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« Normandie (paquebot) » : différence entre les versions

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{{Titre mis en forme|''Normandie'' (paquebot)}}
{{Titre en italique}}
{{En-tête label|AdQ|année=2011}}
{{Voir homonymes|Normandie (homonymie)}}

{{Infobox Navire à passagers
{{Autres navires|Normandie (navire)}}
| nom = ''Normandie''
{{Infobox Navire
| image = SS Normandie at sea 01.jpg
| légende =
| nom = ''Normandie''
| image = Normandie color.jpg
| autres noms = T6 (construction)</br>''Normandie'' (1935 - 1942)<br />''Lafayette'' (1942 - 1946)
| type = [[Paquebot transatlantique]]
| légende =
| quille = {{date|26|janvier|1931}}
| autres noms = T6 (construction)<br />''Lafayette'' (1942-1947)
| lancement = {{Date|29|octobre|1932}}
| type = [[Paquebot transatlantique]]
| chantier = [[File:Flag of France (1794–1815, 1830–1958).svg|border|20px]] [[Chantiers de Penhoët]], [[Saint-Nazaire]]
| voyage inaugural = {{date|29|mai|1935}}
| quille = {{date|26|janvier|1931}}
| statut = Coulé dans le port de [[New York]] par les tonnes d'eau visant à neutraliser un incendie le {{date|9|février|1942}}, démoli en 1946
| longueur = 313,75 m
| lancement = {{Date|29|octobre|1932}}
| largeur = 36,40 m
| voyage inaugural = {{date|29|mai|1935}}|statut
| statut = Incendié en 1942<br>Démoli en {{date|octobre 1947}}
| tirant d'eau = 11,20 m
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| propulsion = Quatre moteurs à propulsion turbo-électrique
| tirant d'air =
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| déplacement = {{formatnum:70171}} [[tonne|t]]
| vitesse = 32 [[Nœud (unité)|nœuds]]
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| ponts = 12
| propulsion = à vapeur, turbo-électrique. 29 chaudières Penhoët à tubes d'eau, quatre groupes turbine à vapeur - alternateur triphasé (6000 V 81 Hz), quatre moteurs électriques synchrones
| passagers = {{formatnum:1850}}
| puissance = {{unité|160000 ch}}<ref>[http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.frenchlines.com%2Fship_fr_355.php « Paquebot ''Normandie'' »], ''French Lines''. Consulté le 4 juillet 2015.</ref>
| équipage = {{formatnum:1345}}
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| vitesse = {{unité|32.2|[[Nœud (unité)|nœuds]]}}
| pont = 12
| armateur = [[Compagnie générale transatlantique]] (1935 - 1941)</br>[[United States Navy|US Navy]] (1941 - 1946)
| passagers = {{formatnum:1971}}<ref>[http://www.normandie-actu.fr/les-heures-de-gloire-du-paquebot-normandie_71835/ « Les heures de gloire du paquebot ''Normandie'' »], ''Normandie Actu''. Consulté le 4 juillet 2015.</ref>
| affréteur =
| pavillon = {{France}} (1935 - 1941) - {{USA}} (1941 - 1946)
| propriétaire = -
| coût = 863 millions de francs (refonte comprise)
| armateur = [[Compagnie générale transatlantique]] (1935-1941)<br/>[[United States Navy|US Navy]] (1941-1946)
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| pavillon = [[File:Flag of France (1794–1815, 1830–1958).svg|border|30px]] [[France]] (1935-1941) <br /> [[File:Flag of the United States (1912-1959).svg|border|30px]] [[États-Unis]] (1941-1946)
| coût = {{unité|860|millions}} de francs<ref>[https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1998_num_58_1_3742 Garnaud Philippe. Le paquebot Normandie et la presse (1929-1935)]. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, {{n°|58}}, avril-juin
1998, p{{p.|29-42}}.</ref>
}}
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Le '''''Normandie''''' est un [[paquebot transatlantique]] de la [[Compagnie générale transatlantique]], construit par les [[Chantiers de Penhoët]] à [[Saint-Nazaire]]. Le projet de construction voit le jour à la fin des années 1920 dans la continuité des paquebots ''[[France (paquebot de 1912)|France]]'', ''[[Paris (paquebot)|Paris]]'' et ''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'', en étroite collaboration avec l'État. Les travaux débutent en janvier 1931, la coque étant alors nommée '''T6''', et visent à donner au pays un navire à la fois grand et rapide. Cependant, à cause de la [[Grande Dépression]], la mise en service du paquebot est repoussée jusqu'en 1935.
Le '''''Normandie''''' est un [[paquebot transatlantique]] de la [[Compagnie générale transatlantique]], construit par les [[chantiers de Penhoët]] (actuels [[Chantiers de l'Atlantique]]) à [[Saint-Nazaire]] à partir de 1931 et immatriculé au [[Grand port maritime du Havre|Port du Havre]] en 1935.

Le projet voit le jour dès 1926, en étroite collaboration avec l'État, dans le cadre des obligations de la convention postale de 1912<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=Français|auteur1=Adrien Motel|titre=Normandie, un rêve français|passage=p18|éditeur=Editions Place des Victoires|date=2022}}</ref> et dans la continuité des paquebots ''[[France (paquebot de 1912)|France]]'', ''[[Paris (paquebot)|Paris]]'' et ''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]''. Le projet vise à donner à la France un navire à la fois grand et rapide. Le chantier débute le [[janvier 1931|26 janvier]] [[1931]] à Saint-Nazaire<ref name=":0" />, la coque est alors nommée '''T6'''. La [[Grande Dépression|Grande dépression]] ralentit la construction et la mise en service du paquebot n’est effective qu’en [[1935]].

Lorsqu'il entre en service commercial, le ''Normandie'' est le [[Liste des plus gros paquebots|plus grand paquebot au monde]]<ref name=":0" />. Son voyage inaugural constitue un événement médiatique considérable, intégralement couvert par la presse française et internationale. Le succès du navire est total. Il pulvérise le record de traversée de l’Atlantique et confère un immense prestige à la France. Des modifications sont entreprises en [[1936]] avant que le luxueux paquebot entre en compétition avec son rival anglais ''[[Queen Mary]]''. La lutte pour le [[Ruban bleu]] dure deux ans et passionne le monde entier.

La carrière commerciale du ''Normandie'' est marquée par une immense popularité auprès des vedettes et une importante médiatisation de ses voyages. Le paquebot est largement utilisé par les pouvoirs publics français à des fins de propagande nationale, visant à dire au monde que le ''Normandie'' est l’incarnation absolue de la France des années 1930.


Lorsqu'il entre finalement en service commercial, le ''Normandie'' est le [[Liste des plus gros paquebots|plus grand paquebot au monde]]. Son voyage inaugural est entouré d'un grand prestige, et après des retouches en 1936, le paquebot entame une carrière sous le signe du luxe. Celle-ci est cependant interrompue par la [[Seconde Guerre mondiale]] et le navire est interné dans le port de [[New York]]. Fin 1941, il est réquisitionné par les États-Unis, est renommé '''USS ''Lafayette''''' et doit être transformé en transport de troupes. Un incendie accidentel durant les travaux, en 1942, a cependant raison du navire, les tonnes d'eau utilisées par les pompiers de la ville le faisant en effet chavirer. Sa coque est démolie en 1946.
La carrière du ''Normandie'' est cependant interrompue par la [[Seconde Guerre mondiale]]. Le paquebot est désarmé et demeure à quai dans le port de [[New York]]. Fin [[1941]], il est réquisitionné par les États-Unis et renommé '''USS ''Lafayette''''', pour être transformé en transport de troupes rapide. Un incendie a priori accidentel se déclare durant des travaux, en [[1942]]. Les tonnes d'eau utilisées par les pompiers font chavirer le navire sous l'effet de la marée. Après la guerre, la France refuse de récupérer la carcasse ravagée. La coque, réduite à l'état d'épave, est alors démolie jusqu’en octobre 1947.


Bien que sa carrière ait été courte, le ''Normandie'' laisse une profonde empreinte dans les mentalités à travers le monde. C'est en effet le seul paquebot français à avoir remporté le [[Ruban bleu]]. Ses installations luxueuses ont également été réputées à l'époque, et font qu'il est souvent considéré comme le plus beau des paquebots jamais construits. Il apparaît dans plusieurs films, et ses éléments décoratifs, sauvés avant le naufrage, ont été répartis dans plusieurs musées et collections particulières à travers le monde.
Malgré la brièveté de sa carrière (4 ans), le ''Normandie'' laisse une empreinte profonde dans la mémoire universelle. Il est considéré comme le paquebot le plus réussi de l'histoire. Ses installations, particulièrement somptueuses, lui permettent d'être encore considéré comme le plus beau et le plus luxueux paquebot jamais construit. Véritable symbole du savoir-faire et de l'art de vivre national, son histoire est intimement liée à celle de la [[France]] des [[années 1930]]. Apparaissant dans plusieurs films, le ''Normandie'' installe une image de modernité et de puissance durablement associée à son époque. Ses éléments décoratifs, démontés et débarqués avant les travaux de transformation, ont été répartis dans plusieurs musées et collections particulières à travers le monde.


