ''Mille Images de l’océan'' (''Chie no umi''), « Chōshi dans la province de Shimosa » (''Sōshū Chōshi''), où, cette fois, le bateau s'écarte bien du ressac (situé ici sur la droite de l'image), comme le montre son sillage sur l'eau.
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== Conception de l'œuvre par Hokusai ==
== Conception de l'œuvre ==
[[Image:Kanagawa-oki Honmoku no zu.jpg|thumb|right|upright=1.0|''Kanagawa-oki Honmoku no zu'', « Vue de Honmoku au large de Kanagawa », crée vers 1803.]]
[[Image:Kanagawa-oki Honmoku no zu.jpg|thumb|''Kanagawa-oki Honmoku no zu'', « Vue de Honmoku au large de Kanagawa », créée par [[Hokusai]] vers 1803.]]
[[Image:Oshiokuri Hato Tsusen no Zu.jpg|thumb|right|upright=1.0|''Oshiokuri Hato Tsusen no Zu'', « bateaux cargo luttant contre les vagues », crée vers 1805, œuvres annonciatrices de ''Sous la vague, au large de Kanagawa''.]]
[[Image:Oshiokuri Hato Tsusen no Zu.jpg|thumb|''Oshiokuri Hato tsusen no zu'', « bateaux cargo luttant contre les vagues », créé par [[Hokusai]] vers 1805, œuvres annonciatrices de ''Sous la vague, au large de Kanagawa''.]]


Hokusai n'a pas imaginé et crée ''La Vague'' en un jour et l'étude de ses œuvres antérieures laisse penser que de nombreuses années de travail ont été nécessaires afin d'aboutir au degré de maitrise qu'il démontre dans ''La grande vague de Kanagawa''.
Hokusai n'a pas imaginé et créé ''La Vague'' en un jour et l'étude de ses œuvres antérieures laisse penser que de nombreuses années de travail ont été nécessaires afin d'aboutir au degré de maitrise qu'il démontre dans ''La Grande Vague de Kanagawa''.


Deux estampes, produites près de 30 ans plus tôt, ressemblent à la ''Grande Vague'', et peuvent être considérées comme des œuvres annonciatrices<ref Group="Note">C'est à cette époque, entre 1800 et 1805, que Hokusai, sous l'influence de [[Shiba Kōkan]] réalise des estampes qui sont directement des études de la perspective occidentale ; ainsi, l'estampe ''Kudan Ushigafuchi'' (analysée dans l'ouvrage ''Images d'un monde éphémère, Estampes japonaises'', BnF), très proche dans son esthétique de La Vague de 1805, est en réalité un effort de reproduction des peintures à l'huile qui arrivaient de Hollande : l'apparition d'ombres portées, la taille des objets qui diminue avec l'éloignement, la signature écrite en [[hiragana]] disposés ici horizontalement, à la façon occidentale, sont autant d'éléments que l'on retrouve dans ''Oshiokuri Hato Tsusen no Zu'' en 1805</ref>. Ce sont ''Kanagawa-oki Honmoku no zu'', crée vers 1803 et ''Oshiokuri Hato Tsusen no Zu'', crée vers 1805<ref name="cento vedute">{{Lien web
Deux estampes, produites près de 30 ans plus tôt, ressemblent à la ''Grande Vague'', et peuvent être considérées comme des œuvres annonciatrices<ref group="Note">C'est à cette époque, entre 1800 et 1805, que Hokusai, sous l'influence de [[Shiba Kōkan]], réalise des estampes qui sont directement des études de la perspective occidentale ; ainsi, l'estampe ''Kudan Ushigafuchi'' (analysée dans l'ouvrage ''Images d'un monde éphémère. Estampes japonaises'', BnF), très proche dans son esthétique de ''La Vague'' de 1805, est en réalité un effort de reproduction des peintures à l'huile qui arrivaient de Hollande : l'apparition d'ombres portées, la taille des objets qui diminue avec l'éloignement, la signature écrite en [[hiragana]] disposés ici horizontalement, à la façon occidentale, sont autant d'éléments que l'on retrouve dans ''Oshiokuri hato tsusen no zu'' en 1805.</ref>. Ce sont ''Kanagawa-oki Honmoku no zu'', créé vers 1803 et ''Oshiokuri hato tsusen no zu'', créé vers 1805<ref name="cento vedute">{{Lien web |langue=es
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|consulté le=18 décembre 2008
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}}</ref>{{,}}<ref name="Hokusai: Genius">''Hokusai: Genius of the Japanese Ukiyo-e''. Par Seiji Nagata, Hokusai Katsushika, John Bester. Publié par Kodansha International, 1999. ISBN 4770024797, 9784770024794. 96 pages. [http://books.google.com/books?id=TtxlulrUU6sC&pg=PA77&lpg=PA77&dq=hokusai+craftmen&source=bl&ots=pf1waJNizO&sig=EcCttT1T9ok_fDsq3rJ9K7sDCSg&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=3&ct=result#PPA40,M1 en ligne]</ref>{{,}}<ref name="Ukiyo-e: An Introduction">''Ukiyo-e: An Introduction to Japanese Woodblock Prints''. Par Tadashi Kobayashi, Mark A. Harbison. Publié par Kodansha International, 1997. ISBN 4770021828, 9784770021823. 96 pages. [http://books.google.gp/books?id=d0_f0F72pLgC&pg=PA47&lpg=PA47&dq=Hokusai+oshiokuri+hato+tsusen+no+zu&source=web&ots=vs_bG3VqvK&sig=N5HSvgoTIMwsGc-Ewf_lFAR_i3U&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=5&ct=result en ligne]</ref>. Ces deux tableaux ont la même thématique que ''La Vague'', ils décrivent un bateau, à voile dans le premier cas, à rame dans le second, pris dans la tempête, au pied d'une immense vague qui menace de l'engloutir. Si ces tableaux ressemblent à ''La Vague'', ils en différent sur certains points<ref name="thesoundsinsidemyhead">[http://thesoundsinsidemyhead.blogspot.com/2008/05/hokusais-great-wave.html Hokusai's great wave]</ref> et l'étude de ces différences permet de décrire l'évolution technique et artistique de Hokusai :
}}.</ref>{{,}}<ref name="Hokusai: Genius">''Hokusai: Genius of the Japanese Ukiyo-e'', Seiji Nagata, Hokusai Katsushika, John Bester. Publié par Kodansha International, 1999. {{ISBN|4-7700-2479-7}}, 9784770024794. 96 pages. [https://books.google.com/books?id=TtxlulrUU6sC&pg=PA77&lpg=PA77&dq=hokusai+craftmen&source=bl&ots=pf1waJNizO&sig=EcCttT1T9ok_fDsq3rJ9K7sDCSg&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=3&ct=result#PPA40,M1 en ligne].</ref>{{,}}<ref name="Ukiyo-e: An Introduction">''Ukiyo-e: An Introduction to Japanese Woodblock Prints'', Tadashi Kobayashi, Mark A. Harbison, Kodansha International, 1997. {{ISBN|4-7700-2182-8}}, 9784770021823. 96 pages. [https://books.google.gp/books?id=d0_f0F72pLgC&pg=PA47&lpg=PA47&dq=Hokusai+oshiokuri+hato+tsusen+no+zu&source=web&ots=vs_bG3VqvK&sig=N5HSvgoTIMwsGc-Ewf_lFAR_i3U&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=5&ct=result en ligne].</ref>. Ces deux gravures ont la même thématique que ''La Vague'', ils décrivent un bateau, à voile dans le premier cas, à rame dans le second, pris dans la tempête, au pied d'une immense vague qui menace de l'engloutir. Si ces tableaux ressemblent à ''La Vague'', ils en diffèrent sur certains points<ref name="thesoundsinsidemyhead">[http://thesoundsinsidemyhead.blogspot.com/2008/05/hokusais-great-wave.html Hokusai's great wave].</ref> et l'étude de ces différences permet de décrire l'évolution technique et artistique de Hokusai :
* Dans ces premières estampes, les vagues sont assimilées à une matière dense et uniforme, presque minérale<ref name="La menace suspendue"/>. Leur raideur et leur verticalité évoquent des sommets montagneux enneigés<ref name="thesoundsinsidemyhead"/>, alors que ''La Vague'' apparait plus vivante, plus dynamique et plus agressive ; sa crête en forme de griffes écumantes contribue puissamment à la menace qui en émane ;
* Dans ces premières estampes, les vagues sont assimilées à une matière dense et uniforme, presque minérale<ref name="La menace suspendue"/>. Leur raideur et leur verticalité évoquent des sommets montagneux enneigés<ref name="thesoundsinsidemyhead"/>, alors que ''La Vague'' apparait plus vivante, plus dynamique et plus agressive ; sa crête en forme de griffes écumantes contribue puissamment à la menace qui en émane ;
* le point de vue des estampes de 1803 et 1805 est toujours légèrement marqué par la perspective japonaise traditionnelle : le spectateur est placé plus haut, dans une vue cavalière qui ne permet pas d'être au cœur de l'action<ref name="thesoundsinsidemyhead"/>. Le point de vue beaucoup plus bas adopté plus tard par Hokusai créé instantanément un sentiment d'écrasement face aux éléments ;
* Le point de vue des estampes de 1803 et 1805 est toujours légèrement marqué par la perspective japonaise traditionnelle : le spectateur est placé plus haut, dans une vue cavalière qui ne permet pas d'être au cœur de l'action<ref name="thesoundsinsidemyhead"/>. Le point de vue beaucoup plus bas adopté plus tard par Hokusai crée instantanément un sentiment d'écrasement face aux éléments ;
* ce sentiment est encore renforcé par la ligne d'horizon : les deux premières estampes laissent apparaître un paysage à l'horizon, paysage à peine masqué par la vague principale ; la présence de cet arrière plan relativise la menace constituée par la vague. Au contraire, ''La Grande Vague de Kanagawa'' donne le quasi-monopole du spectacle aux éléments déchaînés, obligeant le spectateur à s'immerger dans le drame ; le calme du Fuji au lointain n'apporte pas de soulagement au caractère oppressant des premiers plans, car sa petitesse même souligne son extrême éloignement ; de même, les deux premières estampes faisaient apparaître des oiseaux, détail familier et rassurant qui a disparu dans ''La Vague''<ref name="thesoundsinsidemyhead"/> ;
* Ce sentiment est encore renforcé par la ligne d'horizon : les deux premières estampes laissent apparaître un paysage à l'horizon, paysage à peine masqué par la vague principale ; la présence de cet arrière-plan relativise la menace constituée par la vague. Au contraire, ''La Grande Vague de Kanagawa'' donne le quasi-monopole du spectacle aux éléments déchaînés, obligeant le spectateur à s'immerger dans le drame ; le calme du Fuji au lointain n'apporte pas de soulagement au caractère oppressant des premiers plans, car sa petitesse même souligne son extrême éloignement ; de même, les deux premières estampes faisaient apparaître des oiseaux, détail familier et rassurant qui a disparu dans ''La Vague''<ref name="thesoundsinsidemyhead"/> ;
* on note également que, dans les premières estampes, un bateau navigue sur la crête de la vague, comme s'il était parvenu à lui échapper. Hokusai a éliminé ce détail dans ''La Grande Vague'', peut-être parce que cela gênait la dynamique de la courbe de la vague, mais aussi pour renforcer le drame qui se déroule : les humains, dépassés par les éléments, n'occupent plus que la partie inférieure de l'image<ref name="thesoundsinsidemyhead"/> ;
* Dans les premières estampes, un bateau navigue sur la crête de la vague, comme s'il était parvenu à lui échapper. Hokusai a éliminé ce détail dans ''La Grande Vague'', peut-être parce que cela gênait la dynamique de la courbe de la vague, mais aussi pour renforcer le drame qui se déroule : les humains, dépassés par les éléments, n'occupent plus que la partie inférieure de l'image<ref name="thesoundsinsidemyhead"/> ;
* au delà de tous ces aspects, la composition générale de l'image accuse une autre différence : les deux estampes de 1803 et 1805 de Hokusai montrent des compositions disparates, manquant de la ''cohérence'' qui est à la base même de la force d'une image. <br />''La Vague'', par comparaison, réduit les grandes masses visuelles à deux : la vague elle-même, et son arrière plan vide, amorcé par la ligne inférieure de la vague (« sous la vague », comme le dit explicitement le titre).
* Au-delà de tous ces aspects, la composition générale de l'image accuse une autre différence : les deux estampes de 1803 et 1805 de Hokusai montrent des compositions disparates, manquant de la « cohérence » qui est à la base même de la force d'une image. ''La Vague'', par comparaison, réduit les grandes masses visuelles à deux : la vague elle-même, et son arrière-plan vide, amorcé par la ligne inférieure de la vague (« sous la vague », comme le dit explicitement le titre).