== Histoire ==
== Histoire ==
=== Conception et construction ===
=== Conception et construction ===
==== Naissance du projet ====
==== Naissance du projet ====
[[Fichier:Paquebot IDF.jpg|thumb|left|Le succès de l’''Île-de-France'', fleuron de la compagnie, est à l'origine du projet de construction du ''Normandie''.]]
[[Fichier:Paquebot IDF.jpg|vignette|left|Le succès de l’''Île-de-France'', fleuron de la compagnie, est à l'origine du projet de construction de ''Normandie''.]]
En 1912, lorsque la [[Compagnie générale transatlantique]] (C.G.T.) lance le ''[[France (paquebot de 1912)|France]]'', elle signe avec l'État une convention prévoyant la mise en service de trois autres navires d'ici 1932. C'est sans compter sur la [[Première Guerre mondiale]] qui retarde sérieusement ces plans. Le deuxième navire, le ''[[Paris (paquebot)|Paris]]'', n'arrive en service qu'en 1921 et le troisième, l’''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'' en 1927. Le ''Normandie'' est donc conçu, bien qu'en retard, dans la continuité de ce programme<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=14}}</ref>. La fin des années 1920 voit par ailleurs la marine britannique céder du terrain face à l'[[Allemagne]] qui se relève de la guerre avec le ''[[SS Bremen (1929)|Bremen]]'' et le ''[[SS Europa (1930)|Europa]]'' qui remportent le [[Ruban bleu]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=20}}</ref>.
En 1912, lorsque la [[Compagnie générale transatlantique]] (''C.G.T.'' ou ''Transat'') lance le ''[[France (paquebot de 1912)|France]]'', elle signe avec l'État une convention prévoyant la mise en service de trois autres navires d'ici 1932. C'est sans compter la [[Première Guerre mondiale]] qui retarde sérieusement ces plans. Le deuxième navire, le ''[[Paris (paquebot)|Paris]]'', n'entre en service qu'en 1921 et le troisième, l’''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'' en 1927. Le ''Normandie'' est donc conçu, bien qu'en retard, dans la continuité de ce programme<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=14}}.</ref>. La fin des années 1920 voit par ailleurs la marine britannique céder du terrain face à l'[[République de Weimar|Allemagne]] qui se relève de la guerre avec le ''[[SS Bremen|Bremen]]'' et l{{'}}''[[SS Europa|Europa]]'' qui remportent le [[Ruban bleu]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=20}}.</ref>.


La C.G.T. termine l'année 1928 sur un bilan très positif, l’''Île-de-France'' est un paquebot très populaire et les bénéfices sont au rendez-vous. Suivant l'exemple des compagnies britanniques [[White Star Line|White Star]] et [[Cunard Line]] qui projettent de construire deux grands navires<ref group="Note">Celui de la White Star, l’''[[Oceanic (Navire non réalisé)|Oceanic]]'' voit sa construction cesser rapidement, avant que la White Star et la Cunard ne fusionnent pour construire le ''[[RMS Queen Mary|Queen Mary]]''.</ref> pour renouveler leur flotte, le président de la Transat, John Dal Piaz, envisage la construction d'un nouveau navire à la fois grand et rapide<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=25}}</ref>. Aux aspects économiques s'ajoute un motif symbolique : la construction de ce navire doit perpétuer l'image d'une France victorieuse et audacieuse dans un contexte de crise<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=26 - 27}}</ref>.
La C.G.T. termine l'année 1928 sur un bilan très positif : l{{'}}''Île-de-France'' est un paquebot très populaire et les bénéfices sont au rendez-vous. Suivant l'exemple des compagnies britanniques [[White Star Line|White Star]] et [[Cunard Line]] qui projettent de construire deux grands navires<ref group="Note">Celui de la White Star, l’''[[Oceanic (navire inachevé)|Oceanic]]'' voit sa construction cesser rapidement, avant que la White Star et la Cunard ne fusionnent pour construire le ''[[Queen Mary]]''.</ref> pour renouveler leur flotte, le président de la ''Transat'', [[John Dal Piaz]], envisage la construction d'un nouveau navire à la fois grand et rapide<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=25}}.</ref>. Aux aspects économiques s'ajoute un motif symbolique : la construction de ce navire doit perpétuer l'image d'une France victorieuse et audacieuse dans un contexte de crise<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=26 - 27}}.</ref>.


Le projet se concrétise rapidement : dès 1929, les [[chantiers de Penhoët]], à [[Saint-Nazaire]], entament des travaux pour permettre de construire ce qui apparaît alors comme un « super ''Île-de-France'' »<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=32}}</ref>. Dans le même temps, des études sont menées pour établir le profil du nouveau paquebot : il doit être rapide afin de faire des traversées plus souvent, et donc d'être plus rentable, et pouvoir transporter plus de passagers que les autres navires de la compagnie, ce qui implique une taille imposante<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=33 - 34}}</ref>. La coque est conçue par le Russe [[Vladimir Yourkevitch]], au grand dam des Français qui tentent de minimiser son rôle<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=49}}</ref>. Des essais en bassin ont lieu en 1929 et 1930, et l'avis des chantiers allemands [[Blohm & Voss]] (constructeurs du ''Europa'') est sollicité<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=38 - 39}}</ref>. Le 29 octobre 1930, la C.G.T. passe commande du navire aux chantiers pour un prix de 700 millions de francs<ref name=FO44>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=44}}</ref>. Cependant, la véritable lettre de commande n'est signée que le 6 avril 1932, bien après le début de la construction<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=44}}</ref>.
Le projet se concrétise rapidement : dès 1929, les [[chantiers de Penhoët]], à [[Saint-Nazaire]], entament des travaux d'aménagement du site pour permettre de construire ce qui apparaît alors comme un « super ''Île-de-France'' »<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=32}}.</ref>. Dans le même temps, des études sont menées pour établir le profil du nouveau paquebot : il doit être rapide pour effectuer un maximum de traversées et donc être plus rentable. Il doit aussi pouvoir transporter plus de passagers que les autres navires de la compagnie, ce qui implique une taille imposante<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=33 - 34}}.</ref>. La coque est conçue par le Russe [[Vladimir Yourkevitch]], au grand dam des ingénieurs français qui tentent de minimiser son rôle<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=49}}.</ref>. Des essais en bassin avec une maquette ont lieu en 1929 et 1930, et l'avis des chantiers allemands [[Blohm & Voss]] (constructeurs de l{{'}}''Europa'') est sollicité<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=38 - 39}}.</ref>. Le {{date|29 octobre 1930}}, la C.G.T. passe commande du navire aux chantiers pour un prix de {{unité|700|millions}} de francs<ref name=FO44>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=44}}.</ref>. Cependant, la véritable lettre de commande n'est signée que le {{date|6 avril 1932}}, bien après le début de la construction<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=44}}.</ref>.


==== Une construction difficile ====
==== Une construction difficile ====
[[Fichier:Postcard Oceanic III.jpg|thumb|Comme pour l’''[[Oceanic (Navire non réalisé)|Oceanic]]'' de la White Star Line, la construction du ''Normandie'' a failli cesser à cause de la crise économique.|alt=Carte postale en couleurs représentant un grand paquebot aux trois cheminées tassées : l’''Oceanic'']]
[[Fichier:Postcard Oceanic III.jpg|vignette|Comme pour l’''[[Oceanic (navire inachevé)|Oceanic]]'' de la White Star Line, la construction du ''Normandie'' a failli cesser à cause de la crise économique.|alt=Carte postale en couleurs représentant un grand paquebot aux trois cheminées tassées : l’''Oceanic'']]
Les travaux débutent le 26 janvier 1931 dans les [[chantiers de Penhoët]] à [[Saint-Nazaire]] en présence d'invités de marque<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=45}}</ref>. Le projet porte alors le nom de {{citation|T6}} donné par les constructeurs<ref name=FO44/>. Dans le même temps, les chantiers se dotent d'une [[Forme de radoub|cale sèche]], la [[forme Joubert]], de taille suffisante pour accueillir la coque lorsqu'elle sera terminée<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=46}}</ref>. La [[Compagnie générale transatlantique]] connaît cependant avec la [[Grande Dépression|crise de 1929]] de graves difficultés financières. À partir de 1930, elle doit faire appel à l'État par le biais d'emprunts, puis se retrouve finalement sous sa tutelle à partir du 22 juin 1931<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=45}}</ref>. Ainsi, la construction du paquebot peut se poursuivre. À plusieurs reprises, il est question de l'interrompre : la [[White Star Line]] et la [[Cunard Line|Cunard]] ont déjà fait de même avec leurs ''[[Oceanic (Navire non réalisé)|Oceanic]]'' et ''[[Queen Mary]]''. Cependant, l'administrateur directeur général de la Transat, Henri Cangardel, s'échine à mettre en valeur les avantages que le navire pourrait apporter à la [[France]], et parvient à maintenir le projet sur les rails<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=48}}</ref>.
Les travaux débutent le {{date|26 janvier 1931}} dans les [[chantiers de Penhoët]] à [[Saint-Nazaire]] en présence d'invités de marque<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=45}}.</ref>. Le projet porte alors le nom de {{citation|T6}} donné par les constructeurs<ref name=FO44/>. Dans le même temps, les chantiers se dotent d'une [[Forme de radoub|cale sèche]], la [[forme Joubert]], de taille suffisante pour accueillir la coque lorsqu'elle sera terminée<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=46}}.</ref>. La [[Compagnie générale transatlantique]] connaît cependant avec la [[Grande Dépression|crise de 1929]] de graves difficultés financières. À partir de 1930, elle doit faire appel à l'État par le biais d'emprunts, puis se retrouve finalement sous sa tutelle à partir du {{date|22 juin 1931}}<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=45}}.</ref>. Ainsi, la construction du paquebot peut se poursuivre. À plusieurs reprises, il est question de l'interrompre : la [[White Star Line]] et la [[Cunard Line|Cunard]] ont déjà fait de même avec leurs ''[[Oceanic (navire inachevé)|Oceanic]]'' et ''[[Queen Mary]]''. Cependant, l'administrateur directeur général de la Transat, [[Henri Cangardel]], et son président, [[Marcel Olivier]], s'échinent à mettre en valeur les avantages que le navire pourrait apporter à la [[France]], et parvient à maintenir le projet sur les rails<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=48}}.</ref>.