[[Image:A colored version of the Big wave from 100 views of the Fuji, 2nd volume.jpg|thumb|''Kaijo no fuji'', second volume des cents vues du mont Fuji, 1834, Hokusai. Pas de bateaux mais des oiseaux volant dans l'écume.]]
[[Image:A colored version of the Big wave from 100 views of the Fuji, 2nd volume.jpg|thumb|''Kaijo no fuji'', second volume des ''Cent vues du mont Fuji'', 1834, Hokusai. Pas de bateaux mais des oiseaux volant dans l'écume.]]
* Ainsi donc, ''La Vague'' permet de se rendre compte de la maîtrise qu'avait atteint Hokusai : cette image, si simple, coulant de source, telle qu'elle nous apparait, est en réalité le fruit d'un long travail, d'une réflexion méthodique. La fondation même de cette méthode a été posée dès 1812 par Hokusai dans son ouvrage ''Initiation rapide au dessin abrégé'', où il expose sa théorie selon laquelle tout objet se dessine par la relation du cercle avec le carré. Il écrit : {{citation bloc|Ce livre consiste à montrer la technique du dessin en utilisant uniquement une règle et un compas (...) Lorsqu'on commence par cette méthode, la ligne et la proportion s'obtiennent plus naturellement<ref Name="Delay 197 Initiation">Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 197</ref>.}} et, dans la préface du même ouvrage, {{citation bloc|Toutes les formes ont leurs propres dimensions que nous devons respecter (...) Il ne faut pas oublier que ces choses appartiennent à un univers dont nous ne devons pas briser l'harmonie<ref Name="Delay 197 Initiation"/>.}}
* ''La Vague'' permet de se rendre compte de la maîtrise qu'avait atteint Hokusai : cette image, si simple, coulant de source, telle qu'elle nous apparait, est en réalité le fruit d'un long travail, d'une réflexion méthodique. La fondation même de cette méthode a été posée dès 1812 par Hokusai dans son ouvrage ''Initiation rapide au dessin abrégé'', où il expose sa théorie selon laquelle tout objet se dessine par la relation du cercle avec le carré. Il écrit : {{citation bloc|Ce livre consiste à montrer la technique du dessin en utilisant uniquement une règle et un compas […] Lorsqu'on commence par cette méthode, la ligne et la proportion s'obtiennent plus naturellement<ref Name="Delay 197 Initiation">Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 197.</ref>.}} et, dans la préface du même ouvrage, {{citation bloc|Toutes les formes ont leurs propres dimensions que nous devons respecter […] Il ne faut pas oublier que ces choses appartiennent à un univers dont nous ne devons pas briser l'harmonie<ref Name="Delay 197 Initiation"/>.}}


Quelques années plus tard, en 1835, Hokusai reprend l'image de ''La Vague'' qu'il aime tant et réalise ''Kaijo no fuji'', pour le second volume des cents vues du mont Fuji. On y retrouve le même rapport entre la vague et le volcan et le même jaillissement d'écume. Mais cette fois, pas de bateaux, pas d'humains, et les éclats de la vague se confondent avec un vol d'oiseaux de mer<ref name="La menace suspendue"/>. Alors que dans son œuvre précédente, la Grande Vague déferlait de gauche à droite, c'est-à-dire dans le sens contraire à la lecture japonaise, et s'opposait donc frontalement aux bateaux, ici la vague et les oiseaux déferlent de droite à gauche, en harmonie<ref name="classes.yale">{{Lien web
Quelques années plus tard, en 1835, Hokusai reprend l'image de ''La Vague'' qu'il aime tant et réalise ''Kaijo no fuji'', pour le second volume des ''Cent vues du mont Fuji''. On y retrouve le même rapport entre la vague et le volcan et le même jaillissement d'écume. Mais cette fois, pas de bateaux, pas d'humains, et les éclats de la vague se confondent avec un vol d'oiseaux de mer<ref name="La menace suspendue"/>. Alors que dans son œuvre précédente, la grande vague déferlait de gauche à droite, c'est-à-dire dans le sens contraire à la lecture japonaise, et s'opposait donc frontalement aux bateaux, ici la vague et les oiseaux déferlent de droite à gauche, en harmonie<ref name="classes.yale">{{Lien web |langue=en
|url=http://classes.yale.edu/fractals/Panorama/Art/Hokusai/Hokusai.html
|url=http://classes.yale.edu/fractals/Panorama/Art/Hokusai/Hokusai.html
|titre=Hokusai - A Panorama of Fractals and Their Uses
|titre=Hokusai - A Panorama of Fractals and Their Uses
|auteur=M. Frame et B.B. Mandelbrot
|auteur=M. Frame et B.B. Mandelbrot
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|éditeur=Mathematics Department, Yale University
|éditeur=Mathematics Department, Yale University
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|consulté le=18 décembre 2008
|consulté le=18 décembre 2008
}}</ref>.
}}.</ref>.


== Influence de l'Occident sur ''La Grande Vague'' ==
== Influence de l'Occident sur ''La Grande Vague'' ==
''La Grande Vague'' de Hokusai a été influencée par l'Occident (de façon discrète en ce qui concerne la perspective, mais néanmoins très réelle, comme le montre l'étagement des plans), sur au moins deux aspects, la perspective, et l'utilisation du bleu de Prusse.
''La Grande Vague'' de Hokusai a été influencée par l'Occident, sur au moins deux aspects : la perspective (de façon discrète mais néanmoins très réelle, comme le montre l'étagement des plans), et l'utilisation du bleu de Prusse.


=== La perspective ===
=== La perspective ===
[[Image:Ch5 wakamurasaki.jpg|thumb|upright=1.0|Perspective japonaise traditionnelle (Paysage de l'[[École Tosa]], {{XVIIe siècle}})]]
[[Image:Ch5 wakamurasaki.jpg|thumb|Perspective japonaise traditionnelle (Paysage de l'[[École Tosa]], attribuée à [[Tosa Mitsuoki]], {{s-|XVII}}).]]
Dans la peinture traditionnelle du Japon, et de l'Extrême-Orient de manière plus générale, la représentation de la perspective telle que nous l'entendons n'existait pas. Comme dans l'Égypte antique, la taille des objets ou des personnages ne dépendait pas de leur proximité ou de leur éloignement, mais de leur importance dans le contexte du sujet<ref>Richard Lane, ''L'Estampe japonaise'', Éditions Aimery Somogy, Paris, 1962, page 240</ref> : un paysage pouvait donc être représenté en grossissant les personnages, considérés comme le véritable sujet de l'estampe, et en réduisant la taille des arbres et des montagnes environnantes, pour qu'ils ne risquent pas de capter l'attention au détriment des personnages. La notion de ligne de fuite n'existait pas, et le point de vue retenu était en général celui d'une ''vue cavalière''.
Dans la peinture traditionnelle du Japon, et de l'Extrême-Orient de manière plus générale, la représentation de la perspective telle que nous l'entendons n'existait pas. Comme dans l'Égypte antique, la taille des objets ou des personnages ne dépendait pas de leur proximité ou de leur éloignement, mais de leur importance dans le contexte du sujet<ref>Richard Lane, ''L'Estampe japonaise'', Éditions Aimery Somogy, Paris, 1962, page 240.</ref> : un paysage pouvait donc être représenté en grossissant les personnages, considérés comme le véritable sujet de l'estampe, et en réduisant la taille des arbres et des montagnes environnantes, pour qu'ils ne risquent pas de capter l'attention au détriment des personnages. La notion de ligne de fuite n'existait pas, et le point de vue retenu était en général celui d'une « vue cavalière ».


La [[Perspective (représentation)|perspective]], utilisée dans les peintures occidentales depuis [[Paolo Uccello]] et [[Piero della Francesca]], était, au début du {{XVIIIe siècle}}, connue des artistes japonais au travers des gravures sur cuivre occidentales (hollandaises en particulier), qui arrivaient par [[Nagasaki]]<ref Group="Note">Après les « décrets d'exclusion » de 1633, et après l'écrasement de la rébellion chrétienne de 1637, [[Nagasaki]] resta le seul lien unissant le Japon au reste du monde au travers des commerçants hollandais, cantonnés sur l'îlot de [[Deshima]]</ref>. Les premières études et tentatives sur la perspective occidentale furent menées par [[Okumura Masanobu]], puis surtout, par [[Utagawa Toyoharu|Toyoharu]] ; celui-ci a même réalisé pour cela, aux alentours de 1750, des gravures sur cuivre représentant la perspective du [[Grand Canal (Venise)|Grand Canal]] à Venise, ou des ruines antiques de Rome<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 173 {{ISBN|2-85025-807-5}}</ref>.
La [[Perspective (représentation)|perspective]], utilisée dans les peintures occidentales depuis [[Paolo Uccello]] et [[Piero della Francesca]], était, au début du {{s-|XVIII}}, connue des artistes japonais au travers des gravures sur cuivre occidentales (hollandaises en particulier), qui arrivaient par [[Nagasaki]]<ref group="Note">Après les « décrets d'exclusion » de 1633, et après l'écrasement de la rébellion chrétienne de 1637, [[Nagasaki]] resta le seul lien unissant le Japon au reste du monde au travers des commerçants hollandais, cantonnés sur l'îlot de [[Deshima]].</ref>. Les premières études et tentatives sur la perspective occidentale furent menées par [[Okumura Masanobu]], puis surtout, par [[Utagawa Toyoharu|Toyoharu]] ; celui-ci a même réalisé pour cela, aux alentours de 1750, des gravures sur cuivre représentant la perspective du [[Grand Canal (Venise)|Grand Canal]] à Venise, ou des ruines antiques de Rome<ref>Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 173 {{ISBN|2-85025-807-5}}.</ref>.


Grâce à l'œuvre de Toyoharu, l'estampe japonaise de paysage, telle que l'ont fait évoluer [[Hiroshige]] (élève indirect de Toyoharu, au travers de Toyohiro) et Hokusai, a été profondément influencée, bouleversée même par rapport à l'approche traditionnelle. Hokusai se familiarisa avec la perspective occidentale dès les années 1790, au travers des recherches de [[Shiba Kōkan]] ; peut-être même, bien qu'on n'en ait pas la preuve, a-t-il bénéficié de son enseignement<ref Name="Bayou 110">Hélène Bayou, ''1760-1849, Hokusai, « l'affolé de son art »'', 2008, page 110</ref>. Il publia d'ailleurs entre 1805 et 1810 une série intitulée « Miroirs d'images hollandaises - Huit vues d'Édo »<ref Name="Bayou 110"/>.
Grâce à l'œuvre de Toyoharu, l'estampe japonaise de paysage, telle que l'ont fait évoluer [[Hiroshige]] (élève indirect de Toyoharu, au travers de Toyohiro) et Hokusai, a été profondément influencée, bouleversée même par rapport à l'approche traditionnelle. Hokusai se familiarisa avec la perspective occidentale dès les années 1790, au travers des recherches de [[Shiba Kōkan]] ; peut-être même, bien qu'on n'en ait pas la preuve, a-t-il bénéficié de son enseignement<ref name="Bayou 110">Hélène Bayou, ''Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art »'', 2008, page 110.</ref>. Il publia d'ailleurs entre 1805 et 1810 une série intitulée ''Miroirs d'images hollandaises. Huit vues d'Edo''<ref Name="Bayou 110"/>.


Sans doute le succès de ''La Grande Vague'' en Occident n'aurait-il pas été aussi fort, si le public occidental n'avait pas éprouvé un sentiment de familiarité avec l'œuvre : dans une certaine mesure en effet, c'est une peinture occidentale vue au travers d'yeux japonais<ref>[http://www.andreas.com/hokusai.html La perspective occidentale dans ''La Grande Vague au large de Kanagawa'']</ref>.
Sans doute le succès de ''La Grande Vague'' en Occident n'aurait-il pas été aussi fort, si le public occidental n'avait pas éprouvé un sentiment de familiarité avec l'œuvre : dans une certaine mesure en effet, c'est une peinture occidentale vue au travers d'yeux japonais<ref>[http://www.andreas.com/hokusai.html La perspective occidentale dans ''La Grande Vague au large de Kanagawa''].</ref>.


Comme l'a écrit Richard Lane, {{citation bloc|(...) des Occidentaux, mis pour la première fois en présence d'œuvres japonaises, seront tentés de choisir ces deux derniers artistes (Hokusai et Hiroshige) comme représentant l'apogée de l'art du Japon, sans se rendre compte que ce qu'ils admirent le plus est justement cette parenté cachée avec la tradition occidentale qu'ils sentent confusément<ref>Richard Lane, ''L'Estampe japonaise'', Éditions Aimery Somogy, Paris, 1962, page 237
Comme l'a écrit Richard Lane, {{citation bloc|[…] des Occidentaux, mis pour la première fois en présence d'œuvres japonaises, seront tentés de choisir ces deux derniers artistes (Hokusai et Hiroshige) comme représentant l'apogée de l'art du Japon, sans se rendre compte que ce qu'ils admirent le plus est justement cette parenté cachée avec la tradition occidentale qu'ils sentent confusément<ref name="Richard Lane 1962, page 237">{{ouvrage |auteur1=Richard Lane |titre=L'Estampe japonaise |éditeur=Éditions Aimery Somogy |lieu=Paris |année=1962 |passage=237}}.</ref>.}}
</ref>.}}


=== « La révolution bleue » ===
=== « La révolution bleue » ===
[[Image:Kajikazawa in Kai Province (Koshu Kajikazawa).jpg|thumb|''Kôshu Kajikazawa'', « Kajikazawa dans la province de Kai », de la série des ''Trente-six Vues du mont Fuji'', variété ''aizuri-e'', imprimée entièrement en [[bleu de Prusse]].]]
[[Image:Kajikazawa in Kai Province (Koshu Kajikazawa).jpg|thumb|''Kôshu Kajikazawa'', « Kajikazawa dans la province de Kai », de la série des ''Trente-six vues du mont Fuji'', variété ''aizuri-e'', imprimée entièrement en [[bleu de Prusse]].]]


Les années 1830 constituent une « révolution bleue »<ref>Hélène Bayou, ''1760-1849, Hokusai, « l'affolé de son art »'', 2008, page 144</ref> dans l'aspect des estampes de Hokusai, par le recours massif à la nouvelle couleur à la mode, le « bleu de Berlin », que nous connaissons sous le nom de [[bleu de Prusse]]. C'est ce bleu qui fut utilisé pour ''La Grande Vague''<ref>[http://www.elfornio.com/JGwriting-blocks.html Le bleu de Prusse (et la perspective occidentale) dans l'œuvre de Hokusai]</ref>, couleur d'origine chimique bien différente du bleu délicat et fugace, issu de pigments naturels (indigo), qu'utilisaient auparavant les graveurs japonais de l'''ukiyo-e''. Ce « bleu de Berlin », le ''berorin ai'', importé de Hollande, fut utilisé, en particulier par Hiroshige et Hokusai<ref>[http://www.aisf.or.jp/~jaanus/deta/b/berorinai.htm Lien sur le « bleu de Berlin », le ''berorin ai'']</ref>, à partir de son arrivée massive au Japon, en 1829<ref Group="Note">Le « bleu de Berlin » était importé au Japon, en provenance de Hollande, depuis 1820. Sa première utilisation dans les arts graphiques ne remonte cependant qu'à 1829, avec le peintre Ooka, diffusé par l'éditeur Yotsuya. La même année, devant le succès remporté par cette nouvelle couleur, le marchand d'éventails Sohei Iseya passa commande à [[Keisai Eisen]] pour des décorations d'éventails (Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 214)</ref>{{,}}<ref Name="Bayou 130">Hélène Bayou, ''1760-1849, Hokusai, « l'affolé de son art »'', 2008, page 130</ref>.
Les années 1830 constituent une « révolution bleue »<ref>Hélène Bayou, ''Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art »'', 2008, page 144.</ref> dans l'aspect des estampes de Hokusai, par le recours massif à la nouvelle couleur à la mode, le « bleu de Berlin », que nous connaissons sous le nom de [[bleu de Prusse]]. C'est ce bleu qui fut utilisé pour ''La Grande Vague''<ref>[http://www.elfornio.com/JGwriting-blocks.html Le bleu de Prusse (et la perspective occidentale) dans l'œuvre de Hokusai].</ref>, couleur d'origine chimique bien différente du bleu délicat et fugace, issu de pigments naturels (indigo), qu'utilisaient auparavant les graveurs japonais de l'''ukiyo-e''. Ce « bleu de Berlin », le ''berorin ai'', importé de Hollande, fut utilisé, en particulier par Hiroshige et Hokusai<ref>[http://www.aisf.or.jp/~jaanus/deta/b/berorinai.htm Lien sur le « bleu de Berlin », le ''berorin ai''].</ref>, à partir de son arrivée massive au Japon, en 1829<ref group="Note">Le « bleu de Berlin » était importé au Japon, en provenance de Hollande, depuis 1820. Sa première utilisation dans les arts graphiques ne remonte cependant qu'à 1829, avec le peintre Ooka, diffusé par l'éditeur Yotsuya. La même année, devant le succès remporté par cette nouvelle couleur, le marchand d'éventails Sohei Iseya passa commande à [[Keisai Eisen]] pour des décorations d'éventails (Nelly Delay, ''L'Estampe japonaise'', Hazan, 2004, page 214).</ref>{{,}}<ref name="Bayou 130">Hélène Bayou, ''Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art »'', 2008, page 130.</ref>.


La série des dix premières estampes des « [[Trente-six vues du mont Fuji]] », à laquelle appartient ''La Grande Vague'', compte donc parmi les toutes premières estampes japonaises à avoir fait appel au bleu de Prusse, puisqu'elles ont vraisemblablement été proposées à l'éditeur dès 1830. Ces estampes présentent d'ailleurs une autre particularité, qui est que le trait du dessin proprement dit en est imprimé, non à l'encre de Chine ''sumi'' comme il était d'usage, mais au bleu de Prusse également.
La série des dix premières estampes des ''[[Trente-six vues du mont Fuji]]'', à laquelle appartient ''La Grande Vague'', compte donc parmi les toutes premières estampes japonaises à avoir fait appel au bleu de Prusse, puisqu'elles ont vraisemblablement été proposées à l'éditeur dès 1830. Ces estampes présentent d'ailleurs une autre particularité, qui est que le trait du dessin proprement dit en est imprimé, non à l'encre de Chine (''sumi'') comme il était d'usage, mais au bleu de Prusse également.


Cette nouveauté rencontra immédiatement un grand succès. Dès le Nouvel An de l'année 1831, l'éditeur de Hokusai, Nishimuraya Yohachi (Eijudō) fit d'ailleurs une annonce publicitaire<ref Name="Bayou 130"/> pour présenter cette innovation. Devant le succès rencontré, Eijudō se lança l'année suivante dans la publication des neuf ou dix estampes suivantes de la série ''Trente-six Vues du mont Fuji''. Ces nouvelles estampes présentaient une singularité : certaines d'entre elles étaient en effet imprimées selon la technique des ''aizuri-e'', des « images imprimées (entièrement) en bleu ». L'une de ces estampes ''aizuri-e'' nous est connue sous le nom de « Kajikazawa dans la province de Kai » (''Kôshu Kajikazawa'').
Cette nouveauté rencontra immédiatement un grand succès. Dès le Nouvel An de l'année 1831, l'éditeur de Hokusai, Nishimuraya Yohachi (Eijudō) fit d'ailleurs une annonce publicitaire<ref Name="Bayou 130"/> pour présenter cette innovation. Devant le succès rencontré, Eijudō se lança l'année suivante dans la publication des neuf ou dix estampes suivantes de la série ''Trente-six Vues du mont Fuji''. Ces nouvelles estampes présentaient une singularité : certaines d'entre elles étaient en effet imprimées selon la technique des ''aizuri-e'', des « images imprimées (entièrement) en bleu ». L'une de ces estampes ''aizuri-e'' nous est connue sous le nom de ''Kajikazawa dans la province de Kai'' (''Kôshu Kajikazawa'').


La publication de la série continua jusqu'en 1832, voire 1833, pour atteindre un total de 46 estampes, grâce à dix estampes surnuméraires. Ces dix planches supplémentaires, à la différence des autres, n'ont pas les traits de contours en bleu de Prusse, mais en noir ''sumi'' (encre de Chine), comme il était habituel ; ces dix dernières estampes sont connues sous le nom de ''ura Fuji'', « le Fuji vu de l'autre côté »<ref Name="Bayou 130"/>.
La publication de la série continua jusqu'en 1832, voire 1833, pour atteindre un total de 46 estampes, grâce à dix estampes surnuméraires. Ces dix planches supplémentaires, à la différence des autres, n'ont pas les traits de contours en bleu de Prusse, mais en noir ''sumi'' (encre de Chine), comme il était habituel ; ces dix dernières estampes sont connues sous le nom de ''ura Fuji'', « le Fuji vu de l'autre côté »<ref Name="Bayou 130"/>.
Ligne 251 : Ligne 239 :
[[Image:Debussy - La Mer - The great wave of Kanaga from Hokusai.jpg|thumb|left|upright=0.7|Couverture de l'édition originale de ''[[La Mer (Debussy)|La Mer]]'' de [[Claude Debussy]].]]
[[Image:Debussy - La Mer - The great wave of Kanaga from Hokusai.jpg|thumb|left|upright=0.7|Couverture de l'édition originale de ''[[La Mer (Debussy)|La Mer]]'' de [[Claude Debussy]].]]


Au milieu du {{s-|XIX|e}}, l'art japonais arrive en Europe. La vision des artistes d'Extrême-Orient est totalement nouvelle et en rupture avec les conventions de la peinture occidentale de l'époque. Une mode est lancée, celle du [[japonisme]]. Les principaux artistes japonais qui influencèrent les artistes européens étaient [[Hokusai]], [[Hiroshige]] et [[Utamaro]]<ref name="intermonet">{{Lien web
Au milieu du {{s-|XIX}}, l'art japonais arrive en Europe. La vision des artistes d'Extrême-Orient est totalement nouvelle et en rupture avec les conventions de la peinture occidentale de l'époque. Une mode est lancée, celle du [[japonisme]]. Les principaux artistes japonais qui influencèrent les artistes européens étaient [[Hokusai]], [[Hiroshige]] et [[Utamaro]]<ref name="intermonet">{{Lien web
|url=http://www.intermonet.com/japan/estampe.htm
|url=http://www.intermonet.com/japan/estampe.htm
|titre=La collection d'estampes japonaises de Monet
|titre=La Collection d'estampes japonaises de Monet
|auteur=A. Cauderlier
|auteur=A. Cauderlier
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|en ligne le=13 novembre 2006
|en ligne le=13 novembre 2006
|consulté le=18 décembre 2008
|consulté le=18 décembre 2008
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}}.</ref>.


Les ''[[Trente-six vues du mont Fuji]]'' ont en particulier été une source d’inspiration très importante pour les peintres occidentaux japonisants du {{s-|XIX|e}}. On retrouve des estampes de cette série chez de nombreux peintres, qui en firent même parfois collection : [[Vincent van Gogh]], [[Claude Monet]], [[Edgar Degas]], [[Auguste Renoir]], [[Camille Pissarro]], [[Gustav Klimt]], [[Giuseppe De Nittis]] ou [[Mary Cassatt]].
Les ''[[Trente-six vues du mont Fuji]]'' ont en particulier été une source d’inspiration très importante pour les peintres occidentaux japonisants du {{s-|XIX}}. On retrouve des estampes de cette série chez de nombreux peintres, qui en firent même parfois collection : [[Vincent van Gogh]], [[Claude Monet]], [[Edgar Degas]], [[Auguste Renoir]], [[Camille Pissarro]], [[Gustav Klimt]], [[Giuseppe De Nittis]] ou [[Mary Cassatt]].


Considérée comme la plus célèbre estampe japonaise<ref name="palettes">[http://www.artepro.com/fr_fichiers/fichiers/01672821.pdf Palettes, du 6 juillet au 31 août 2002], Arte, 2001.</ref>, ''La Grande Vague de Kanagawa'' influença probablement certaines œuvres majeures, de la peinture, avec [[Claude Monet]]<ref name="palettes" />, à la musique avec ''[[La Mer (Debussy)|La Mer]]'' de [[Claude Debussy]]<ref name="metmuseum" />, en passant par la littérature avec ''Der Berg'' de [[Rainer Maria Rilke]]<ref name="metmuseum" />.
Considérée comme la plus célèbre estampe japonaise<ref name="palettes">[http://www.artepro.com/fr_fichiers/fichiers/01672821.pdf Palettes, du 6 juillet au 31 août 2002], Arte, 2001.</ref>, ''La Grande Vague de Kanagawa'' influença probablement certaines œuvres majeures, de la peinture, avec [[Claude Monet]]<ref name="palettes" />, à la musique avec ''[[La Mer (Debussy)|La Mer]]'' de [[Claude Debussy]]<ref name="metmuseum" />, en passant par la littérature avec ''Der Berg'' de [[Rainer Maria Rilke]]<ref name="metmuseum" />.


[[Félix Bracquemond]], l'un des précurseurs du [[japonisme]], serait le premier artiste européen à avoir copié des œuvres japonaises. C'est en 1856 qu'il aurait découvert chez l'imprimeur Delâtre, un volume de la [[Hokusai Manga|Mangwa]] d'Hokusai et qu'il en aurait recopié les dessins sur ses céramiques<ref Name="Guimet IN"/>{{,}}<ref name="jstor"># Bracquemond, Delâtre and the Discovery of Japanese Prints. Martin Eidelberg. The Burlington Magazine, Vol. 123, No. 937 (Apr., 1981), pp. 221-227. [http://www.jstor.org/pss/880340 résumé]</ref>{{,}}<ref name="larousse">[http://www.larousse.fr/ref/peinture/japonisme_152718.htm Japonisme] sur http://www.larousse.fr</ref>. <br />Puis, lors l'Exposition Universelle de 1867, à laquelle le Japon participe officiellement pour la première fois, la vente qui suit de {{formatnum:1300}} objets lance véritablement la vogue de l'art japonais en Europe, bientôt suivi par la rétrospective sur l'art japonais de l'Exposition Universelle de 1878 ; c'est à cette date qu'apparait [[Hayashi Tadasama|Hayashi]] (interprète lors de cette rétrospective), qui, avec [[Samuel Bing]], sera le grand pourvoyeur de la France et de l'Europe en objets d'art japonais<ref>''Images du monde flottant, peintures et estampes japonaise, XVIIe - XVIIIe siècles'', Réunion des musées nationaux, 2004, pages 62 et 63 {{ISBN|2-7118-4821-3}}</ref>.
[[Félix Bracquemond]], l'un des précurseurs du [[japonisme]], serait le premier artiste européen à avoir copié des œuvres japonaises. C'est en 1856 qu'il aurait découvert chez l'imprimeur Delâtre, un volume de la [[Hokusai Manga|Manga]] d'Hokusai et qu'il en aurait recopié les dessins sur ses céramiques<ref Name="Guimet IN"/>{{,}}<ref name="jstor"># ''Bracquemond, Delâtre and the Discovery of Japanese Prints'', Martin Eidelberg, ''The Burlington Magazine'', vol. 123, {{n°}} 937, avril 1981, p. 221-227. [https://www.jstor.org/pss/880340 résumé].</ref>{{,}}<ref name="larousse">[http://www.larousse.fr/ref/peinture/japonisme_152718.htm Japonisme] sur http://www.larousse.fr.</ref>. <br />Puis, lors de l'Exposition Universelle de 1867, à laquelle le Japon participe officiellement pour la première fois, la vente qui suit de {{formatnum:1300}} objets lance véritablement la vogue de l'art japonais en Europe, bientôt suivie par la rétrospective sur l'art japonais de l'Exposition Universelle de 1878 ; c'est à cette date qu'apparait [[Hayashi Tadamasa|Hayashi]] (interprète lors de cette rétrospective), qui, avec [[Samuel Bing]], sera le grand pourvoyeur de la France et de l'Europe en objets d'art japonais<ref>''Images du monde flottant, peintures et estampes japonaise, {{s mini-|XVII}}–{{s-|XVIII}}'', Réunion des musées nationaux, 2004, pages 62 et 63 {{ISBN|2-7118-4821-3}}.</ref>.


[[Image:Félix Bracquemonde by Nadar.jpg|thumb|upright=0.7|L'un des tous premiers artistes européens inspiré par Hokusai : [[Félix Bracquemond]], par [[Nadar]].]]
[[Image:Félix Bracquemonde by Nadar.jpg|thumb|upright=0.7|L'un des tout <!-- 'tous' ne serait pas correct ici --> premiers artistes européens inspiré par Hokusai : [[Félix Bracquemond]], par [[Nadar]] (1865).]]


En 1871, [[Claude Monet]] commença une collection d'estampes qui comptait à la fin de sa vie 231 œuvres, principalement de paysages, de 36 artistes différents dont les trois plus grands, Hokusai, Hiroshige et Utamaro. Il possédait notamment 9 estampes des Trente-six vues du mont Fuji<ref name="nga the series">{{Lien web
En 1871, [[Claude Monet]] commença une collection d'estampes qui comptait à la fin de sa vie 231 œuvres, principalement de paysages, de 36 artistes différents dont les trois plus grands, Hokusai, Hiroshige et Utamaro. Il possédait notamment 9 estampes des ''Trente-six vues du mont Fuji''<ref name="nga the series">{{Lien web |langue=en
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|consulté le=18 décembre 2008
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}}</ref> dont la Grande Vague. Il est probable qu'il ait été influencé par ces estampes notamment dans le choix de certains motifs, la composition et la lumière de ses tableaux. Ainsi on retrouve dans ses peintures, comme souvent dans les ''ukiyo-e'', la nature comme principale source d'inspiration, avec ses couleurs changeantes, et une composition autour d'une oblique ou d'une serpentine, équilibrée par une verticale, le sujet principal étant placé sur le côté, voire coupé<ref name="intermonet"/>{{,}}<ref name="nga forces of nature">[http://www.nga.gov.au/MonetJapan/Theme.cfm?ThemeID=2 Monet and Japan - Forces of Nature] sur http://www.nga.gov.au</ref>. Sa toile ''[[Nymphéas, harmonie verte|Le Pont sur un étang de nymphéas]]'' semble s’inspirer de l’architecture des ponts telle qu’on la retrouve dans plusieurs des estampes de la série d’Hokusai<ref Name="Guimet IN">[http://www.guimet.fr/HOKUSAI-l-affole-de-son-art-d Exposition 2008 sur Hokusai au musée Guimet : influence sur la peinture occidentale]</ref>. Ses toiles faites sur les côtes de Normandie et de Bretagne, où il utilise de long traits de couleur pour suggérer les forces de la nature et les mouvements de l'eau rappellent les courbes et les spirales utilisées par les artistes japonais pour représenter les énergies des éléments<ref name="nga forces of nature"/>.
}}.</ref> dont la ''Grande Vague''. Il est probable qu'il ait été influencé par ces estampes notamment dans le choix de certains motifs, la composition et la lumière de ses tableaux. Ainsi, on retrouve dans ses peintures, comme souvent dans les ''ukiyo-e'', la nature comme principale source d'inspiration, avec ses couleurs changeantes, et une composition autour d'une oblique ou d'une serpentine, équilibrée par une verticale, le sujet principal étant placé sur le côté, voire coupé<ref name="intermonet"/>{{,}}<ref name="nga forces of nature">[http://www.nga.gov.au/MonetJapan/Theme.cfm?ThemeID=2 Monet and Japan - Forces of Nature] sur http://www.nga.gov.au.</ref>. Sa toile ''[[Nymphéas, harmonie verte|Le Pont sur un étang de nymphéas]]'' semble s’inspirer de l’architecture des ponts telle qu’on la retrouve dans plusieurs des estampes de la série d’Hokusai<ref name="Guimet IN">[http://www.guimet.fr/HOKUSAI-l-affole-de-son-art-d Exposition 2008 sur Hokusai au musée Guimet : influence sur la peinture occidentale].</ref>. Ses toiles faites sur les côtes de Normandie et de Bretagne, où il utilise de longs traits de couleur pour suggérer les forces de la nature et les mouvements de l'eau, rappellent les courbes et les spirales utilisées par les artistes japonais pour représenter les énergies des éléments<ref name="nga forces of nature"/>.