[[Fichier:Marguerite Lebrun-1-.jpg|thumb|left|upright=0.7|Marguerite Lebrun, marraine du ''Normandie'', l'a baptisé lors de son lancement le 29 octobre 1932.|alt=photographie de Marguerite Lebrun dans les années 1930]]
[[Fichier:Marguerite Lebrun-1-.jpg|vignette|left|upright=0.7|Marguerite Lebrun, [[Liste des épouses des présidents de la République française|épouse du président de la République]], a été la marraine de ''Normandie'' baptisé lors de son lancement le 29 octobre 1932.|alt=photographie de Marguerite Lebrun dans les années 1930]]
En avril 1932, la commande est confirmée, affirmant la volonté des constructeurs de voir leur navire achevé<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=50}}</ref>. C'est à cette période que la Transat s'interroge finalement sur le nom à donner à son vaisseau amiral. L'appellation ''Président Paul-Doumer'' est proposée par le ministre de la Marine Marchande en hommage à [[Paul Doumer]], [[Président de la République]] assassiné la même année. Cependant, Henri Cangardel et d'autres responsables de la compagnie s'opposent à ce nom, qui, prononcé à l'anglaise, se rapproche de {{lang|en|''doomed''}} (« maudit »)<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=52}}</ref>. Le 18 octobre, le nom de ''[[Normandie]]'' est finalement choisi par le conseil d'administration sur proposition de Cangardel. Il avait déjà fait ses preuves sur un navire de la fin du siècle précédent, et rappelle la tradition qu'a la compagnie de donner à ses navires le nom de provinces françaises<ref group="Note">L'article accompagnant le nom du navire a, à l'époque, fait débat dans la presse et jusqu'au sein de la compagnie. Fallait-il parler du ''Normandie'', de la ''Normandie'', de ''La Normandie'' ou de ''Normandie'' comme un nom de personne ? La compagnie choisit ce dernier cas pour sa publicité, tandis que la presse utilise les appellations à sa convenance. Parler du ''Normandie'' avec un article masculin est cependant devenu la norme avec les années.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=53}}</ref>.
En {{date|avril 1932}}, la commande est confirmée, affirmant la volonté des constructeurs de voir leur navire achevé<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=50}}.</ref>. C'est à cette période que la Transat s'interroge finalement sur le nom à donner à son ''bateau amiral''. L'appellation ''Président Paul-Doumer'' est proposée par le ministre de la Marine marchande en hommage à [[Paul Doumer]], [[président de la République]] assassiné la même année. Cependant, Henri Cangardel et d'autres responsables de la compagnie s'opposent à ce nom, qui, prononcé à l'anglaise, se rapproche de {{langue|en|''doomed''}} (« maudit »)<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=52}}.</ref>. Le {{date|18 octobre}}, le nom de ''[[Normandie]]'' est finalement choisi par le conseil d'administration sur proposition de Cangardel. Il avait déjà fait ses preuves sur un navire de la fin du siècle précédent, et rappelle la tradition qu'a la compagnie de donner à ses navires le nom de provinces françaises<ref group="Note">L'article accompagnant le nom du navire a, à l'époque, fait débat dans la presse et jusqu'au sein de la compagnie. Fallait-il parler du ''Normandie'', de la ''Normandie'', de ''La Normandie'' ou de ''Normandie'' comme un nom de personne ? La compagnie choisit ce dernier cas pour sa publicité, tandis que la presse utilise les appellations à sa convenance. Parler du ''Normandie'' avec un article masculin est cependant devenu la norme avec les années.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=53}}.</ref>.


À la même époque, la coque du paquebot est achevée. Le navire est prêt à être lancé le 29 octobre 1932, devant une foule de plus de {{formatnum:200000}} personnes<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=54}}</ref>. Le président [[Albert Lebrun]] fait un discours à la gloire de la construction navale française<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=55}}</ref>, puis son épouse [[Marguerite Lebrun|Marguerite]], marraine du navire, brise la traditionnelle bouteille de champagne sur sa coque<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=56}}</ref>. Le ''Normandie'' est ensuite mis à la mer sans encombre<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=57}}</ref>.
À la même époque, la coque du paquebot est achevée. Le navire est prêt à être lancé le {{date|29 octobre 1932}}, devant une foule de plus de {{unité|200000|personnes}}<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=54}}.</ref>. Le président [[Albert Lebrun]] prononce un discours à la gloire de la construction navale française<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=55}}.</ref>, puis son épouse [[Marguerite Lebrun|Marguerite]], marraine du navire, brise la traditionnelle bouteille de champagne sur son étrave<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=56}}.</ref>. ''Normandie'' est ensuite lancé sans problème<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=57}}.</ref>.


La construction est cependant loin d'être terminée. Le paquebot maintenant à flot doit recevoir ses équipements et aménagements, et est amené dans un bassin prévu à cet effet où il séjourne près de quarante mois<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=60}}</ref>. Le voyage inaugural du paquebot est en effet prévu pour 1934, mais un événement imprévu repousse l'échéance. ''[[L'Atlantique (paquebot)|L'Atlantique]]'', fleuron de la Compagnie Sud Atlantique s'est en effet embrasé en mer et a fait naufrage le 3 janvier 1933<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=60}}</ref>. Les officiels de la compagnie décident de faire en sorte que leur nouveau navire soit bien protégé contre le feu, et celui-ci est donc équipé de nouveaux dispositifs à cet effet. Ceci fait que la traversée inaugurale est repoussée à 1935<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=61}}</ref>. Les machines sont installées durant l'été 1933, et les cheminées et mâts sont placés l'été suivant<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=62}}</ref>. En septembre 1934, la Transat annonce que le voyage inaugural aura lieu fin mai 1935 : elle permet ainsi à son navire de bénéficier de quelques mois de tranquillité avant l'arrivée du ''Queen Mary'', dont la construction a repris au pas de course<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=63}}</ref>.
La construction est cependant loin d'être terminée. Le paquebot maintenant à flot doit recevoir ses équipements et aménagements, et est remorqué dans un bassin prévu à cet effet où il séjourne près de quarante mois<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=60}}.</ref>. Le voyage inaugural du paquebot est en effet prévu pour 1934, mais un événement imprévu repousse l'échéance. ''[[L'Atlantique (paquebot)|L'Atlantique]]'', fleuron de la Compagnie Sud Atlantique, a été victime d'un grave incendie à la mer le {{date|3 janvier 1933}}<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=60}}.</ref>et a été remorqué à l'état d'épave calcinée dans le port de Cherbourg après un duel épique entre les remorqueurs français et leurs collègues et rivaux néerlandais. Ceci vient après le drame du ''[[Georges Philippar]]'' qui a donné mauvaise presse aux navires français. Les officiels de la compagnie décident donc de faire en sorte que leur nouveau navire soit bien protégé contre le feu, et celui-ci est donc équipé de nouveaux dispositifs à cet effet. Ceci fait que la traversée inaugurale est repoussée à 1935<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=61}}.</ref>. Les machines sont installées durant l'été 1933, et les cheminées et mâts sont placés l'été suivant<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=62}}.</ref>. En {{date|septembre 1934}}, la Transat annonce que le voyage inaugural aura lieu fin {{date|mai 1935}} : elle permet ainsi à son navire de bénéficier de quelques mois de tranquillité avant l'arrivée du ''Queen Mary'', dont la construction a repris au pas de course<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=63}}.</ref>.


==== Essais en mer ====
==== Essais à la mer ====
[[Fichier:SS Normandie.jpg|thumb|Lors de ses essais, le ''Normandie'' a montré sa capacité à atteindre de grandes vitesses.|alt=Le Normandie en mer, vu du ciel.]]
[[Fichier:SS Normandie.jpg|vignette|Lors de ses essais, le ''Normandie'' a montré sa capacité à atteindre de grandes vitesses.|alt=Le Normandie en mer, vu du ciel.]]
Avec l'achèvement du navire vient le moment de lui affecter un équipage. Pour commander son tout nouveau navire, la compagnie choisit une solution originale. Elle nomme en effet commandant son homme le plus expérimenté, René Pugnet, mais comme celui-ci doit partir à la retraite l'année suivante, un second commandant est chargé de l'accompagner, Pierre Thoreux. Ce dernier doit ensuite se retrouver seul à la tête du navire à partir de 1936<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=66}}</ref>. Les travaux se finissent à un rythme soutenu pour que le navire puisse faire ses essais début mai. Les [[chantiers de Penhoët]] doivent faire face à une grève<ref group="Note">Les ouvriers craignent que la fin de la construction entraîne des licenciements dans une période de crise, ce à quoi les chantiers répondent par des augmentations de salaires.</ref>, mais réussissent à tenir les délais<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=67}}</ref>.
Avec l'achèvement du navire vient le moment de lui affecter un équipage. Pour commander son tout nouveau navire, la compagnie choisit une solution originale. Elle désigne en effet son capitaine au long cours le plus expérimenté, [[René Pugnet]], mais comme celui-ci doit partir à la retraite l'année suivante, un commandant adjoint, [[Commandant Pierre-Louis Thoreux|Pierre Thoreux]] se forme à ses côtés, avant de lui succéder à la passerelle du ''Normandie''<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=66}}.</ref>. Les travaux se finissent à un rythme soutenu pour que le navire puisse effectuer ses essais début mai. Les [[chantiers de Penhoët]] doivent faire face à une grève<ref group="Note">Les ouvriers craignent que la fin de la construction entraîne des licenciements dans une période de crise, ce à quoi les chantiers répondent par des augmentations de salaires.</ref>, mais réussissent à tenir les délais<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=67}}.</ref>.


Comme de coutume au sein des chantiers de Penhoët, deux sessions d'essais en mer sont prévues pour évaluer les performances du navire. Cependant, les retards dans la construction s'accumulent, et il est impossible de repousser le voyage inaugural. Les chantiers prennent donc la décision de réunir en une seule les deux sessions. Par ailleurs, le paquebot partira ensuite directement pour [[Le Havre]] sans repasser à [[Saint-Nazaire]] comme c'était prévu. Enfin, une décision choque : des journalistes seront présents à bord durant les essais, au grand dam du personnel<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=108}}</ref>.
Comme de coutume au sein des chantiers de Penhoët, deux périodes d'essais à la mer sont prévues pour évaluer les performances du navire. Cependant, les retards dans la construction s'accumulent, et il est impossible de repousser le voyage inaugural. Les chantiers prennent donc la décision de réunir en une seule les deux périodes. Par ailleurs, le paquebot partira ensuite directement pour [[Le Havre]] sans repasser à [[Saint-Nazaire]] comme c'était prévu. Enfin, une décision choque : des journalistes seront présents à bord durant les essais, au grand dam de son état-major<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=108}}.</ref>.


Le 5 mai 1935, le ''Normandie'' prend la mer pour effectuer ses premiers essais sur la base des [[Archipel des Glénan|Glénan]]. Ceux-ci se déroulent jusqu'au 11. En plus des journalistes et de l'équipage, sont présents à bord des ouvriers chargés de parachever certaines installations en vue de la traversée inaugurale<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=70}}</ref>. Les essais se montrent fort concluants. La vitesse maximale, supérieure à 32 [[nœud (unité)|nœuds]], fait du navire le premier prétendant français crédible au très convoité [[Ruban bleu]]. Lancé à pleine vitesse, le ''Normandie'' effectue un arrêt d'urgence en seulement {{formatnum:1700}} mètres, soit moins de six longueurs de carène<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=110 - 111}}</ref>. Un seul problème vient noircir le tableau : exploité au maximum de ses capacités, le tiers arrière du ''Normandie'' vibre énormément. Certaines installations de troisième classe, de classe touriste et même de première sont de fait rendues inconfortables dans ces conditions<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=71}}</ref>.
Le {{date|5 mai 1935}}, le ''Normandie'' appareille pour effectuer ses premiers essais sur la base de vitesse des [[Archipel des Glénan|Glénan]]. Ceux-ci se déroulent jusqu'au 11. En plus des journalistes et de l'équipage, sont présents à bord des ouvriers chargés de terminer certaines installations en vue de la traversée inaugurale<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=70}}.</ref>. Les essais se montrent fort concluants. La vitesse de {{nb|59 km/h}} ({{unité|32|[[nœud (unité)|nœuds]]}}) est dépassée. Elle fait du ''Normandie'' le premier prétendant français crédible au très convoité [[Ruban bleu]]. En avant toute à {{nb|56 km/h}} ({{unité|30|nœuds}}),le ''Normandie'' casse son erre en seulement {{unité|1700|mètres}}, soit moins de six longueurs de coque<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=110 - 111}}.</ref>. Un seul problème vient noircir le tableau : à grande vitesse, les hélices créent des vibrations très fortes sur le tiers arrière du ''Normandie''. Certaines installations de troisième classe, de classe touriste et même de première sont de fait rendues inconfortables dans ces conditions<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=71}}.</ref>.

Un événement satisfait particulièrement les dirigeants de la compagnie : lors du passage du [[raz de Sein]], le commandant tente un virage très serré : le paquebot s'incline fortement, mais reprend rapidement son horizontale sans plus de dégâts qu'un peu de vaisselle brisée, témoignant de sa grande stabilité<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=73}}</ref>. Le ''Normandie'' arrive dans le port du Havre le 11 mai au soir. Le commandant Pugnet se permet même l'audace de le faire rentrer sans [[remorqueur]]s<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=113}}</ref>. Le port a par ailleurs fait l'objet de travaux depuis 1931, afin de pouvoir accueillir le nouveau navire de la Transat<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=74}}</ref>.


=== Une courte mais emblématique carrière commerciale ===
=== Une courte mais emblématique carrière commerciale ===
==== Une traversée inaugurale couronnée de succès ====
==== Une traversée inaugurale couronnée de succès ====
[[Fichier:Albert Lebrun 1937.jpg|thumb|left|upright=0.7|Quelques jours avant le départ, le Président [[Albert Lebrun]] préside un dîner de gala à bord du ''Normandie''.|alt=Albert Lebrun en 1937]]
[[Fichier:Albert Lebrun 1937.jpg|vignette|left|upright=0.7|Quelques jours avant le départ, le Président [[Albert Lebrun]] préside un dîner de gala à bord de ''Normandie''.|alt=Albert Lebrun en 1937]]
[[File:Inauguration du 'Normandie' par Lebrun-2.jpg|vignette|Inauguration de ''Normandie'' le 27 mai 1935 - Gallica, BnF.]]
Quelques jours après son arrivée au Havre, le ''Normandie'' est victime d'une grève des équipages des paquebots de la [[Compagnie générale transatlantique]], fortement condamnée par le gouvernement qui parvient finalement à négocier un retour au travail<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=115}}</ref>. Le 23 mai est organisé à bord du paquebot un dîner d'apparat d'un millier de convives avec en invité d'honneur le Président [[Albert Lebrun|Lebrun]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=79 - 80}}</ref>. Après les festivités qui se poursuivent dans les salons de première classe, les invités de marque sont hébergés dans certaines des cabines — parfois inachevées — du navire, les autres dormant à bord du ''[[Paris (paquebot)|Paris]]''. Albert Lebrun modifie pour sa part son programme et demande à dormir dans un des appartements de luxe du ''Normandie'' plutôt qu'à l'hôtel où il devait rejoindre son épouse<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=82}}</ref>. Les festivités n'en sont pas pour autant terminées : dans les jours qui suivent, les journalistes continuent à visiter le navire, et une soirée de charité est organisée. Le 27 mai, le [[Jean Verdier (archevêque)|cardinal Verdier]] et [[André du Bois de La Villerabel|monseigneur de La Villerabel]] consacrent la chapelle du navire<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=83}}</ref>.
Quelques jours après son arrivée au Havre,le ''Normandie'' est victime d'une grève des équipages des paquebots de la [[Compagnie générale transatlantique]], fortement condamnée par le gouvernement qui parvient finalement à négocier un retour au travail<ref name="John Maxtone-Graham">{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=115}}.</ref>. Le {{date|23 mai}} est organisé à bord du paquebot un dîner d'apparat d'un millier de convives avec en invité d'honneur le Président [[Albert Lebrun|Lebrun]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=79 - 80}}.</ref>. Après les festivités qui se poursuivent dans les salons de première classe, les invités de marque sont hébergés dans certaines des cabines — parfois inachevées — du navire, les autres dormant à bord du ''[[Paris (paquebot)|Paris]]''. Albert Lebrun modifie pour sa part son programme et demande à dormir dans un des appartements de luxe du navire plutôt qu'à l'hôtel où il devait rejoindre son épouse<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=82}}.</ref>. Les festivités n'en sont pas pour autant terminées : dans les jours qui suivent, les journalistes continuent à visiter le navire, et une soirée de charité est organisée. Le {{date|27 mai}}, le [[Jean Verdier (cardinal)|cardinal Verdier]] et [[André du Bois de La Villerabel|André de la Villerabel]] consacrent la chapelle du navire<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=83}}.</ref>.
[[Fichier:Cachet Daguin flamme à droite pour inauguration Normandie.jpg|vignette|Cachet postal pour la croisière inaugurale de ''Normandie''.]]
Le mercredi {{date|29 mai 1935}}, jour du départ, c'est la panique : une panne électrique frappe le navire, faisant craindre au directeur général de la compagnie, [[Henri Cangardel]], une opération de sabotage. Il n'en est rien, cependant : le problème, dû à une entrée d'eau, est rapidement résolu<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=111}}.</ref>. Vers {{heure|18|30}}, le ''Normandie'' appareille devant une foule immense. À bord, on dénombre un peu plus de {{unité|1000|passagers}}, en tête desquels se trouve [[Marguerite Lebrun]], épouse du président et marraine du navire, accompagnée de sa fille et de sa belle-fille<ref name="John Maxtone-Graham" />. Ce ne sont pas les seuls hôtes de marque du paquebot : nombre de personnalités participent à cette traversée. On y trouve ainsi les écrivains [[Colette]] et [[Blaise Cendrars]], [[Pierre Dumas (homme politique, 1891-1968)|Pierre Dumas]] reporter pour ''[[L'Ouest-Éclair|L'Ouest-éclair]]'', l'actrice [[Valentine Tessier]], les duettistes [[Pills et Tabet]], plusieurs nobles, ministres et sénateurs, deux [[Académie française|académiciens français]] et le maharajah de [[Kapurthala]]<ref>{{fr}} [http://www.frenchlines.com/passager_liste_16_normandie-1935_fr.php « Liste de passagers du paquebot ''Normandie'' ; 29 mai 1935, Le Havre - Southampton - New York »], ''French Lines''. Consulté le 11 janvier 2011.</ref>. Enfin, les milieux maritimes ne sont pas en reste puisque les officiels de la C.G.T. et des chantiers de Penhoët sont présents, de même que le président de la [[Italian Line|Navigazione generale italiana]], Antonio Cosulich<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=112}}.</ref>.