[[Henri Rivière (artiste dessinateur)|Henri Rivière]], un des animateurs du [[Le Chat Noir|Chat Noir]]<ref>{{harvsp|Valérie Sueur-Hermel|2009|p=}} Introduction.</ref>, dessinateur, graveur, aquarelliste et aquafortiste, fut l'un de ceux qui reçut le plus l'influence d'Hokusai en général, et de ''La Grande Vague de Kanagawa'' plus particulièrement. Il publia en effet en 1902 une série de lithographies intitulées ''Les 36 Vues de la Tour Eiffel'', en hommage à l'œuvre de Hokusai<ref>{{harvsp|Valérie Sueur-Hermel|2009|p=28}}.</ref>. Collectionneur d'estampes japonaises achetées auprès de [[Samuel Bing|Bing]], de [[Hayashi Tadamasa|Hayashi]] et de [[Florine Langweil]]<ref>{{harvsp|Valérie Sueur-Hermel|2009|p=26}}.</ref>, il possédait un exemplaire de ''La Vague'', dont il s'inspira pour graver ses deux séries de gravures sur bois, représentant des paysages marins de la [[Bretagne]], où il demeurait désormais. L'une de ces estampes, ''Vague frappant le rocher et retombant en arceau'', de la série ''La Mer, études de vagues'', décrit la crête écumante de la vague sous forme de gouttelettes blanches proches de la composition de Hokusai<ref>{{harvsp|Valérie Sueur-Hermel|2009|p=28-29}}.</ref>.
[[Claude Debussy]], passionné par la mer et les estampes d'Extrême-Orient, possédait un exemplaire de ''La Vague'' dans son cabinet de travail. Il s'en serait inspiré pour son œuvre ''[[La Mer (Debussy)|La Mer]]'', et demanda à ce que la grande vague figure en couverture de sa partition, sur l'édition originale de 1905<ref name="nyphil">{{Lien web

|url=http://nyphil.org/programNotes/Debussy%20La%20Mer.pdf
[[Claude Debussy]], passionné par la mer et les estampes d'Extrême-Orient, possédait un exemplaire de ''La Vague'' dans son cabinet de travail. Il s'en serait inspiré pour son œuvre ''[[La Mer (Debussy)|La Mer]]'', et demanda que la grande vague figure en couverture de sa partition, sur l'édition originale de 1905<ref name="nyphil">{{Lien web |langue=en
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|titre=La Mer: Trois esquisses symphoniques
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|consulté le=18 décembre 2008
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}}</ref>{{,}}<ref name="bnf.fr couverture de La Mer">{{Lien web
}}.</ref>{{,}}<ref name="bnf.fr couverture de La Mer">{{Lien web
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}}</ref>.
}}.</ref>.


Ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir que l'art de Hokusai, après avoir lui-même été profondément influencé par l'art et les techniques venus d'Occident, allait à son tour devenir la source du rajeunissement de la peinture occidentale, par l'intermédiaire de l'admiration que lui portaient les impressionnistes et les post-impressionnistes<ref>Richard Lane, ''L'Estampe japonaise'', Éditions Aimery Somogy, Paris, 1962, page 237 </ref>.
Ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir que l'art de Hokusai, après avoir lui-même été profondément influencé par l'art et les techniques venus d'Occident, allait à son tour devenir la source du rajeunissement de la peinture occidentale, par l'intermédiaire de l'admiration que lui portaient les impressionnistes et les post-impressionnistes<ref name="Richard Lane 1962, page 237"/>.


== Exemplaires dans le monde ==
== Exemplaires conservés ==
Plusieurs exemplaires de cette œuvre sont conservés dans des collections du monde entier.
Il existe de par le monde un certain nombre d'exemplaires de cette œuvre : au [[Metropolitan Museum of Art]] de [[New York]]<ref name="metmuseum">{{Lien web
* Au [[Metropolitan Museum of Art]] de [[New York]]<ref name="metmuseum">{{Lien web |langue=en
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|titre=The Great Wave at Kanagawa (from a Series of Thirty-six Views of Mount Fuji)
|titre=The Great Wave at Kanagawa (from a Series of Thirty-six Views of Mount Fuji)
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|consulté le=18 décembre 2008
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* Au [[British Museum]] de [[Londres]]<ref>{{Lien web |langue=en
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}}.</ref> ; cet exemplaire est précieusement gardé en réserve depuis 2011.
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* Dans la collection de [[Claude Monet]] à [[Giverny]] en [[France]]<ref name="intermonet Hokusai">{{Lien web

La collection de [[Claude Monet]] à [[Giverny]] en [[France]] en comprend aussi un<ref name="intermonet Hokusai">{{Lien web
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|date=13 novembre 2006
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|consulté le=18 décembre 2008
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}}.</ref>.
}}</ref>. En France également, le musée Guimet en possède un exemplaire, de même que la [[Bibliothèque nationale de France]].
* Au [[Musée national des Arts asiatiques - Guimet|musée Guimet]].
* À la [[Bibliothèque nationale de France]].
* Au [[musée Art et Histoire]] de [[Bruxelles]].
* Au Palazzo Maffei Casa Museo à Vérone.


De grands collectionneurs privés du {{s-|XIX}} sont bien souvent à l'origine des collections d'estampes japonaises des musées : ainsi l'exemplaire du [[Metropolitan Museum of Art|Metropolitan Museum]] provient-il de l'ancienne collection d'[[Henry Osborne Havemeyer]], exemplaire qui a été donné au musée par son épouse en 1929<ref>Matthi Forrer, ''Hokusai'', Bibliothèque de l'image, 1996, {{p.|43}}.</ref>. De même, l'exemplaire de la Bibliothèque nationale de France a été acquis en 1888, en provenance de la collection de [[Samuel Bing]]<ref Name="BnF Bing">Images d'un monde éphémère, Estampes japonaises, BnF, {{ISBN|978-2-7177-2407-3}}, {{p.|216}}.</ref>. Quant à l'exemplaire du [[Musée national des Arts asiatiques - Guimet|Musée Guimet]], il provient du legs de [[Raymond Kœchlin]], fait au musée en 1932<ref name="Bayou Kœchlin">Hélène Bayou, ''Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art »'', 2008, {{p.|131}}.</ref>.
On rencontre également des originaux de cette estampe dans quelques collections privées (Collection Gale, aux États-Unis, analysée par J. Hillier en 1970, par exemple).


Lors de la vente publique de la collection Huguette Bérès (une des dernières grandes collections historiques d'estampes japonaises), ''La Vague'' a été adjugée chez Piasa, le {{date-|7 mars 2003}}, pour la somme de {{unité|23000 euros}} et les quarante-six estampes de la série des ''Trente-six vues du mont Fuji'' ont été adjugées pour {{unité|1350000 euros}} chez Sotheby's, en 2002.
D'ailleurs, ce sont les grands collectionneurs privés du {{XIXe siècle}} qui bien souvent sont à l'origine des collections d'estampes japonaises des musées : ainsi l'exemplaire du Metropolitan Museum provient-il de l'ancienne collection [[Henry Osborne Havemeyer]], exemplaire qui fut donné au musée par Mme H.O. Havemeyer en 1929<ref>Matthi Forrer, ''Hokusai'', Bibliothèque de l'image, 1996, page 43</ref>. De même, l'exemplaire de la Bibliothèque nationale de France a été acquis en 1888, en provenance de la collection [[Samuel Bing]]<ref Name="BnF Bing">Images d'un monde éphémère, Estampes japonaises, BnF, {{ISBN|978-2-7177-2407-3}}, page 216</ref>. Quant à l'exemplaire du [[Musée national des Arts asiatiques-Guimet|Musée Guimet]], il provient du legs de [[Raymond Kœchlin]], fait au musée en 1932<ref Name="Bayou Kœchlin">Hélène Bayou, ''1760-1849, Hokusai, « l'affolé de son art »'', 2008, page 131 </ref>.

Il est encore possible de nos jours d'acquérir un exemplaire original de ''La Vague'' d'Hokusai : lors de la vente publique de la collection Huguette Bérès (une des dernières grandes collections historiques d'estampes japonaises), ''La Vague'' fut adjugée chez Piasa, le 7 mars 2003, pour la somme de {{formatnum:23000}} €uros. Les quarante-six estampes de la série des ''Trente six vues du mont Fuji'' ont, elles, été adjugées pour {{formatnum:1350000}} €uros chez Sotheby's, en 2002<ref>{{Lien web
|url=http://www.le-japon.info/articles.php?lng=fr&pg=33
|titre=Retour de vague nippone - Vente Bérès de 2003 : prix d'adjudication de ''La Vague'' d'Hokusai
|auteur=Source: le nouvel Observateur octobre 2004 - N° 233
|date=06 novembre 2005
|site=http://www.le-japon.info
|éditeur=
|citation=
|en ligne le=
|consulté le=18 décembre 2008
}}</ref>.


== Comparaison de différents exemplaires ==
== Comparaison de différents exemplaires ==


[[Fichier:Great Wave off Kanagawa2.jpg|thumb|Autre gravure de ''La Vague'', nettoyée et retouchée pour en raviver les couleurs. Cette image retouchée, en haute résolution, a été traitée à partir d'une regravure moderne de qualité effectuée par Adachi Hanga, achetée en 1938 et détenue par la [[Bibliothèque du Congrès]].]]
[[Image:The Great Wave off Kanagawa.jpg|thumb|upright=1.0|Regravure récente, datant d'environ 1930, avec des nuances de couleurs plus perceptibles.]]


Les estampes japonaises sont imprimées en quelques centaines d'exemplaires, à partir des planches de bois originales, gravées à partir du dessin de l'artiste. L'état exact du bois ayant servi à l'impression d'une estampe donnée fournit donc de précieux renseignements à la fois sur l'authenticité de cette estampe, mais aussi sur la qualité plus ou moins grande du tirage, selon justement l'usure du bois. Tout peut alors servir : un trait émoussé, une cassure du bois, seront autant de précieux indices.
Les estampes japonaises sont imprimées en quelques centaines d'exemplaires, à partir des planches de bois originales, gravées à partir du dessin de l'artiste. L'état exact du bois ayant servi à l'impression d'une estampe donnée fournit donc de précieux renseignements à la fois sur l'authenticité de cette estampe, mais aussi sur la qualité plus ou moins grande du tirage, selon justement l'usure du bois. Tout peut alors servir : un trait émoussé, une cassure du bois, seront autant de précieux indices.


Dans le cas de ''La Grande Vague'' de Hokusai, l'un des indices à examiner est l'état du double trait entourant le cartouche de gauche, sur le côté gauche. Il apparait en effet très souvent émoussé, voire effacé, car la gravure sur bois de l'original à cet endroit précis affleure mal<ref Name="Gale 451"/>. Sur l'exemplaire du [[Metropolitan Museum of Art|Metropolitan Museum]], on peut voir qu'il s'agit d'un original d'une qualité d'impression surprenante, puisque le double trait de ce cartouche n'apparait pratiquement pas émoussé du tout à gauche.
Dans le cas de ''La Grande Vague'' de Hokusai, l'un des indices à examiner est l'état du double trait entourant le cartouche de gauche, sur le côté gauche. Il apparaît en effet très souvent émoussé, voire effacé, car la gravure sur bois de l'original à cet endroit précis affleure mal<ref Name="Gale 451"/>. Sur l'exemplaire du [[Metropolitan Museum of Art|Metropolitan Museum]], on peut voir qu'il s'agit d'un original d'une qualité d'impression surprenante, puisque le double trait de ce cartouche n'apparaît pratiquement pas émoussé du tout à gauche.


La comparaison avec l'exemplaire originaire de la collection Siegfried Bing montre que ce dernier<ref Name="BnF Bing"/> présente un double trait gauche du cartouche assez effacé ; le fond est également différent, car il est presque uniforme, et ne fait pas apparaître la légère formation nuageuse qui monte de l'horizon sur l'exemplaire du Metropolitan Museum ([[commons:Image:Tsunami by hokusai 19th century.jpg|Voir]]).
La comparaison avec l'exemplaire originaire de la collection Siegfried Bing montre que ce dernier<ref Name="BnF Bing"/> présente un double trait gauche du cartouche assez effacé ; le fond est également différent, car il est presque uniforme, et ne fait pas apparaître la légère formation nuageuse qui monte de l'horizon sur l'exemplaire du Metropolitan Museum ([[commons:Image:Tsunami by hokusai 19th century.jpg|Voir]]).


L'exemplaire du [[Musée Guimet]]<ref Name="Bayou Kœchlin"/>, lui, laisse deviner ce nuage, avec précisément les mêmes contours, mais de façon moins nette. Ces variations dans les fonds sont fréquentes dans les estampes japonaises, car elles correspondent simplement en général à un encrage différent de la même planche de bois, sans qu'il soit besoin de retoucher celle-ci.
L'exemplaire du [[Musée national des arts asiatiques - Guimet|Musée Guimet]]<ref Name="Bayou Kœchlin"/>, lui, laisse deviner ce nuage, avec précisément les mêmes contours, mais de façon moins nette. Ces variations dans les fonds sont fréquentes dans les estampes japonaises, car elles correspondent simplement en général à un encrage différent de la même planche de bois, sans qu'il soit besoin de retoucher celle-ci.