[[Fichier:SS Normandie Maiden Voyage NY arrival.jpg|vignette|''Normandie'' arrive à New York à la fin de sa première traversée.|alt=Le Normandie passe devant Ellis Island]]
Le mercredi 29 mai 1935, jour du départ, c'est la panique : une panne électrique frappe le navire, faisant craindre au directeur général de la compagnie, Henri Cangardel, une opération de sabotage. Il n'en est rien, cependant : le problème, dû à une entrée d'eau, est rapidement résolu<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=111}}</ref>. Vers {{nobr|18 h 30}}, le ''Normandie'' appareille devant une foule immense. À bord, on dénombre un peu plus de {{formatnum:1000}} passagers, en tête desquels se trouve [[Marguerite Lebrun]], épouse du président et marraine du navire, accompagnée de sa fille et de sa belle-fille<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=115}}</ref>. Ce ne sont pas les seuls hôtes de marque du paquebot : nombre de personnalités participent à cette traversée. On y trouve ainsi l'écrivaine [[Colette]], l'actrice [[Valentine Tessier]], les duettistes [[Pills et Tabet]], plusieurs nobles, ministres et sénateurs, deux [[Académie française|académiciens français]] et le Maharajah de [[Kapurthala]]<ref>{{fr}} [http://www.frenchlines.com/passager_liste_16_normandie-1935_fr.php « Liste de passagers du paquebot Normandie ; 29 mai 1935, Le Havre - Southampton - New York »], ''French Lines''. Consulté le 11 janvier 2011</ref>. Enfin, les milieux maritimes ne sont pas en reste puisque les officiels de la C.G.T. et des chantiers de Penhoët sont présents, de même que le président de la [[Italian Line|Navigazione Generale Italiana]], Antonio Cosulich<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=112}}</ref>.
Après une escale à [[Southampton]], le ''Normandie'' franchit [[Bishop Rock|Bishop rock]] dans la matinée du 30. C'est le repère officiel de départ pour l'attribution du [[Ruban bleu]]. Cette récompense qui est remise au navire ayant traversé l'Atlantique le plus rapidement est détenue alors par le paquebot italien ''[[Rex (paquebot)|Rex]]''. Si les officiels de la Transat refusent jusqu'au dernier moment de se prononcer sur leurs attentes quant à cette récompense, les pronostics vont bon train parmi les passagers pour savoir si le record sera battu<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=127}}.</ref>. Une avarie sur un condenseur survenue deux jours après le départ force l'équipage à stopper l'un des moteurs ; le paquebot conserve cependant une vitesse moyenne de 52 km/h ({{unité|28|[[nœud (unité)|nœuds]]}}) et, une fois le problème réglé, réussit à repasser au-dessus des 56 (30)<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=115}}.</ref>. Les passagers sont bien loin de ces préoccupations et se voient proposer nombre de divertissements. Le 30 au soir, une première mondiale de ''[[Pasteur (film, 1935)|Pasteur]]'', de [[Sacha Guitry]] est organisée. Le lendemain, le café-grill est inauguré par Madame Lebrun dans une ambiance festive en dépit des fortes vibrations dans cette partie du navire<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=129}}.</ref>.


Le [[Ruban bleu]] reste pour la compagnie un sujet tabou jusqu'au dernier jour : le commandant Pugnet se voit même ordonner de ralentir, pour ne pas dépasser le [[bateau-phare]] d'Ambrose (repère d'arrivée) avant {{heure|11|30}} le {{date|3 juin}}. Il n'en fait rien, et le navire arrive une demi-heure plus tôt. Avec une vitesse moyenne de 55.45 km/h ({{unité|29,94|nœuds}}) et une traversée effectuée en quatre jours, trois heures et deux minutes,le ''Normandie'' [[Ruban bleu#Les détenteurs du trophée est-ouest|bat le record du ''Rex'' de dix heures]]. Il devient le premier paquebot français à remporter le Ruban bleu, et est le seul à avoir jamais reçu cette distinction<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=130}}.</ref>. [[New York]] est en ébullition et les médias retransmettent la nouvelle tandis que les dîners de gala se succèdent<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=118 - 119}}.</ref>. Le paquebot s'amarre au quai ''Pier 88'', qui a été agrandi pour lui permettre de s'accoster<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=133}}.</ref>.
[[Fichier:SS Normandie Maiden Voyage NY arrival.jpg|thumb|Le ''Normandie'' arrive à New York à la fin de sa première traversée.|alt=Le Normandie passe devant Ellis Island]]
Après une escale à [[Southampton]], le ''Normandie'' passe dans la matinée du 30 Bishop Rock, repère officiel de départ pour l'attribution du [[Ruban bleu]]. Cette récompense qui est remise au navire ayant traversé l'Atlantique le plus rapidement est détenue alors par le paquebot italien ''[[Rex (paquebot)|Rex]]''. Si les officiels de la Transat refusent jusqu'au dernier moment de se prononcer sur leurs attentes quant à cette récompense, les pronostics vont bon train parmi les passagers pour savoir si le record sera battu<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=127}}</ref>. Une avarie sur un condenseur survenue deux jours après le départ force l'équipage à stopper l'un des moteurs ; le paquebot conserve cependant une vitesse moyenne de 28 [[nœud (unité)|nœuds]] et, une fois le problème réglé, réussit à repasser au-dessus des 30<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=115}}</ref>. Les passagers sont bien loin de ces préoccupations et se voient proposer nombre de divertissements. Le 30 au soir, une première mondiale de ''[[Pasteur (film, 1935)|Pasteur]]'', de [[Sacha Guitry]] est organisée. Le lendemain, le Café-Grill est inauguré par Madame Lebrun dans une ambiance festive en dépit des fortes vibrations dans cette partie du navire<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=129}}</ref>.


==== Modernisation de 1935 - 1936 ====
Le Ruban bleu reste pour la compagnie un sujet tabou jusqu'au dernier jour : le commandant Pugnet se voit même ordonner de ralentir, pour ne pas dépasser le vaisseau feu d'Ambrose (repère d'arrivée) avant {{nobr|11 h 30}} le 3 juin. Il n'en fait rien, et le navire arrive une demi-heure plus tôt. Avec une vitesse moyenne de 29,94 nœuds, le ''Normandie'' bat le record du ''Rex'' de 10 heures. Il devient le premier paquebot français à remporter le Ruban bleu, et est le seul à avoir jamais reçu cette distinction<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=130}}</ref>. [[New York]] est en ébullition et les médias retransmettent la nouvelle tandis que les dîners de gala s'enchaînent<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=118 - 119}}</ref>. Le quai où le paquebot s'amarre, le ''Pier 88'', a lui aussi été agrandi pour accueillir le paquebot<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=133}}</ref>.
[[Fichier:RMS Queen Mary at Long Beach Harbor.jpg|vignette|left|La modernisation de 1936 a permis au ''Normandie'' de se maintenir à niveau face à l'arrivée imminente du ''[[Queen Mary]]'' (ci-dessus) sur le marché.]]
Après sa traversée inaugurale,le ''Normandie'' fait encore {{unité|8|allers-retours}} entre Le Havre et New York. Le {{date|28 octobre 1935}}, la saison s'achève<ref name=FO122>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=122}}.</ref>. Pour instaurer un roulement, la [[Compagnie générale transatlantique|Transat]] avait un temps envisagé de construire à son paquebot phare un ''[[sister-ship]]'' nommé ''Bretagne'' : ses autres navires ne sont en effet pas capables d'atteindre des vitesses aussi élevées, créant un déséquilibre. Cependant, ce projet ne voit jamais le jour. En revanche, de grandes modifications sont prévues pour le ''Normandie'' dès son premier hiver<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=148}}.</ref>. Celles-ci ont avant tout pour but d'éliminer le problème des vibrations dans le tiers arrière. Ce problème est en effet loin d'être mineur car il endommage les tuyauteries et systèmes électriques du navire, et empêche les passagers de dormir. Après expérimentations, il est déterminé que le problème est dû aux hélices à trois pales du navire. Celles-ci sont remplacées par des hélices à quatre pales dont les mouvements se révèlent plus fluides dans l'eau<ref name=FO122/>.


D'autres modifications plus structurelles sont faites. La première concerne le salon des touristes : le précédent, au centre du navire, n'avait pas de [[sabord]]s. Un nouveau est donc construit sur une esplanade à l'arrière du grill, qui était jusque-là destinée aux passagers de première. La modification a un but double : ceci permet d'améliorer la qualité de vie de la classe touriste pour mieux concurrencer le ''[[Queen Mary]]'' sur le point d'entrer en service, et ces changements font passer la jauge du ''Normandie'' de {{unité|79000|à=82000|[[jauge brute|tjb]]}} : il dépasse ainsi son futur concurrent britannique et reste jusqu'à 1940 le [[Liste des plus gros paquebots|plus gros paquebot jamais construit]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=124 - 125}}.</ref>. D'autres installations sont modifiées, avec la création d'une chapelle pour la classe touriste et d'une [[synagogue]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=126}}.</ref>. La forme de la passerelle de navigation est également modifiée, les ailerons de manœuvre courbes laissant place à des ailerons rectilignes<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=158}}.</ref>.
==== Refonte de 1935 - 1936 ====
[[Fichier:RMS Queen Mary at Long Beach Harbor.jpg|thumb|left|La refonte de 1936 a permis au ''Normandie'' de se maintenir à niveau face à l'arrivée imminente du ''[[Queen Mary]]'' sur le marché.]]
Après sa traversée inaugurale, le ''Normandie'' fait encore 8 allers-retours entre Le Havre et New York. Le 28 octobre 1935, la saison s'achève<ref name=FO122>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=122}}</ref>. Pour instaurer un roulement, la [[Compagnie générale transatlantique|Transat]] avait un temps envisagé de construire à son paquebot phare un ''[[sister-ship]]'' nommé ''Bretagne'' : ses autres navires ne sont en effet pas capables d'atteindre des vitesses aussi élevées, créant un déséquilibre. Cependant, ce projet ne voit jamais le jour. En revanche, de grandes modifications sont prévues pour le ''Normandie'' dès son premier hiver<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=148}}</ref>. Celles-ci ont avant tout pour but d'éliminer le problème des vibrations dans le tiers arrière. Ce problème est en effet loin d'être mineur car il endommage les tuyauteries et systèmes électriques du navire, et empêche les passagers de dormir. Après expérimentations, il est déterminé que le problème est dû aux hélices à trois pales du navire. Celles-ci sont remplacées par des hélices à quatre pales dont les mouvements se révèlent plus fluides dans l'eau<ref name=FO122/>.