L'exemplaire de Claude Monet à [[Giverny]] <ref>[http://www.interagir.com/?entree=168 Voir L'Annuaire de Monet et Giverny]</ref>, tel qu'il apparait sur cette reproduction, apparait comme une bonne impression, avec le bord gauche du cartouche en bon état ; la formation nuageuse se voit aussi très distinctement. Mais cet exemplaire a apparemment été coupé sur les bords (le bord de gauche est ici au raz de la signature). Ce point est corroboré par les dimensions indiquées : 24,1 cm x 36,2 cm, contre 25 cm x 37 cm pour l'exemplaire du Metropolitan Museum.
L'exemplaire de Claude Monet à [[Giverny]]<ref>[http://www.interagir.com/?entree=168 Voir L'Annuaire de Monet et Giverny].</ref>, tel qu'il ressort sur cette reproduction, apparaît comme une bonne impression, avec le bord gauche du cartouche en bon état ; la formation nuageuse se voit aussi très distinctement. Mais cet exemplaire a apparemment été coupé sur les bords (le bord de gauche est ici au ras de la signature). Ce point est corroboré par les dimensions indiquées : {{Unité|24.1|cm}} × {{Unité|36.2|cm}}, contre {{Unité|25|cm}} × {{Unité|37|cm}} pour l'exemplaire du Metropolitan Museum.


L'exemplaire du [[British Museum]] <ref>[http://www.bmimages.com/preview.asp?image=00035197001&imagex=1&searchnum=0001 Voir site du British Museum]</ref> montre un cartouche bien usé sur la gauche, et une absence de formation nuageuse dans le ciel. En l'absence d'autres éléments, on peut donc penser que l'exemplaire du Metropolitan Museum reflète mieux les intentions d'Hokusai.
L'exemplaire du [[British Museum]]<ref>[http://www.bmimages.com/preview.asp?image=00035197001&imagex=1&searchnum=0001 Voir site du British Museum].</ref> montre un cartouche bien usé sur la gauche, et une absence de formation nuageuse dans le ciel. En l'absence d'autres éléments, on peut donc penser que l'exemplaire du Metropolitan Museum reflète mieux les intentions d'Hokusai.


== ''La Vague'' d'Hokusai dans la culture populaire ==
== Dans la culture populaire ==
[[Image:The Great Wave off San Francisco.jpg|thumb|Adaptation de ''La Vague'' avec le [[Golden Gate]] de [[San Francisco]]]]
[[Image:Hokusai-great wave copy.jpg|vignette|Adaptation de ''La Vague'' avec le ''[[Golden Gate]]'' de [[San Francisco]].]]
[[Image:Flickr - girolame - Catacombs (41).jpg|vignette|Reproduction de ''La Grande Vague de Kanagawa'' dans les galeries souterraines du [[Grand réseau sud de Paris]].]]
''La Grande Vague de Kanagawa'' a été de nombreuses fois parodiée ou reprise sous différentes formes<ref name="palettes" /> ; elle est aujourd'hui une image que l'on rencontre dans toutes sortes de contextes différents<ref group="Note">Toutes proportions gardées, cela s'explique également par le fait que l'œuvre soit dans le [[domaine public]], à l'instar de ''[[La Joconde]]'' multi-parodiée.</ref> :

* c'est l'un des [[poster]]s les plus populaires : on en trouve une dizaine de reproductions différentes sur [[Amazon.com]], dans une large gamme de prix ; un grand spécialiste du poster en propose de son côté plus de vingt éditions différentes ;
''La Grande Vague de Kanagawa'' a été de nombreuses fois parodiée ou reprise sous différentes formes<ref name="palettes" /> ; elle est aujourd'hui une image que l'on rencontre dans toutes sortes de contextes différents<ref group="Note">Toutes proportions gardées, cela s'explique également par le fait que l'œuvre soit dans le [[Domaine public (propriété intellectuelle)|domaine public]], à l'instar de ''[[La Joconde]]'' multi-parodiée.</ref> :
* elle a servi également de modèle au logo de [[Quiksilver]]<ref>{{Lien web
* elle a servi également de modèle au logo de [[Quiksilver]]<ref>{{Lien web
|url=http://www.bloc.com/article/mode-et-beaute/marques-et-magasins/quicksilver-la-marque-star-des-riders.html
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|titre=Quicksilver, la marque star des riders
|titre=Quicksilver, la marque star des riders
|auteur=Dominique A.C.
|auteur=Dominique A.C.
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|en ligne le=13 novembre 2007
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}}</ref>{{,}}<ref name="alexandraladevie">{{Lien web
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}}.</ref> qui rappelle ainsi les deux domaines majeurs d'activité de la marque à savoir, le snowboard et le surf ;
}}</ref> ;
* elle a servi à un projet publicitaire pour [[Orangina]] (qui utilisait la vague pour « secouer » la bouteille)<ref Name="Tribute">{{Lien web |langue=en
* elle décore des étuis d'[[iPod]], des couvertures d'agendas coûteux, des rideaux de douche ;
* elle a servi à un projet publicitaire pour [[Orangina]] (qui utilisait la vague pour « secouer » la bouteille)<ref Name="Tribute">{{Lien web
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|brisé le = 2023-11-20}}.</ref> ;
}}</ref>, et un autre pour [[International Business Machines Corporation|IBM]], pour illustrer le futur ;
* elle a été reproduite au cours des années 1980 dans les [[carrières souterraines de Paris]] dans des dimensions imposantes dans la salle dite ''La Plage,'' un lieu de réunion cataphile<ref>[http://ruedeslumieres.morkitu.org/apprendre/fresques/index_vague.html Histoire de ''La Vague'' des catacombes], ''La Grande Vague'' de Hokusai, Les Reproductions d'œuvres d'art du GRS - {{14e|arrondissement}}.</ref> ;
* enfin, un nombre considérable de variations surprenantes ont été osées à partir de l'œuvre originale<ref Name="Tribute"/>.
* elle est au cœur de l'ouvrage ''La Grande Vague''<ref>[http://www.elanvert.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=179&catid=49&Itemid=80 La Grande Vague].</ref>, aux éditions de l'Élan vert, 2010. Cet album pour enfants écrit par Véronique Massenot et illustré par Bruno Pilorget permet aux jeunes lecteurs de découvrir l’œuvre d'Hokusai ;

* le film d'animation ''[[L'Île aux chiens]]'' de [[Wes Anderson]] détourne cette œuvre en y ajoutant des chiens<ref>{{Lien web
== Articles connexes ==
|url=https://cinelangage.wordpress.com/2018/05/22/i-love-dogs-en-vo-wes-anderson/
{{commons|The Great Wave off Kanagawa}}
|titre=I love dogs en VO (Wes Anderson)
* [[Hokusai]]
|site=cinelangage.wordpress.com
* [[Trente-six vues du mont Fuji]]
|en ligne le=22 mai 2018
* [[Ukiyo-e]]
}}.</ref> ;
* [[Uki-e]]
* un nombre considérable de variations surprenantes ont été osées à partir de l'œuvre originale<ref Name="Tribute"/>.
* le motif orne le dos des boîtiers des montres de plongée de la marque [[Seiko]]{{refsou}}.
* le 2 janvier 2023, la marque Lego rend hommage au chef d'Oeuvre<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=LEGO® Art La Grande vague |url=https://www.lego.com/fr-fr/themes/art/the-great-wave |site=lego.com |consulté le=2023-01-02}}.</ref> en l'imaginant sous forme de briques.
{{clr}}


== Sources ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
=== Notes ===
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=== Références ===
=== Références ===
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== Voir aussi ==
{{Autres projets
| commons = The Great Wave off Kanagawa}}


=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
* {{fr}} {{Ouvrage
* {{Ouvrage
| langue = fr
| titre = Le fou de peinture, Hokusai et son temps
| auteur1 = Centre culturel du Marais, C.R.E.S.
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}}
}}
* {{Ouvrage

| langue = fr
* {{fr}} {{Ouvrage
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=== Documentaire ===
=== Documentaire ===
*{{fr}} [[Alain Jaubert]] [http://www.artepro.com/programmes/47285/presentation.htm Palettes : Hokusai - ''La menace suspendue'']
* [[Alain Jaubert]], [http://www.artepro.com/programmes/47285/presentation.htm Hokusai - ''La menace suspendue'']

=== Articles connexes ===
* [[Hokusai]]
* ''[[Trente-six vues du mont Fuji]]''
* [[Ukiyo-e]]
* [[Uki-e]]

=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
{{Liens}}
* {{fr}} [http://www.guimet.fr/HOKUSAI-l-affole-de-son-art-d Présentation de l'exposition Hokusai au musée Guimet (21 mai au 4 août 2008)]
* [http://ruedeslumieres.morkitu.org/apprendre/fresques/index_vague.html « La Vague » de Hokusai sous Paris]
* {{fr}} [http://lettres-histoire.ac-rouen.fr/histgeo/hokusai.htm Kanagawa-oki nami-ura]

* {{fr}} [http://www.cndp.fr/Tice/teledoc/dossiers/dossier_vague.htm « La Vague » de Hokusai]
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* {{en}} [http://www.metmuseum.org/Works_of_Art/viewOne.asp?dep=6&viewMode=0&item=JP1847 The Metropolitan Museum of Art's (New York) entry on "The Great Wave at Kanagawa"]
{{Portail|gravure|histoire de l'art|maritime|Japon|années 1830}}
* {{en}} [http://www.spideronthefloor.com/jordan Academic site on Hokusai's "Great Wave" print]
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Dernière version du 26 juillet 2024 à 22:08

La Grande Vague de Kanagawa
La Grande Vague de Kanagawa,
exemplaire du Metropolitan Museum of Art.
Artiste
Date
Type
Technique
Point de vue
神奈川湊 (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Lieu de création
Chine (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Dimensions (H × L)
25,7 × 37,9[1] cm
Format
Série
No d’inventaire
13695, CVR.JP-P0075, RP-P-1956-733, 1925.3245Voir et modifier les données sur Wikidata

La Grande Vague de Kanagawa (神奈川沖浪裏, Kanagawa-oki nami-ura?, littéralement Sous la vague au large de Kanagawa), plus connue sous le nom de La Vague, est une célèbre estampe japonaise du peintre japonais, spécialiste de l'ukiyo-e, Hokusai, publiée en 1830[2] ou en 1831[Note 1] pendant l'époque d'Edo.

Cette estampe est l'œuvre la plus connue de Hokusai et la première de sa série Trente-six vues du mont Fuji, dans laquelle l'utilisation du bleu de Prusse renouvelait le langage de l'estampe japonaise. La composition de La Vague[3], synthèse de l'estampe japonaise traditionnelle et de la « perspective » occidentale, lui valut un succès immédiat au Japon, puis en Europe, où elle fut une des sources d'inspiration des impressionnistes.

Plusieurs musées en conservent des exemplaires, tels que le musée Guimet, le Metropolitan Museum of Art, le British Museum, ou encore la Bibliothèque nationale de France ; ils proviennent généralement des grandes collections privées d'estampes japonaises constituées au XIXe siècle.

Description

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L'essor des estampes ukiyo-e à l'époque de Hokusai

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La Grande Vague fait partie de la série des Trente-six vues du mont Fuji[Note 2] ayant pour thème le mont Fuji. Ici Le Fuji par temps clair (凱風快晴 Gaifū kaisei), deuxième estampe de la série (format ōban yoko-e).

Les estampes apparaissent au Japon d'abord sur des sujets religieux, au XIIIe siècle[4], puis à partir du milieu du XVIIe siècle sur des sujets profanes : cette technique de gravure sur bois permet en effet, par le nombre de reproductions qu'elle autorise, une diffusion beaucoup plus large des œuvres qu'avec une peinture, dont il n'existe forcément qu'un exemplaire original.

Le développement de ces estampes profanes (dites ukiyo-e) à partir du XVIIe siècle accompagne la naissance d'une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie marchande urbaine aisée[Note 3], qui apparait et se développe dès le début de l'époque d'Edo, lorsqu'à partir de 1600, le nouveau régime des shoguns Tokugawa parvient à restaurer la paix dans l'ensemble du pays. Cette clientèle en plein essor devient extrêmement friande des estampes ukiyo-e, à la fois plaisantes à l'œil et d'un coût modique, y retrouvant en effet ses sujets favoris, des belles courtisanes du Yoshiwara jusqu'aux paysages pleins de poésie du Japon ancien, en passant par les lutteurs de sumo ou les acteurs de kabuki, si populaires.

La Grande Vague de Kanagawa est une estampe ukiyo-e, c'est-à-dire techniquement une estampe imprimée sur papier[Note 4], à l'aide de gravures sur bois réalisées par un graveur expérimenté d'après le dessin de l'artiste. Faisant appel à de multiples planches de couleurs différentes, elle appartient à la catégorie des « estampes de brocart » (nishiki-e[5]) : chaque partie colorée étant obtenue par l'application d'une planche de bois gravée particulière [Note 5].

Par la description des activités quotidiennes de l'humble population des campagnes japonaises (charpentiers, tonneliers, bateliers, pêcheurs…), la série d'estampes à laquelle appartient La Vague s'inscrit bien dans l'esprit des « estampes japonaises » ou estampes ukiyo-e (littéralement « images du monde flottant »), ayant pour thème les images du monde quotidien. Cependant, cette série est en même temps très novatrice dans l'évolution esthétique de l'ukiyo-e, car elle est en pratique la première grande série de meisho-e, c'est-à-dire de « vues célèbres » de paysage, cadrées ici en format « panoramique » horizontal. De fait, cette série est peut-être la première à effectuer une synthèse véritablement convaincante de l'ukiyo-e et des gravures de paysage occidentales[Note 6].

On ignore le tirage réel de la série, sans doute de l'ordre de quelques centaines dans sa première édition, auxquelles il faut adjoindre sans doute des tirages tardifs des planches originales, et de nombreuses regravures de l'œuvre jusqu'à aujourd'hui. Mais ce nombre somme toute réduit permit d'assurer à l'œuvre une notoriété sans aucun rapport avec celle à laquelle pouvait prétendre même la plus célèbre des peintures, à une époque où la reproduction photographique à grande échelle n'était pas de mise.

Création de l'édition originale

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Pour réaliser La Vague, Hokusai fit appel aux techniques habituelles. Dans l'ukiyo-e de manière générale, l'artiste étant avant tout responsable de l'aspect artistique, dessin et choix des couleurs, pour un dessin de base (le shita-e, « l'image de dessous ») qui n'est que la première étape d'un processus mobilisant plusieurs intervenants (artiste, éditeur, graveur[s], imprimeur[s]). Ici, c'est à l'éditeur, Nishimuraya Yohachi (Eijudō) qu'échut le soin de graver les planches de bois de La Vague, puis de faire imprimer les différentes planches sur les feuilles de papier.

Planche de bois portant les traits de contours en cours de gravure : on voit que le shita-e, le dessin d'origine, collé sur la planche, est détruit par la gouge qui creuse le bois.

Hokusai dessina au pinceau un croquis de son dessin sur un papier mince et translucide, le washi (和紙, わし), papier fabriqué artisanalement au Japon avec de longues fibres de mûrier entrelacées, connu pour sa légèreté, sa flexibilité et sa solidité[6]. En matière d'estampe, le dessin initial est pratiquement toujours « détruit » par le processus de gravure[7]. Mais ainsi les textures de l'estampe ne sont-elles pas uniquement le fait de l'artiste, et se trouvent enrichies par le grain du papier, la trace des fibres du bois de gravure, les stries de l'outil de l'imprimeur, le baren (frotton).