Les changements prennent du temps : les nouvelles hélices n'arrivent en effet qu'en {{date|avril 1936}}. Elles remplissent très bien leur rôle cependant : à {{nb|56 km/h}} ({{nb|30 nœuds}}), le navire ne vibre plus<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=161}}.</ref>. Le {{date|5 mai}}, le ''Normandie'' est prêt à reprendre du service, lorsqu'une étrange nouvelle est rapportée au commandant : une des hélices bâbord a disparu. Aucune hélice à quatre pales n'est disponible pour la remplacer sur le moment, et la traversée ne peut être annulée. L'hélice et sa symétrique sont remplacées par des trois pales. La traversée a lieu, mais est à nouveau marquée par les vibrations. Le problème est réglé dès la traversée suivante, le {{date|20 mai}}<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=127}}.</ref>.
D'autres modifications plus structurelles sont faites. La première concerne le salon des touristes : le précédent, au cœur du navire, n'avait pas de fenêtres. Un nouveau est donc construit sur une esplanade à l'arrière du grill, qui était jusque là destinée aux passagers de première. La modification a un but double : ceci permet d'améliorer la qualité de vie de la classe touriste pour mieux concurrencer le ''[[Queen Mary]]'' sur le point d'entrer en service, et ces changements font passer le tonnage du ''Normandie'' de {{formatnum:79000}} à {{formatnum:82000}} [[jauge brute|tjb]] : il dépasse ainsi son futur concurrent britannique et reste jusqu'à 1940 le [[Liste des plus gros paquebots|plus gros paquebot jamais construit]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=124 - 125}}</ref>. D'autres installations sont modifiées, avec la création d'une chapelle pour la classe touriste et d'une [[synagogue]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=126}}</ref>. La forme de la passerelle de navigation est également modifiée, les ailerons de manœuvre courbes laissant place à des ailerons rectilignes<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=158}}</ref>.


==== Une carrière brève et triomphale ====
Les changements prennent du temps : les nouvelles hélices n'arrivent en effet qu'en avril 1936. Elles remplissent très bien leur rôle cependant : à trente nœuds, le navire reste très stable par rapport à sa première saison<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=161}}</ref>. Le 5 mai, le ''Normandie'' est prêt à reprendre du service, lorsqu'une étrange nouvelle est rapportée au commandant : une des hélices bâbord a disparu. Aucune hélice à quatre pales n'est disponible pour la remplacer sur le moment, et la traversée ne peut être annulée. L'hélice et sa symétrique sont remplacées par des trois pales. La traversée a lieu, mais est à nouveau marquée par les vibrations. Le problème est réglé dès la traversée suivante, le 20 mai<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=127}}</ref>.
[[Fichier:SS Normandie in NYC Harbor at Pier.jpg|vignette|''Normandie'' à quai dans le port de New York.|alt=Le flanc bâbord du Normandie vu du quai]]
'''La saison 1936'''


La saison 1936 débute avec l'arrivée d'un concurrent de taille :le ''{{langue|en|[[Queen Mary]]}}'', qui entre en service. Celui-ci n'est pas sans défauts puisqu'il affiche les mêmes problèmes de vibrations que son rival français. Il s'impose cependant comme une valeur sûre de la [[Cunard Line|Cunard line]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=129}}.</ref>.Le ''Normandie'' traverse pour sa part {{unité|30|fois}} l'Atlantique en 1936. Lorsque l'été survient, le [[capitaine de navire|capitaine au long cours]] René Pugnet prend sa retraite, laissant le commandement à [[Commandant Pierre-Louis Thoreux|Pierre Thoreux]] pendant trois ans. Peu avant, un incident peu commun s'est produit : en juin, un avion de la [[Royal Air Force|R.A.F.]], dont le pilote est aveuglé par les fumées des cheminées du navire, s'écrase sur la plage avant. Les dégâts sont cependant minimes et le pilote s'en sort indemne<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=131}}.</ref>. Lors de sa dernière traversée de la saison, le navire affronte une tempête violente sans subir de dégâts. Cependant, une ombre obscurcit ce tableau : durant l'été, le {{langue|en|''Queen Mary''}} a remporté le [[Ruban bleu]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=132}}.</ref>.
==== Trois années de succès prometteur ====
[[Fichier:SS Normandie in NYC Harbor at Pier.jpg|thumb|Le ''Normandie'' à quai dans le port de New York.|alt=Le flanc bâbord du Normandie vu du quai]]
La saison 1936 débute avec l'arrivée d'un concurrent de taille : le ''{{lang|en|[[Queen Mary]]}}'', qui entre en service. Celui-ci n'est pas sans défauts puisqu'il affiche les mêmes problèmes de vibrations que son alter ego français. Il s'impose cependant comme une valeur sûre de la [[Cunard Line]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=129}}</ref>. Le ''Normandie'' traverse pour sa part 30 fois l'Atlantique en 1936. Lorsque l'été survient, le commandant René Pugnet prend sa retraite, laissant la place à Pierre Thoreux qui conserve sa place pendant trois ans. Peu avant, un incident peu commun s'est produit : en juin, un avion de la [[Royal Air Force|R.A.F.]], aveuglé par les fumées des cheminées du navire, s'écrase sur sa proue. Les dégâts sont cependant minimes et le pilote s'en sort indemne<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=131}}</ref>. Lors de sa dernière traversée de la saison, le navire affronte une tempête violente sans subir de dégâts. Cependant, une ombre obscurcit ce tableau : durant l'été, le {{lang|en|''Queen Mary''}} a remporté le [[Ruban bleu]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=132}}</ref>.


'''La saison 1937'''
La [[Compagnie générale transatlantique]] refuse de laisser la récompense aux mains des britanniques. Aussi le ''Normandie'' subit-il une nouvelle refonte durant l'hiver. Celle-ci touche avant tout ses machines dont la puissance est légèrement améliorée, et ses hélices : les nouvelles sont plus efficaces, et engendrent encore moins de vibrations. Lorsqu'il reprend du service en mars 1937, le ''Normandie'' reprend le Ruban bleu dès sa première traversée. Sur un plan commercial, le nombre de passagers augmente cette année là, ce qui en fait une très bonne période pour la Transat<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=133}}</ref>.


La [[Compagnie générale transatlantique]] refuse de laisser la récompense aux mains des Britanniques. Aussi le ''Normandie'' subit-il une nouvelle refonte durant l'hiver. Celle-ci touche avant tout ses machines dont la puissance est légèrement améliorée, et ses hélices<ref>Les hélices sont dessinées par l'ingénieur du génie maritime Roger Brard, dont la carrière le mènera à la direction du Bassin des carènes de Paris.</ref> : les nouvelles sont plus efficaces, et engendrent encore moins de vibrations. Lorsqu'il reprend du service en {{date|mars 1937}},le ''Normandie'' reprend le Ruban bleu dès sa première traversée. Sur un plan commercial, le nombre de passagers augmente cette année-là, ce qui en fait une très bonne période pour la Transat<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=133}}.</ref>.
[[Fichier:Paris burning.jpg|thumb|left|Le ''Paris'', ancien fleuron de la Transat, a brûlé près du bassin de radoub du ''Normandie'', l'empêchant de quitter le port du Havre.|alt=Le Paris en train de brûler]]
1938 commence par une nouvelle mise sous les projecteurs du ''Normandie''. Du 5 au 27 février, il cesse ses traversées transatlantiques pour une croisière d'agrément entre [[New York]] et [[Rio de Janeiro]]. La destination est en effet très prisée des Américains. Cette croisière est cependant aussi un véritable défi : elle implique une traversée plus longue et donc des problèmes d'approvisionnement en carburant, mais aussi en linge propre (des navires spéciaux sont affrétés pour porter du linge au paquebot)<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=200}}</ref>. La croisière est un franc succès puisque la totalité des cabines de classe Cabine (ancienne Première classe) et une partie des cabines de classe Touriste sont occupées<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=201}}</ref>. On compte ainsi un millier de passagers : un record pour une croisière à l'époque. L'engouement médiatique est également très fort<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=137}}</ref>. À Rio, le ''Normandie'', ouvert aux visiteurs, est envahi par des foules immenses au grand dam des passagers<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=140}}</ref>.


'''La saison 1938'''
L'année 1938 voit également la 100{{e}} traversée du ''Normandie'', qui perd également peu après définitivement le Ruban bleu face au {{lang|en|''Queen Mary''}}<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=146}}</ref>. Le service du paquebot français n'est troublé que par un important mouvement de grève en fin d'année, dans un contexte international qui se tend pourtant de plus en plus<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=147}}</ref>. En avril 1939, le navire part au Havre pour son entretien annuel. La guerre semble proche : les canots de sauvetage sont peints de couleurs vives pour être vus plus facilement en cas d'acte de guerre. Des craintes d'attentat sont également à l'ordre du jour<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=151}}</ref>. C'est alors que survient un drame pour la Transat : le ''[[Paris (paquebot)|Paris]]'', stationné non loin, s'embrase et chavire le 18 avril. Il faut en découper les mâts pour que le ''Normandie'' puisse quitter son [[Forme de radoub|bassin de radoub]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=153}}</ref>. À la même époque, Pierre Thoreux quitte le commandement pour un poste logistique dans le port du Havre : ce choix n'est pas de son fait, mais sa longévité sur le navire amiral de la compagnie empêchait les autres commandants de recevoir de l'avancement. Son successeur est Étienne Payen de La Garanderie, qui est sur le point de devenir le dernier commandant du ''Normandie'' en service transatlantique<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=156}}</ref>.


1938 commence par une nouvelle mise sous les projecteurs du ''Normandie''. Du 5 au {{date|27 février}}, il cesse ses traversées transatlantiques pour une croisière d'agrément entre [[New York]] et [[Rio de Janeiro]]. La destination est en effet très prisée des Américains. Cette croisière est cependant aussi un véritable défi : elle implique une traversée plus longue et donc des problèmes d'approvisionnement en combustible, mais aussi en linge propre (des navires spéciaux sont affrétés pour porter du linge au paquebot)<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=200}}.</ref>. La croisière est un franc succès puisque la totalité des cabines de classe cabine (ancienne première classe) et une partie des cabines de classe touriste sont occupées<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=201}}.</ref>. On compte ainsi un millier de passagers : un record pour une croisière à l'époque. L'engouement médiatique est également très fort<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=137}}.</ref>. À Rio,le ''Normandie'', ouvert aux visiteurs, est envahi par des foules immenses au grand dam des passagers<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=140}}.</ref>.
=== Deuxième Guerre mondiale et destruction ===

L'année 1938 voit également la {{100e|traversée}} du ''Normandie'', qui perd également peu après définitivement le Ruban bleu face au {{langue|en|''Queen Mary''}}<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=146}}.</ref>. Le service du paquebot français n'est troublé que par un important mouvement de grève en fin d'année, dans un contexte international qui se tend pourtant de plus en plus<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=147}}.</ref>.