Cette façon de faire induit, pour toutes les estampes japonaises, qu'il n'y a pas d'« œuvre originale unique », mais une édition originale correspondant aux tirages effectués avant que l'usure du bois des diverses planches utilisées donne des traits moins nets et des repères de couleurs moins fiables, ce qui pouvait représenter de l'ordre de trois cents estampes. Le succès de cette édition pouvait comme dans le cas de celle-ci susciter des regravures ultérieures ; mais effectuées sans la supervision de l'artiste, ces exemplaires ne sont donc pas des « originaux ».

Comme à l'ordinaire, une fois le dessin de l'estampe confié au graveur, celui-ci le colle à l'envers sur une planche polie de sakura, une variété de cerisier choisie pour sa dureté, permettant ainsi d'y graver des lignes très fines et de réaliser de nombreuses impressions. La planche est attaquée au canif en suivant les traits du dessin qui s'en trouve détruit ; les différentes surfaces sont creusées à l'aide de gouges, en respectant les reliefs, traits et aplats, nécessaires à l'impression. Le graveur réalise d'abord le « bois de traits », c'est-à-dire la planche portant les contours du dessin, le texte des légendes et la signature, puis les « bois de teinte », les planches correspondant chacune à un relief et à une couleur à imprimer en aplat. Une fois réalisé, le jeu de planches est confié à l'imprimeur[8].

Pour colorier La Vague, l'imprimeur employa des pigments traditionnels dilués à l'eau. Le noir est à base d'encre de Chine, le jaune à base d'ocre jaune et le bleu est un bleu de Prusse, nouvellement importé des Pays-Bas et très à la mode alors. Pour commencer, l'imprimeur utilisait la planche de traits sur laquelle il étalait une couche de bleu puis une couche de colle de riz servant de liant, les mélangeant à l'aide d'une brosse. Il appliquait ensuite une feuille de papier humidifiée sur la planche en la calant de façon précise dans les marques des kento (marques de calage), et la frottait au verso d'un mouvement régulier à l'aide d'un tampon appelé baren.

Ce frottement contre les motifs gravés recouverts de pigment permettait la bonne répartition de la couleur sur le papier. L'imprimeur répétait l'opération autant de fois qu'il voulait produire d'estampes, puis il passait aux différents bois de teinte, des plus claires aux plus sombres, l'impression des couleurs d'une estampe se faisant toujours dans un ordre précis, pouvant impliquer jusqu'à une dizaine d'impressions successives[Note 7], en commençant par le noir[9].

Selon la tradition, La Vague aurait été imprimée en huit passages : les contours du dessin et les surfaces teintées au bleu de Prusse, surfaces qui paraissent par contraste presque noires, puis le jaune léger des barques, le jaune du ciel, le dégradé gris clair du ciel et le gris des barques. Venaient ensuite les zones bleu clair, puis d'un bleu plus dense. Enfin l'estampe était achevée avec le noir du ciel et du pont d'une des barques. Lors de chaque opération, la crête des vagues, l'écume, les visages des marins, et les neiges du Fuji, restaient en réserve, ce qui leur confère le blanc éclatant du papier d'origine. Ainsi, avec trois pigments (noir, jaune et bleu), Hokusai réalise une image colorée et contrastée[8].

D'un tirage à l'autre, on observe des différences de hauteur et de densité du ciel noir autour du Fuji. Hokusai qui avait été graveur pendant son adolescence, suivait attentivement l'impression de ses estampes :

« Des gris trop appuyés rendraient l'estampe moins plaisante, dites je vous prie aux imprimeurs que le ton pâle doit ressembler à une soupe de coquillage. En revanche, s'ils éclaircissent trop le ton sombre, ils ruineraient la force du contraste. Aussi faut-il expliquer que le ton soutenu doit avoir une certaine épaisseur, comme la soupe aux pois[8]. »

Cette estampe est une estampe yoko-e, c'est-à-dire des images en présentation « paysage », donc disposées horizontalement, au format ōban[5] ; elle mesure environ 26 cm de hauteur sur 38 cm de largeur[Note 8].

Le paysage est composé de trois éléments : la mer agitée par la tempête, trois bateaux et une montagne. Il est complété par la signature nettement visible en haut et à gauche. Pour Alain Jaubert, dans son documentaire Palettes, la composition comporte quatre plans : au premier plan une vague s'amorce sur la droite ; au deuxième plan, une vague plus grande s'élève, écumante; au troisième plan, une vague immense commence à déferler ; le mont sacré n'apparaît qu'en arrière-plan, comme élément central et décoratif, il est légèrement excentré vers la droite, enneigé il contraste avec un ciel d'horizon nuageux[8].

La montagne
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Le mont Fuji à l'arrière-plan fait écho à la petite vague du premier plan.

La montagne à l'arrière-plan est le mont Fuji, sujet emblématique de la série meisho-e des Trente-six vues du mont Fuji, qui a pour thème cette montagne, la plus haute du Japon, dont le sommet enneigé est visible l'hiver depuis plusieurs provinces du centre. Cette montagne exerce depuis toujours une certaine fascination, elle est un lieu de pèlerinage de sectes shintoïstes et un site de méditation bouddhiste, et reste l'un des symboles du Japon moderne[8]. Le Fuji est souvent considéré comme un symbole de beauté[10] et Hokusai l'a utilisé comme élément principal ou secondaire dans de nombreux tableaux.

Les bateaux
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Cette estampe est caractéristique de l’ukiyo-e, « images d’un monde éphémère et flottant » : Hokusai saisit l’instant où la vague gigantesque menace d’engloutir les vulnérables embarcations dont l’existence éphémère est soumise au bon vouloir de la nature toute puissante.

La scène représente trois barges prises dans une forte tempête. Les esquifs sont des oshiokuri-bune (ja)[11], bateaux rapides qui servaient à transporter par mer du poisson des villages de pêcheurs des péninsules d'Izu et de Bōsō vers les marchés aux poissons de la baie d'Edo[5]. Ce transport de marchandises se veut probablement être le symbole d'une scène du quotidien du Tokyo du XIXe siècle[12]. En effet, comme son titre l'indique, la scène se déroule dans la mer proche de Kanagawa (Yokohama), située entre Tokyo au nord et la Baie de Tokyo à l'est. Les barques, orientées vers le sud-ouest, reviennent donc à vide de la capitale. Il y a huit rameurs par embarcation, cramponnés à leur rames qu'ils ont pris le soin de relever. Deux passagers supplémentaires sont à l'avant de chaque bateau, ce qui représente un total de trente hommes. Les barques font environ 12 mètres de long, par comparaison, on peut estimer que la vague mesure de 14 à 16 mètres de hauteur. Les marins sont pris dans une forte tempête, peut-être un typhon, ils ont peu de chances d'en réchapper[8].

La scène a lieu en pleine mer, au sud de la baie de Tokyo, au large de Kanagawa, à 90 kilomètres environ à l'est du mont Fuji[8],[Note 9].

La mer et ses vagues
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Détail de la crête de la Grande Vague et de ses « griffes » d'écume.

La mer est l'élément dominant de la composition qui s'articule autour de la forme d'une vague, qui se déploie et domine toute la scène avant de s'abattre.

La grande vague, en cet instant, réalise une spirale parfaite dont le centre passe au centre du dessin[8]. La vague s’abat en forme de main destructrice.

La signature

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Signature de Hokusai à gauche du cartouche.

La Grande Vague de Kanagawa porte deux inscriptions. Sur la première, qui représente le titre de la série et du tableau, située en haut à gauche dans un cartouche rectangulaire est écrit : « 冨嶽三十六景 / 神奈川沖 / 浪裏 » qui se lit Fugaku sanju-rokkei / Kanagawa-oki / nami-ura, et qui signifie Trente-six vues du mont Fuji / au large de Kanagawa / Sous la vague[5]. Sur la seconde, qui représente la signature[Note 10], située en haut à gauche de l'estampe, sur la gauche du cartouche, est écrit : « 北斎改為一筆 », « Hokusai aratame Iitsu hitsu »[5], signifiant « (peint) de la brosse de Hokusai changeant son nom en Iitsu »[8].

Enfant de très modeste origine, sans identité, puisque son premier pseudonyme, Katsushika, lui vient de la région agricole où il est né, Hokusai utilisera au moins cinquante-cinq autres noms tout au long de sa carrière ; ainsi, il ne commençait jamais une nouvelle période de travail sans changer de nom, abandonnant ses anciens noms à ses élèves[13]. Aussi signa-t-il les quarante-six estampes composant les Vues du mont Fuji, non en fonction de l'œuvre dans sa globalité, mais en fonction des différentes périodes de travail que cette œuvre représenta pour lui. Hokusai utilisa quatre signatures différentes pour cette série : « Hokusai aratame litsu hitsu », « zen Hokusai litsu hitsu », « Hokusai litsu hitsu » et « zen saki no Hokusai litsu hitsu »[14].

L'analyse de l’œuvre

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Hokusai réunit et assemble dans ce tableau différents thèmes qu'il apprécie particulièrement. Le Fuji représenté comme une pointe bleue et blanche ressemble à une vague, faisant écho à la vague du premier plan. L'image est tissée de courbes : surface des eaux qui se creuse, rides s'incurvant à l'intérieur des vagues, dos des lames et pentes du Fuji. Les courbes de l'écume de la grande vague engendrent d'autres courbes qui se divisent à leur tour en une multitude de petites sous vagues répétant l'image de la vague mère. Cette décomposition en fractale peut être considérée comme une illustration de l'infini[8]. Les visages des pêcheurs forment des taches blanches, auxquelles font écho les gouttelettes d'écume que projette la vague.

Dans une approche purement subjective de l'œuvre, cette vague est parfois présentée comme un tsunami ou une vague scélérate ; mais on la décrit aussi comme une vague monstrueuse et fantomatique, au squelette blanchâtre[15], menaçant les pêcheurs de ses « griffes » d'écume[16] ; cette vision fantastique de l'œuvre rappelle que Hokusai est un des maîtres du fantastique japonais[Note 11], comme le montrent les fantômes qui hantent les carnets des Hokusai Manga. De fait, l'examen de l'écume de la vague à gauche évoque beaucoup plus des mains griffues prêtes à s'emparer des pêcheurs que la frange blanche d'une vague ordinaire, telle qu'on peut la voir à droite de l'estampe. Dès les années 1831-1832, à peine deux ans après La Grande Vague, Hokusai fera d'ailleurs appel aux thèmes chimériques de manière beaucoup plus explicite, avec sa série Hyaku monogotari (Cent contes de fantômes)[17].

Cette image rappelle bien d'autres œuvres de l'artiste. La silhouette de la vague évoque un dragon géant, dragon que Hokusai dessine souvent, notamment celui du Fuji. La vague est comme la mort fantôme perchée au-dessus des marins condamnés, elle dresse ses bras, ses plis et ses replis, comme le fait avec ses tentacules la pieuvre, un animal qui hante Hokusai aussi bien dans ses mangas que dans ses images érotiques. On retrouve d'autres analogies, les éclats de l'écume deviennent des becs, des serres d'oiseaux de proie, des mains aux doigts crochus, des crocs, des mandibules d'insectes, des mandibules acérées[8].

La Vague réduite aux deux formes symétriques emboîtées, qui s'opposent et se complètent comme le yin et le yang.

Le travail sur la profondeur spatiale et la perspective (uki-e) est également à noter[3], avec le fort contraste entre l'arrière-plan et le premier plan : les deux grandes masses visuelles qui occupent l'espace, la violence de la grande vague qui s'oppose à la sérénité du fond vide[12], peuvent faire penser au symbole du yin et du yang. L'homme, impuissant, se débat entre les deux. On peut donc y voir une allusion au taoïsme, mais également au bouddhisme — les choses fabriquées par l'homme sont éphémères à l'image des barques emportées par la vague gigantesque — et au shintoïsme — la nature est toute-puissante[18],[19].
L'« opposition complémentaire » du yin et du yang[20] se traduit également au niveau des couleurs : le bleu de Prusse s'oppose ici au jaune rosé de l'arrière-plan, qui en est la couleur complémentaire. La symétrie de l'image est donc quasi parfaite, tant au niveau des formes que des couleurs.

Sens de lecture

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L'image inversée de la Grande Vague, permet à un Occidental de comprendre la façon dont un Japonais perçoit l'estampe.

Alors que l'écriture japonaise se lit de haut en bas, et plus important ici, de droite à gauche, l'écriture occidentale se lit de gauche à droite, ce qui implique que la perception première de l'image n'est pas la même pour un Occidental et pour un Japonais[6] :

  • Pour un Occidental, au tout premier coup d'œil, les pêcheurs japonais de La Grande Vague de Kanagawa se dirigent vers la droite de l'estampe, en provenance, peut-on imaginer, de la péninsule d'Izu. Ils sont rattrapés par la vague, qu'ils fuient, ou, peut-être, qu'ils n'ont pas vu venir ;
  • Pour un Japonais, les pêcheurs viennent de la droite de l'image et se dirigent vers la gauche, ils suivent le cheminement oriental traditionnel, auquel s'oppose la vague[21].
Mille Images de l’océan (Chie no umi), Chōshi dans la province de Shimosa (Sōshū Chōshi). Hokusai, 1832-1834.

Ils sont au large des côtes de Kanagawa, en se dirigeant vers la gauche, vers le sud-ouest, revenant sans doute à vide de Tokyo, où ils ont vendu leurs poissons. Au lieu de fuir la vague, ils se heurtent à elle : elle leur barre la route et ils doivent l'affronter dans toute sa violence. C'est dans le sens de lecture japonais, de droite à gauche, que l'image est la plus forte, rendant la menace de la vague plus apparente[22].

L'examen des bateaux, et en particulier de celui du haut, qui barre le Fuji, montre bien que c'est la proue, haute et effilée, qui est orientée vers la gauche, et que la lecture « japonaise » de l'image est donc la « bonne ». L'aspect des bateaux, des oshiokuri-bune servant à transporter le poisson, est d'ailleurs confirmé par l'observation d'une autre estampe de Hokusai, Mille Images de l’océan (Chie no umi), « Chōshi dans la province de Shimosa » (Sōshū Chōshi), où, cette fois, le bateau s'écarte bien du ressac (situé ici sur la droite de l'image), comme le montre son sillage sur l'eau.

Conception de l'œuvre

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Kanagawa-oki Honmoku no zu, « Vue de Honmoku au large de Kanagawa », créée par Hokusai vers 1803.
Oshiokuri Hato tsusen no zu, « bateaux cargo luttant contre les vagues », créé par Hokusai vers 1805, œuvres annonciatrices de Sous la vague, au large de Kanagawa.

Hokusai n'a pas imaginé et créé La Vague en un jour et l'étude de ses œuvres antérieures laisse penser que de nombreuses années de travail ont été nécessaires afin d'aboutir au degré de maitrise qu'il démontre dans La Grande Vague de Kanagawa.

Deux estampes, produites près de 30 ans plus tôt, ressemblent à la Grande Vague, et peuvent être considérées comme des œuvres annonciatrices[Note 12]. Ce sont Kanagawa-oki Honmoku no zu, créé vers 1803 et Oshiokuri hato tsusen no zu, créé vers 1805[23],[24],[25]. Ces deux gravures ont la même thématique que La Vague, ils décrivent un bateau, à voile dans le premier cas, à rame dans le second, pris dans la tempête, au pied d'une immense vague qui menace de l'engloutir. Si ces tableaux ressemblent à La Vague, ils en diffèrent sur certains points[20] et l'étude de ces différences permet de décrire l'évolution technique et artistique de Hokusai :

  • Dans ces premières estampes, les vagues sont assimilées à une matière dense et uniforme, presque minérale[8]. Leur raideur et leur verticalité évoquent des sommets montagneux enneigés[20], alors que La Vague apparait plus vivante, plus dynamique et plus agressive ; sa crête en forme de griffes écumantes contribue puissamment à la menace qui en émane ;
  • Le point de vue des estampes de 1803 et 1805 est toujours légèrement marqué par la perspective japonaise traditionnelle : le spectateur est placé plus haut, dans une vue cavalière qui ne permet pas d'être au cœur de l'action[20]. Le point de vue beaucoup plus bas adopté plus tard par Hokusai crée instantanément un sentiment d'écrasement face aux éléments ;
  • Ce sentiment est encore renforcé par la ligne d'horizon : les deux premières estampes laissent apparaître un paysage à l'horizon, paysage à peine masqué par la vague principale ; la présence de cet arrière-plan relativise la menace constituée par la vague. Au contraire, La Grande Vague de Kanagawa donne le quasi-monopole du spectacle aux éléments déchaînés, obligeant le spectateur à s'immerger dans le drame ; le calme du Fuji au lointain n'apporte pas de soulagement au caractère oppressant des premiers plans, car sa petitesse même souligne son extrême éloignement ; de même, les deux premières estampes faisaient apparaître des oiseaux, détail familier et rassurant qui a disparu dans La Vague[20] ;
  • Dans les premières estampes, un bateau navigue sur la crête de la vague, comme s'il était parvenu à lui échapper. Hokusai a éliminé ce détail dans La Grande Vague, peut-être parce que cela gênait la dynamique de la courbe de la vague, mais aussi pour renforcer le drame qui se déroule : les humains, dépassés par les éléments, n'occupent plus que la partie inférieure de l'image[20] ;
  • Au-delà de tous ces aspects, la composition générale de l'image accuse une autre différence : les deux estampes de 1803 et 1805 de Hokusai montrent des compositions disparates, manquant de la « cohérence » qui est à la base même de la force d'une image. La Vague, par comparaison, réduit les grandes masses visuelles à deux : la vague elle-même, et son arrière-plan vide, amorcé par la ligne inférieure de la vague (« sous la vague », comme le dit explicitement le titre).
Kaijo no fuji, second volume des Cent vues du mont Fuji, 1834, Hokusai. Pas de bateaux mais des oiseaux volant dans l'écume.
  • La Vague permet de se rendre compte de la maîtrise qu'avait atteint Hokusai : cette image, si simple, coulant de source, telle qu'elle nous apparait, est en réalité le fruit d'un long travail, d'une réflexion méthodique. La fondation même de cette méthode a été posée dès 1812 par Hokusai dans son ouvrage Initiation rapide au dessin abrégé, où il expose sa théorie selon laquelle tout objet se dessine par la relation du cercle avec le carré. Il écrit :

« Ce livre consiste à montrer la technique du dessin en utilisant uniquement une règle et un compas […] Lorsqu'on commence par cette méthode, la ligne et la proportion s'obtiennent plus naturellement[26]. »

et, dans la préface du même ouvrage,

« Toutes les formes ont leurs propres dimensions que nous devons respecter […] Il ne faut pas oublier que ces choses appartiennent à un univers dont nous ne devons pas briser l'harmonie[26]. »

Quelques années plus tard, en 1835, Hokusai reprend l'image de La Vague qu'il aime tant et réalise Kaijo no fuji, pour le second volume des Cent vues du mont Fuji. On y retrouve le même rapport entre la vague et le volcan et le même jaillissement d'écume. Mais cette fois, pas de bateaux, pas d'humains, et les éclats de la vague se confondent avec un vol d'oiseaux de mer[8]. Alors que dans son œuvre précédente, la grande vague déferlait de gauche à droite, c'est-à-dire dans le sens contraire à la lecture japonaise, et s'opposait donc frontalement aux bateaux, ici la vague et les oiseaux déferlent de droite à gauche, en harmonie[27].

Influence de l'Occident sur La Grande Vague

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La Grande Vague de Hokusai a été influencée par l'Occident, sur au moins deux aspects : la perspective (de façon discrète mais néanmoins très réelle, comme le montre l'étagement des plans), et l'utilisation du bleu de Prusse.

La perspective

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Perspective japonaise traditionnelle (Paysage de l'École Tosa, attribuée à Tosa Mitsuoki, XVIIe siècle).

Dans la peinture traditionnelle du Japon, et de l'Extrême-Orient de manière plus générale, la représentation de la perspective telle que nous l'entendons n'existait pas. Comme dans l'Égypte antique, la taille des objets ou des personnages ne dépendait pas de leur proximité ou de leur éloignement, mais de leur importance dans le contexte du sujet[28] : un paysage pouvait donc être représenté en grossissant les personnages, considérés comme le véritable sujet de l'estampe, et en réduisant la taille des arbres et des montagnes environnantes, pour qu'ils ne risquent pas de capter l'attention au détriment des personnages. La notion de ligne de fuite n'existait pas, et le point de vue retenu était en général celui d'une « vue cavalière ».

La perspective, utilisée dans les peintures occidentales depuis Paolo Uccello et Piero della Francesca, était, au début du XVIIIe siècle, connue des artistes japonais au travers des gravures sur cuivre occidentales (hollandaises en particulier), qui arrivaient par Nagasaki[Note 13]. Les premières études et tentatives sur la perspective occidentale furent menées par Okumura Masanobu, puis surtout, par Toyoharu ; celui-ci a même réalisé pour cela, aux alentours de 1750, des gravures sur cuivre représentant la perspective du Grand Canal à Venise, ou des ruines antiques de Rome[29].

Grâce à l'œuvre de Toyoharu, l'estampe japonaise de paysage, telle que l'ont fait évoluer Hiroshige (élève indirect de Toyoharu, au travers de Toyohiro) et Hokusai, a été profondément influencée, bouleversée même par rapport à l'approche traditionnelle. Hokusai se familiarisa avec la perspective occidentale dès les années 1790, au travers des recherches de Shiba Kōkan ; peut-être même, bien qu'on n'en ait pas la preuve, a-t-il bénéficié de son enseignement[30]. Il publia d'ailleurs entre 1805 et 1810 une série intitulée Miroirs d'images hollandaises. Huit vues d'Edo[30].

Sans doute le succès de La Grande Vague en Occident n'aurait-il pas été aussi fort, si le public occidental n'avait pas éprouvé un sentiment de familiarité avec l'œuvre : dans une certaine mesure en effet, c'est une peinture occidentale vue au travers d'yeux japonais[31].

Comme l'a écrit Richard Lane,

« […] des Occidentaux, mis pour la première fois en présence d'œuvres japonaises, seront tentés de choisir ces deux derniers artistes (Hokusai et Hiroshige) comme représentant l'apogée de l'art du Japon, sans se rendre compte que ce qu'ils admirent le plus est justement cette parenté cachée avec la tradition occidentale qu'ils sentent confusément[32]. »

« La révolution bleue »

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Kôshu Kajikazawa, « Kajikazawa dans la province de Kai », de la série des Trente-six vues du mont Fuji, variété aizuri-e, imprimée entièrement en bleu de Prusse.

Les années 1830 constituent une « révolution bleue »[33] dans l'aspect des estampes de Hokusai, par le recours massif à la nouvelle couleur à la mode, le « bleu de Berlin », que nous connaissons sous le nom de bleu de Prusse. C'est ce bleu qui fut utilisé pour La Grande Vague[34], couleur d'origine chimique bien différente du bleu délicat et fugace, issu de pigments naturels (indigo), qu'utilisaient auparavant les graveurs japonais de l'ukiyo-e. Ce « bleu de Berlin », le berorin ai, importé de Hollande, fut utilisé, en particulier par Hiroshige et Hokusai[35], à partir de son arrivée massive au Japon, en 1829[Note 14],[36].

La série des dix premières estampes des Trente-six vues du mont Fuji, à laquelle appartient La Grande Vague, compte donc parmi les toutes premières estampes japonaises à avoir fait appel au bleu de Prusse, puisqu'elles ont vraisemblablement été proposées à l'éditeur dès 1830. Ces estampes présentent d'ailleurs une autre particularité, qui est que le trait du dessin proprement dit en est imprimé, non à l'encre de Chine (sumi) comme il était d'usage, mais au bleu de Prusse également.

Cette nouveauté rencontra immédiatement un grand succès. Dès le Nouvel An de l'année 1831, l'éditeur de Hokusai, Nishimuraya Yohachi (Eijudō) fit d'ailleurs une annonce publicitaire[36] pour présenter cette innovation. Devant le succès rencontré, Eijudō se lança l'année suivante dans la publication des neuf ou dix estampes suivantes de la série Trente-six Vues du mont Fuji. Ces nouvelles estampes présentaient une singularité : certaines d'entre elles étaient en effet imprimées selon la technique des aizuri-e, des « images imprimées (entièrement) en bleu ». L'une de ces estampes aizuri-e nous est connue sous le nom de Kajikazawa dans la province de Kai (Kôshu Kajikazawa).

La publication de la série continua jusqu'en 1832, voire 1833, pour atteindre un total de 46 estampes, grâce à dix estampes surnuméraires. Ces dix planches supplémentaires, à la différence des autres, n'ont pas les traits de contours en bleu de Prusse, mais en noir sumi (encre de Chine), comme il était habituel ; ces dix dernières estampes sont connues sous le nom de ura Fuji, « le Fuji vu de l'autre côté »[36].

Influence sur l'art occidental

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Couverture de l'édition originale de La Mer de Claude Debussy.

Au milieu du XIXe siècle, l'art japonais arrive en Europe. La vision des artistes d'Extrême-Orient est totalement nouvelle et en rupture avec les conventions de la peinture occidentale de l'époque. Une mode est lancée, celle du japonisme. Les principaux artistes japonais qui influencèrent les artistes européens étaient Hokusai, Hiroshige et Utamaro[37].

Les Trente-six vues du mont Fuji ont en particulier été une source d’inspiration très importante pour les peintres occidentaux japonisants du XIXe siècle. On retrouve des estampes de cette série chez de nombreux peintres, qui en firent même parfois collection : Vincent van Gogh, Claude Monet, Edgar Degas, Auguste Renoir, Camille Pissarro, Gustav Klimt, Giuseppe De Nittis ou Mary Cassatt.

Considérée comme la plus célèbre estampe japonaise[38], La Grande Vague de Kanagawa influença probablement certaines œuvres majeures, de la peinture, avec Claude Monet[38], à la musique avec La Mer de Claude Debussy[12], en passant par la littérature avec Der Berg de Rainer Maria Rilke[12].

Félix Bracquemond, l'un des précurseurs du japonisme, serait le premier artiste européen à avoir copié des œuvres japonaises. C'est en 1856 qu'il aurait découvert chez l'imprimeur Delâtre, un volume de la Manga d'Hokusai et qu'il en aurait recopié les dessins sur ses céramiques[39],[40],[41].
Puis, lors de l'Exposition Universelle de 1867, à laquelle le Japon participe officiellement pour la première fois, la vente qui suit de 1 300 objets lance véritablement la vogue de l'art japonais en Europe, bientôt suivie par la rétrospective sur l'art japonais de l'Exposition Universelle de 1878 ; c'est à cette date qu'apparait Hayashi (interprète lors de cette rétrospective), qui, avec Samuel Bing, sera le grand pourvoyeur de la France et de l'Europe en objets d'art japonais[42].

L'un des tout premiers artistes européens inspiré par Hokusai : Félix Bracquemond, par Nadar (1865).

En 1871, Claude Monet commença une collection d'estampes qui comptait à la fin de sa vie 231 œuvres, principalement de paysages, de 36 artistes différents dont les trois plus grands, Hokusai, Hiroshige et Utamaro. Il possédait notamment 9 estampes des Trente-six vues du mont Fuji[43] dont la Grande Vague. Il est probable qu'il ait été influencé par ces estampes notamment dans le choix de certains motifs, la composition et la lumière de ses tableaux. Ainsi, on retrouve dans ses peintures, comme souvent dans les ukiyo-e, la nature comme principale source d'inspiration, avec ses couleurs changeantes, et une composition autour d'une oblique ou d'une serpentine, équilibrée par une verticale, le sujet principal étant placé sur le côté, voire coupé[37],[44]. Sa toile Le Pont sur un étang de nymphéas semble s’inspirer de l’architecture des ponts telle qu’on la retrouve dans plusieurs des estampes de la série d’Hokusai[39]. Ses toiles faites sur les côtes de Normandie et de Bretagne, où il utilise de longs traits de couleur pour suggérer les forces de la nature et les mouvements de l'eau, rappellent les courbes et les spirales utilisées par les artistes japonais pour représenter les énergies des éléments[44].

Henri Rivière, un des animateurs du Chat Noir[45], dessinateur, graveur, aquarelliste et aquafortiste, fut l'un de ceux qui reçut le plus l'influence d'Hokusai en général, et de La Grande Vague de Kanagawa plus particulièrement. Il publia en effet en 1902 une série de lithographies intitulées Les 36 Vues de la Tour Eiffel, en hommage à l'œuvre de Hokusai[46]. Collectionneur d'estampes japonaises achetées auprès de Bing, de Hayashi et de Florine Langweil[47], il possédait un exemplaire de La Vague, dont il s'inspira pour graver ses deux séries de gravures sur bois, représentant des paysages marins de la Bretagne, où il demeurait désormais. L'une de ces estampes, Vague frappant le rocher et retombant en arceau, de la série La Mer, études de vagues, décrit la crête écumante de la vague sous forme de gouttelettes blanches proches de la composition de Hokusai[48].