'''La saison 1939'''

En {{date|février 1939}},le ''Normandie'' effectue une seconde croisière New-York - Rio de Janeiro. Elle rencontre un important écho médiatique et déclenche d’importantes réceptions officielles au Brésil.

En {{date|avril 1939}}, le navire part au Havre pour son entretien annuel. La guerre semble proche : les canots de sauvetage sont peints de couleurs vives pour être vus plus facilement en cas d'acte de guerre. Des craintes d'attentat sont également à l'ordre du jour<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=151}}.</ref>. C'est alors que survient un drame pour la Transat : le ''[[Paris (paquebot)|Paris]]'', accosté non loin, s'embrase et chavire le {{date|18 avril}}. Il faut en découper les mâts pour que le ''Normandie'' puisse quitter son [[Forme de radoub|bassin de radoub]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=153}}.</ref>. À la même époque, Pierre Thoreux quitte le commandement pour un poste logistique dans le port du Havre : ce choix n'est pas de son fait, mais sa longévité sur le navire amiral de la compagnie empêchait les autres commandants de recevoir de l'avancement. Son successeur est {{Lien par élément|Q110832109}}, qui est sur le point de devenir le dernier commandant du ''Normandie'' en service transatlantique<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=156}}.</ref>.

Le [[Fête nationale française|14 juillet]] 1939, il prononce un serment au président Lebrun au nom du Normandie, dans le cadre des cérémonies du {{150e|anniversaire}} de la [[Révolution française]].

=== Seconde Guerre mondiale et destruction ===
==== Dernières traversées ====
==== Dernières traversées ====
[[Fichier:SS Normandie Pier 88 1941 view.jpg|thumb|Le ''Normandie'' immobilisé à New York, en août 1941.|alt=Le Normandie vu du ciel à quai]]
[[Fichier:SS Normandie docked at Pier 88, New York city (USA), 20 August 1941 (80-G-410223).jpg|vignette|''Normandie'' immobilisé à New York, en août 1941.|alt=Le Normandie vu du ciel à quai]]
Août 1939 voit s'approcher l'ombre de la [[Seconde Guerre mondiale]] ; la Transat décide de réduire la vitesse du ''Normandie'' afin qu'il ait suffisamment de carburant pour faire demi-tour en cas de déclaration de guerre pendant une traversée. Celle qui débute le 9 août marque un dernier temps de gloire : le réalisateur [[Yves Mirande]] tourne en effet à bord son film ''[[Paris-New York]]'' avec l'acteur [[Michel Simon]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=157}}</ref>. Après une nouvelle traversée vers la [[France]], le ''Normandie'' entame son dernier voyage le 23 août dans un climat international très tendu. Le [[pacte germano-soviétique]] vient d'être signé et le conflit semble inévitable. Le paquebot tente en cours de route de semer le ''[[SS Bremen (1929)|Bremen]]'' par crainte d'être signalé aux [[Unterseeboot|U-boot]]s. Tout le reste de la traversée, les lumières du pont sont coupées, les rideaux fermés et le trafic radio cesse afin de rendre le navire indétectable<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=212 - 213}}</ref>.
{{date|Août 1939}} voit s'approcher l'ombre de la [[Seconde Guerre mondiale]] ; la Transat décide de réduire la vitesse du ''Normandie'' afin qu'il ait suffisamment de combustible pour faire demi-tour en cas de déclaration de guerre pendant une traversée. Celle qui débute le {{date|9 août}} marque un dernier temps de gloire : le réalisateur [[Yves Mirande]] tourne en effet à bord son film ''[[Paris-New York]]'' avec l'acteur [[Michel Simon]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=157}}.</ref>. Après une nouvelle traversée vers la [[France]], le ''Normandie'' entame son dernier voyage le {{date|23 août}} dans un climat international très tendu. Le [[pacte germano-soviétique]] vient d'être signé et le conflit semble inévitable. Le paquebot tente en cours de route de semer le ''[[SS Bremen|Bremen]]'' par crainte d'être signalé aux [[Unterseeboot|sous-marins allemands]]. Tout le reste de la traversée, les lumières du pont sont coupées, les rideaux fermés et le trafic radio cesse afin de rendre le navire indétectable<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=212 - 213}}.</ref>.


Avec la déclaration de guerre le 3 septembre, il n'est plus question pour le ''Normandie'' de traverser l'Atlantique à la merci des sous-marins ennemis<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=213}}</ref>. Le 6 septembre, le navire est désarmé. Le 8, une grande partie de l'équipage (principalement le personnel hôtelier) est rapatriée en France. Le reste des hommes prépare le navire à son immobilisation, de façon à préserver mobilier et machines<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=182}}</ref>.
Avec la déclaration de guerre le {{date|3 septembre}}, il n'est plus question pour le ''Normandie'' de traverser l'Atlantique à la merci des sous-marins ennemis<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=213}}.</ref>. Le {{date|6 septembre}}, le navire est désarmé. Le 8, une grande partie de l'équipage (principalement le personnel hôtelier) est rapatriée en France. Le reste des hommes prépare le navire à son immobilisation, de façon à préserver mobilier et machines<ref name="Frédéric Ollivier">{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=182}}.</ref>.


==== Réquisition par les États-Unis ====
==== Réquisition par les États-Unis ====
[[Fichier:Gilbert du Motier Marquis de Lafayette.PNG|thumb|left|Le nom du [[Gilbert du Motier de La Fayette|marquis de La Fayette]] a été donné au ''Normandie'' lors de sa saisie afin de rendre hommage à l'aide que la France avait apportée aux États-Unis.|alt=Peinture du Marquis de La Fayette en uniforme]]
[[Fichier:Gilbert du Motier Marquis de Lafayette.jpg|vignette|Le nom du [[Gilbert du Motier de La Fayette|marquis de La Fayette]] a été donné au ''Normandie'' lors de sa saisie afin de rendre hommage à l'aide que la France avait apportée aux États-Unis au cours de la [[guerre d'indépendance américaine]].|alt=Peinture du Marquis de La Fayette en uniforme]]
Pour l'équipage stationné aux [[États-Unis]], la vie s'organise tant bien que mal : avec l'arrivée de l'hiver, la compagnie leur fournit quelques vêtements chauds, et les marins tentent de garder un lien avec leur famille. Cependant, avec la [[Bataille de France|défaite de juin 1940]], ce lien tend à disparaître. Par ailleurs, le 5 juin, Étienne Payen de la Garanderie rentre en France, laissant le commandement à Hervé Le Huédé, qui servait à bord depuis plusieurs années<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=163}}</ref>.
Pour l'équipage stationné aux [[États-Unis]], la vie s'organise tant bien que mal : avec l'arrivée de l'hiver, la compagnie leur fournit quelques vêtements chauds, et les marins tentent de garder un lien avec leur famille. Cependant, avec la [[Bataille de France|défaite de juin 1940]], ce lien tend à disparaître. Par ailleurs, le {{date|5 juin}}, {{Lien par élément|Q110832109}} rentre en France, laissant le commandement à Hervé le Huédé, qui servait à bord depuis plusieurs années<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=163}}.</ref>.


Son entrée dans le conflit semblant s'approcher, le gouvernement américain commence à envisager de réquisitionner le ''Normandie'' pour en faire un transport de troupes. Avec l'instauration du [[régime de Vichy]], les risques de sabotages s'accroissent pour le navire : un fidèle du gouvernement français pourrait tenter de soustraire le navire à l'effort de guerre américain<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=164 - 165}}</ref>. Le 11 avril 1941, la prise de contrôle du paquebot est votée par le Congrès des États-Unis. Un détachement de {{lang|en|''[[US Coast Guard|Coast Guard]]s''}} embarque pour surveiller les actes de chaque membre d'équipage français pour éviter tout sabotage. Plus d'hommes sont appelés après l'[[attaque sur Pearl Harbor]], et le 11 décembre, les États-Unis prennent possession du ''Normandie'' en vertu du droit d'[[angarie]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=165}}</ref>. L'équipage français est débarqué à l'exception des officiers et de cinq autres membres. Les protestations du commandant Le Huédé empêchent cependant les Américains de baisser le pavillon français, et les membres d'équipage sur le départ entonnent ''[[La Marseillaise]]'', selon le récit du commandant<ref name=FO166>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=166}}</ref>.
Son entrée dans le conflit semblant s'approcher, le gouvernement américain commence à envisager de réquisitionner le ''Normandie'' pour en faire un transport de troupes. Avec l'instauration du [[régime de Vichy]], les risques de sabotages s'accroissent pour le navire : un fidèle du gouvernement français pourrait tenter de soustraire le navire à l'effort de guerre américain<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=164 - 165}}.</ref>. Le {{date|11 avril 1941}}, la prise de contrôle du paquebot est votée par le Congrès des États-Unis. Un détachement de {{langue|en|''[[United States Coast Guard|Coast Guards]]''}} embarque pour surveiller les actes de chaque membre d'équipage français pour éviter tout sabotage. Plus d'hommes sont appelés après l'[[attaque de Pearl Harbor]], et le {{date|11 décembre}}, les États-Unis prennent possession du ''Normandie'' en vertu du [[droit d'angarie]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=165}}.</ref>. L'équipage français est débarqué à l'exception des officiers et de cinq autres membres. Les protestations du commandant Le Huédé empêchent cependant les Américains de baisser le pavillon français, et les membres d'équipage sur le départ entonnent ''[[la Marseillaise]]'', selon le récit du commandant<ref name=FO166>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=166}}.</ref>.