Claude Debussy, passionné par la mer et les estampes d'Extrême-Orient, possédait un exemplaire de La Vague dans son cabinet de travail. Il s'en serait inspiré pour son œuvre La Mer, et demanda que la grande vague figure en couverture de sa partition, sur l'édition originale de 1905[49],[50].

Ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir que l'art de Hokusai, après avoir lui-même été profondément influencé par l'art et les techniques venus d'Occident, allait à son tour devenir la source du rajeunissement de la peinture occidentale, par l'intermédiaire de l'admiration que lui portaient les impressionnistes et les post-impressionnistes[32].

Exemplaires conservés

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Plusieurs exemplaires de cette œuvre sont conservés dans des collections du monde entier.

De grands collectionneurs privés du XIXe siècle sont bien souvent à l'origine des collections d'estampes japonaises des musées : ainsi l'exemplaire du Metropolitan Museum provient-il de l'ancienne collection d'Henry Osborne Havemeyer, exemplaire qui a été donné au musée par son épouse en 1929[53]. De même, l'exemplaire de la Bibliothèque nationale de France a été acquis en 1888, en provenance de la collection de Samuel Bing[54]. Quant à l'exemplaire du Musée Guimet, il provient du legs de Raymond Kœchlin, fait au musée en 1932[55].

Lors de la vente publique de la collection Huguette Bérès (une des dernières grandes collections historiques d'estampes japonaises), La Vague a été adjugée chez Piasa, le , pour la somme de 23 000 euros et les quarante-six estampes de la série des Trente-six vues du mont Fuji ont été adjugées pour 1 350 000 euros chez Sotheby's, en 2002.

Comparaison de différents exemplaires

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Autre gravure de La Vague, nettoyée et retouchée pour en raviver les couleurs. Cette image retouchée, en haute résolution, a été traitée à partir d'une regravure moderne de qualité effectuée par Adachi Hanga, achetée en 1938 et détenue par la Bibliothèque du Congrès.

Les estampes japonaises sont imprimées en quelques centaines d'exemplaires, à partir des planches de bois originales, gravées à partir du dessin de l'artiste. L'état exact du bois ayant servi à l'impression d'une estampe donnée fournit donc de précieux renseignements à la fois sur l'authenticité de cette estampe, mais aussi sur la qualité plus ou moins grande du tirage, selon justement l'usure du bois. Tout peut alors servir : un trait émoussé, une cassure du bois, seront autant de précieux indices.

Dans le cas de La Grande Vague de Hokusai, l'un des indices à examiner est l'état du double trait entourant le cartouche de gauche, sur le côté gauche. Il apparaît en effet très souvent émoussé, voire effacé, car la gravure sur bois de l'original à cet endroit précis affleure mal[16]. Sur l'exemplaire du Metropolitan Museum, on peut voir qu'il s'agit d'un original d'une qualité d'impression surprenante, puisque le double trait de ce cartouche n'apparaît pratiquement pas émoussé du tout à gauche.

La comparaison avec l'exemplaire originaire de la collection Siegfried Bing montre que ce dernier[54] présente un double trait gauche du cartouche assez effacé ; le fond est également différent, car il est presque uniforme, et ne fait pas apparaître la légère formation nuageuse qui monte de l'horizon sur l'exemplaire du Metropolitan Museum (Voir).

L'exemplaire du Musée Guimet[55], lui, laisse deviner ce nuage, avec précisément les mêmes contours, mais de façon moins nette. Ces variations dans les fonds sont fréquentes dans les estampes japonaises, car elles correspondent simplement en général à un encrage différent de la même planche de bois, sans qu'il soit besoin de retoucher celle-ci.

L'exemplaire de Claude Monet à Giverny[56], tel qu'il ressort sur cette reproduction, apparaît comme une bonne impression, avec le bord gauche du cartouche en bon état ; la formation nuageuse se voit aussi très distinctement. Mais cet exemplaire a apparemment été coupé sur les bords (le bord de gauche est ici au ras de la signature). Ce point est corroboré par les dimensions indiquées : 24,1 cm × 36,2 cm, contre 25 cm × 37 cm pour l'exemplaire du Metropolitan Museum.

L'exemplaire du British Museum[57] montre un cartouche bien usé sur la gauche, et une absence de formation nuageuse dans le ciel. En l'absence d'autres éléments, on peut donc penser que l'exemplaire du Metropolitan Museum reflète mieux les intentions d'Hokusai.

Dans la culture populaire

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Adaptation de La Vague avec le Golden Gate de San Francisco.
Reproduction de La Grande Vague de Kanagawa dans les galeries souterraines du Grand réseau sud de Paris.

La Grande Vague de Kanagawa a été de nombreuses fois parodiée ou reprise sous différentes formes[38] ; elle est aujourd'hui une image que l'on rencontre dans toutes sortes de contextes différents[Note 15] :

  • elle a servi également de modèle au logo de Quiksilver[58],[59] qui rappelle ainsi les deux domaines majeurs d'activité de la marque à savoir, le snowboard et le surf ;
  • elle a servi à un projet publicitaire pour Orangina (qui utilisait la vague pour « secouer » la bouteille)[60] ;
  • elle a été reproduite au cours des années 1980 dans les carrières souterraines de Paris dans des dimensions imposantes dans la salle dite La Plage, un lieu de réunion cataphile[61] ;
  • elle est au cœur de l'ouvrage La Grande Vague[62], aux éditions de l'Élan vert, 2010. Cet album pour enfants écrit par Véronique Massenot et illustré par Bruno Pilorget permet aux jeunes lecteurs de découvrir l’œuvre d'Hokusai ;
  • le film d'animation L'Île aux chiens de Wes Anderson détourne cette œuvre en y ajoutant des chiens[63] ;
  • un nombre considérable de variations surprenantes ont été osées à partir de l'œuvre originale[60].
  • le motif orne le dos des boîtiers des montres de plongée de la marque Seiko[réf. souhaitée].
  • le 2 janvier 2023, la marque Lego rend hommage au chef d'Oeuvre[64] en l'imaginant sous forme de briques.

Notes et références

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  1. Le Centre culturel du Marais avait précédemment daté cette publication de 1831 au plus tôt (Le Fou de peinture. Hokusai et son temps, 1980, pages 143 et 144). Mais Hélène Bayou, dans Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art » (2008), considère que les dix premières estampes de la série Trente-six Vues du mont Fuji « ont vraisemblablement été proposées à l'éditeur en 1830 » ; la date de 1831 (et l'annonce publicitaire faite par l'éditeur dès le Nouvel An 1831 pour annoncer des tirages aizuri-e) pourrait donc concerner le deuxième groupe de 9 ou 10 estampes de la série.
  2. Hokusai édita tout d'abord les dix premières estampes, qui commencent donc par La Vague, suivie du Fuji rouge par temps clair, et de L'Orage sous le sommet de la montagne (notices de la BnF, dans l'exposition « Estampes japonaises. Images d'un monde éphémère », du 18 novembre 2008 au 15 février 2009).
  3. Auparavant, la classe des marchands était tout au bas de l'échelle sociale, après les paysans, puis les artisans. Reischauer, Histoire du Japon et des Japonais, tome 1, page 110.
  4. Pour l'impression des estampes japonaises, on utilisait toujours un papier (washi) fait de moelle de mûrier kōsō ; les belles estampes étaient tirées sur du papier hōsho de qualité supérieure.
  5. Voir la section « Fabrication d'une estampe » de l'article ukiyo-e, qui détaille les différentes opérations du processus.
  6. Selon Richard Lane (L'Estampe japonaise, 1962, page 257), […] « les grands paysages de cette série constituent, en un sens, un point culminant dans l'assimilation des conceptions occidentales par l'art traditionnel japonais » (étudiées dès 1739 par Okumura Masanobu, suivi par Toyoharu, puis par Shiba Kokan).
  7. Voire nettement plus dans le cas de certaines éditions luxueuses, impliquant un fond micacé, un gaufrage, une impression sans encre (shomenzuri), ou des rehauts d'or ou d'argent, un double passage des noirs, etc.
  8. Les dimensions précises dépendent de l'exemplaire considéré, et de la façon dont il a été coupé.
  9. Le documentaire La Menace suspendue : La Vague, de Alain Jaubert, présente environ au temps 05:14 une erreur « grossière » : « À 90 km environ à l'ouest du Fuji ». Cette assertion emmène le spectateur dans un endroit impossible, à l'intérieur des terres japonaises ! Il faut donc entendre, plus justement, « À 90 km environ à l'est du Fuji », qui emmène alors le spectateur au-delà de la baie de Kanagawa, dans une mer susceptible d'être violente.
  10. Hokusai utilisa plusieurs signatures différentes pour la série des Trente-six vues du mont Fuji. Tout au long de sa carrière, en effet, Hokusai changea de nom et de signature, au gré de son humeur, de ses constants déménagements, ou des étapes de son travail (Nelly Delay, L'Estampe japonaise, Hazan, 2004, page 308).
  11. Les thèmes surnaturels sont d'ailleurs une source d'inspiration de l'ukiyo-e, en particulier au XIXe siècle, que l'on va retrouver chez Hiroshige, et plus encore chez Kuniyoshi, puis chez Yoshitoshi, avec par exemple sa série Nouvelles Formes de trente-six fantômes.
  12. C'est à cette époque, entre 1800 et 1805, que Hokusai, sous l'influence de Shiba Kōkan, réalise des estampes qui sont directement des études de la perspective occidentale ; ainsi, l'estampe Kudan Ushigafuchi (analysée dans l'ouvrage Images d'un monde éphémère. Estampes japonaises, BnF), très proche dans son esthétique de La Vague de 1805, est en réalité un effort de reproduction des peintures à l'huile qui arrivaient de Hollande : l'apparition d'ombres portées, la taille des objets qui diminue avec l'éloignement, la signature écrite en hiragana disposés ici horizontalement, à la façon occidentale, sont autant d'éléments que l'on retrouve dans Oshiokuri hato tsusen no zu en 1805.
  13. Après les « décrets d'exclusion » de 1633, et après l'écrasement de la rébellion chrétienne de 1637, Nagasaki resta le seul lien unissant le Japon au reste du monde au travers des commerçants hollandais, cantonnés sur l'îlot de Deshima.
  14. Le « bleu de Berlin » était importé au Japon, en provenance de Hollande, depuis 1820. Sa première utilisation dans les arts graphiques ne remonte cependant qu'à 1829, avec le peintre Ooka, diffusé par l'éditeur Yotsuya. La même année, devant le succès remporté par cette nouvelle couleur, le marchand d'éventails Sohei Iseya passa commande à Keisai Eisen pour des décorations d'éventails (Nelly Delay, L'Estampe japonaise, Hazan, 2004, page 214).
  15. Toutes proportions gardées, cela s'explique également par le fait que l'œuvre soit dans le domaine public, à l'instar de La Joconde multi-parodiée.

Références

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  1. (en) « The Great Wave at Kanagawa (from a Series of Thirty-Six Views of Mount Fuji) », sur Metropolitan Museum of Arts (consulté le ).
  2. Hélène Bayou, Marie-Christine Enshaian, Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art », Paris, Réunion des musées nationaux, , 240 p., 22 × 28 (ISBN 978-2-7118-5406-6, LCCN 2008437709, présentation en ligne), p. 130.
  3. a et b « « La Vague » de Hokusai et « Les Monts Jingting en automne » de Shitao », www.cndp.fr (consulté le ).
  4. Nelly Delay, L'Estampe japonaise, Hazan, 2004, p. 30 à 33.
  5. a b c d et e (en) « Thirty-Six Views of Mt Fuji / Under the Wave, off Kanagawa », sur britishmuseum.org, The British Museum (consulté le ).
  6. a et b (en) « Forces of Nature: Natural Disasters Portrayed in Art: A Units of Study - Lesson 2: Comparing Tornado Over Kansas and the Great Wave off Kanagawa », sur art.unt.edu, NTEIVA Newsletter Home vol. 12, no 3, North Texas Institute for Educators on the Visual Arts Editor, (consulté le ), p. 8-10.
  7. Images du monde flottant. Peintures et estampes japonaises, XVIIeXVIIIe siècle, Réunion des musées nationaux, 2004, pages 298 et 299 (ISBN 2-7118-4821-3).
  8. a b c d e f g h i j k l et m La Menace suspendue : La Vague (vers 1831) : Katsushika Hokusaï (1760-849). Scénario, commentaire, réalisation : Alain Jaubert. France : La Sept Arte ; BNF ; RMN ; Palette Prod., 1999, 29 min, couleur.
  9. Nelly Delay, L'Estampe japonaise, Hazan, 2004, page 300.
  10. Le Mont Fuji dans l’art, NIPPONIA no 35, 15 décembre, 2005, web-japan.org.
  11. (en) Tadashi Kobayashi, Ukiyo-e, an Introduction to Japanese Woodblock Prints, page 47.
  12. a b c d et e (en) « The Great Wave at Kanagawa (from a Series of Thirty-six Views of Mount Fuji) », sur metmuseum.org, The Metropolitan Museum of Art (consulté le ).
  13. Nelly Delay, L'Estampe japonaise, Hazan, 2004, page 196.
  14. Hokusai, Les Trente-six vues du mont Fuji, « Sous la vague au large de Kanagawa » sur http://expositions.bnf.fr.
  15. Caractère monstrueux et fantomatique de la vague d'Hokusai.
  16. a et b J. Hillier, Catalogue of the Japanese paintings and prints in the collection of Mr. & Mrs Richard P. Gale, Routledge & Kegan Paul Ltd, 1970, tome II, page 451.
  17. Hélène Bayou, Hokusai — 1760-1849. « L'affolé de son art », 2008, pages 144 et 145.
  18. La « Grande Vague » du Japonais Hokusai, symbole de la violence des tsunamis, Isabelle Rüf, 29 décembre 2004, www.letemps.ch.
  19. Hokusai, lettres-histoire.ac-rouen.fr.
  20. a b c d e et f Hokusai's great wave.
  21. « Notions inhérentes à l'image - Les lignes directrices de composition », sur www3.ac-nancy-metz.fr (consulté le ).
  22. (en) Harris, « Under the Wave off Kanagawa », sur archpsyc.ama-assn.org, Arch Gen Psychiatry.2008; 65: 12-13 (consulté le ).
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Bibliographie

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  • (en) Matthi Forrer, Hokusai: Mountains and Water, Flowers and Birds, Munich, Prestel Publishing, , 96 p. (ISBN 978-3-7913-3043-3, LCCN 2003115923)
  • Valérie Sueur-Hermel, Henri Rivière, entre impressionnisme et japonisme, Paris, Bibliothèque nationale de France, (ISBN 978-2-7177-2431-8, LCCN 2009431671)

Documentaire

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Articles connexes

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Liens externes

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