Les nouveaux possesseurs du navire doivent encore l'apprivoiser : les plans circulent parmi les {{lang|en|''Coast Guards''}} qui apprennent le fonctionnement du paquebot, tandis que le chef mécanicien aide à traduire les nombreuses inscriptions en français<ref name=FO166/>. Vient également la question de savoir comment utiliser cette pièce maîtresse de la marine américaine : s'il semble au premier abord naturel de l'utiliser comme transport de troupes à l'instar des deux {{lang|en|''Queen''}} britanniques, l'architecte naval [[William Francis Gibbs]] propose de le transformer en [[porte-avions]] et expose un projet détaillé qui n'est finalement pas retenu<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=167}}</ref>.
Les nouveaux possesseurs du navire doivent encore l'apprivoiser : les plans circulent parmi les {{langue|en|''Coast Guards''}} qui apprennent le fonctionnement du paquebot, tandis que le chef mécanicien aide à traduire les nombreuses inscriptions en français<ref name=FO166/>. Vient également la question de savoir comment en faire usage : s'il semble au premier abord naturel de l'utiliser comme transport de troupes à l'instar des deux {{langue|en|''Queen''}} britanniques ; l'architecte naval [[William Francis Gibbs]] propose de le transformer en [[porte-avions]] et expose un projet détaillé qui n'est finalement pas retenu<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=167}}.</ref>.


Les travaux débutent par l'évacuation du mobilier et de la décoration, à l'exception de ceux du théâtre, des lieux de culte et de deux appartements de luxe destinés aux officiels de haut rang : c'est grâce à cela que la décoration du paquebot a été préservée de la catastrophe qui doit le frapper l'année suivante<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=217}}</ref>. Le navire est réaménagé pour accueillir jusqu'à {{formatnum:16000}} hommes, et est renommé début 1942 USS ''Lafayette'' en hommage au [[Gilbert du Motier de La Fayette|Marquis de La Fayette]] et pour faire écho à l'histoire commune des États-Unis et de la France<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=168}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=216}}</ref>.
Les travaux débutent par l'évacuation du mobilier et de la décoration, à l'exception de ceux du théâtre, des lieux de culte et de deux appartements de luxe destinés aux officiels de haut rang. Cette évacuation a permis la préservation de la majeure partie du mobilier et de la décoration du paquebot de la catastrophe qui doit le frapper l'année suivante<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=217}}.</ref>. Le navire est réaménagé pour accueillir jusqu'à {{unité|16000|hommes}}, et est renommé début 1942 USS ''Lafayette'' en hommage au [[Gilbert du Motier de La Fayette|marquis de La Fayette]] et pour faire écho à l'histoire commune des États-Unis et de la France<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=168}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=216}}.</ref>.
{{clr}}


==== Incendie et naufrage ====
==== Incendie et chavirage ====
[[Fichier:Normandie fire.jpg|thumb|Le ''Lafayette'' en feu dans le port de New York commence à pencher sous l'action des bateaux pompe.|alt=Le Lafayette entouré de bateaux-pompe projetant de l'eau.]]
[[Fichier:Normandie fire.jpg|vignette|L'USS ''Lafayette'' en feu dans le port de New York commence à gîter sous le poids de l'eau déversée par les bateaux-pompes.|alt=Le Lafayette entouré de bateaux-pompe projetant de l'eau.]]
Le 9 février 1942, les travaux de réaménagement sont toujours en cours. L'opération du jour consiste notamment à retirer quatre grandes colonnes d'acier dans le grand salon, et nécessite un chalumeau. Ce jour là, le salon, bien que débarrassé de son mobilier et de ses décors, est rempli de milliers de paquets de gilets de sauvetage en [[kapok]] (matière très inflammable), qu'une équipe chargée de poser du linoléum déplace en permanence<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=169}}</ref>. Le découpage des deux premières colonnes se passe sans encombre, puis survient la pause déjeuner et la troisième est ensuite retirée<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=219}}</ref>. C'est lors de l'attaque de la quatrième que l'incident survient : une étincelle touche un des paquets de gilets, soit par maladresse du porteur du chalumeau, Clement Derrick, soit parce que l'assistant chargé de protéger les paquets avec un bouclier l'a retiré trop tôt<ref name=MG220>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=220}}</ref>. Plusieurs paquets s'embrasent rapidement, et les personnes présentes, tentant d'éloigner les paquets qui semblent indemnes, ne font qu'accélérer la propagation de l'incendie<ref name=FO170>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=170}}</ref>. De plus, aucun extincteur ne se trouvait dans la salle, et les membres d'équipage chargés de lutter contre le feu ne sont pas prévenus à temps : il s'agit de toute façon d'hommes non formés, qui avaient bénéficié d'une promotion à un poste à priori tranquille<ref name=MG220/>.
Le {{date|9 février 1942}}, les travaux de réaménagement sont toujours en cours. L'opération du jour consiste notamment à retirer quatre grandes colonnes d'acier dans le grand salon, et nécessite un chalumeau. Ce jour-là, le salon, bien que débarrassé de son mobilier et de ses décors, est rempli de milliers de paquets de gilets de sauvetage en [[kapok]] (matière très inflammable), qu'une équipe chargée de poser du linoléum déplace en permanence<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=169}}.</ref>. Le découpage des deux premières colonnes se passe sans encombre, puis survient la pause déjeuner et la troisième est ensuite retirée<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=219}}.</ref>. C'est lors de l'attaque de la quatrième que l'incident survient : une gerbe d'étincelles et des morceaux de métal incandescent touchent un des paquets de gilets, soit par maladresse du porteur du chalumeau, Clement Derrick, soit parce que l'assistant chargé de protéger les paquets avec un bouclier métallique l'a retiré trop tôt<ref name=MG220>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=220}}.</ref>. Plusieurs paquets s'embrasent rapidement, et les personnes présentes, tentant d'éloigner les paquets qui semblent indemnes, ne font qu'accélérer la propagation de l'incendie<ref name=FO170>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=170}}.</ref>. De plus, aucun extincteur ne se trouvait dans le compartiment et les membres d'équipage chargés de lutter contre le feu ne sont pas prévenus à temps : il s'agit de toute façon d'hommes non formés, qui avaient bénéficié d'une promotion à un poste ''a priori'' tranquille<ref name=MG220/>.


L'incendie se propage rapidement au pont promenade, rempli de couchettes en toile, tandis que l'équipage évacue le navire en panique. Un quart d'heure après le début du feu, les secours sont appelés, à {{nobr|14 h 49}}, et arrivent sur les lieux trois minutes plus tard. Le flot continu d'hommes évacuant le navire les empêche cependant de monter à bord. Par ailleurs, plus personne n'est présent pour faire fonctionner les systèmes de sécurité et l'électricité à bord<ref name=FO170/>. Le secours vient donc des bateaux-pompe qui projettent près de {{formatnum:6000}} tonnes d'eau sur le navire en feu<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=222 - 223}}</ref>. On dénombre quelques blessés dans la cohue, et un mort, Franck Trentacosta blessé par un morceau d'acier projeté par une explosion. Par ailleurs, le concepteur du navire, [[Vladimir Yourkevitch]] se voit refuser l'accès au site : il aurait pourtant pu indiquer comment maintenir le paquebot à flots malgré le poids de l'eau<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=224}}</ref>.
L'incendie se propage rapidement au pont promenade, rempli de couchettes en toile, tandis que l'équipage, pris de panique, évacue le navire. Un quart d'heure après le début du sinistre, les secours sont appelés, à {{heure|14|49}}, et arrivent sur les lieux trois minutes plus tard. Le flot continu d'hommes évacuant le navire les empêche cependant d'embarquer. Par ailleurs, plus personne n'est présent pour faire fonctionner les systèmes de sécurité et l'électricité à bord<ref name=FO170/>. Le secours vient donc des bateaux-pompes qui projettent près de {{unité|6000|tonnes}} d'eau sur le navire en feu<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=222 - 223}}.</ref>. On dénombre quelques blessés dans la cohue, et un mort, Franck Trentacosta touché par un morceau d'acier projeté par une explosion. Par ailleurs, le concepteur du navire, [[Vladimir Yourkevitch]] se voit refuser l'accès sur les lieux du sinistre : il aurait pourtant pu indiquer comment maintenir le paquebot à flot malgré la [[carène liquide]] due au poids de l'eau<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=224}}.</ref>.


Le navire commence ainsi à gîter sévèrement sous l'effet des tonnes d'eau déversées. Les conseils d'Hervé Le Huédé permettent de pratiquer des ouvertures qui le rééquilibrent sensiblement. Lorsque l'incendie semble maîtrisé, vers 18 heures, il apparaît que {{formatnum:10000}} tonnes d'eau ont été déversées sur bâbord, dont plus de la moitié stagnent encore dans les parties supérieures du navire. Les chaufferies restent pour leur part préservées<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=171}}</ref>. En début de soirée, le ''Lafayette'' semble sauvé : il s'est stabilisé, et on peut même embarquer pour évaluer les dégâts, qui ne sont importants qu'en apparence : le navire pourra être remis en état. C'est sans compter sur les marées : la mer se retire, puis revient, déséquilibrant le navire. À {{nobr|2 h 40}}, il chavire définitivement<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=172}}</ref>.
Le navire commence à gîter sévèrement sous l'effet des tonnes d'eau déversées. Les conseils d'Hervé Le Huédé permettent de pratiquer des ouvertures qui le rééquilibrent sensiblement. Lorsque l'incendie semble éteint, vers {{heure|18}}, il apparaît que {{unité|10000|tonnes}} d'eau ont été déversées sur bâbord, dont plus de la moitié stagnent encore dans les hauts du navire. Les chaufferies restent pour leur part préservées<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=171}}.</ref>. En début de soirée, le ''Lafayette'' semble sauvé : il s'est stabilisé, et l'on peut même embarquer pour évaluer les dégâts, qui ne sont importants qu'en apparence : le navire pourra être remis en état. C'est sans compter les marées : la mer se retire, puis revient, déséquilibrant le navire. À {{heure|2|40}}, il chavire définitivement<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=172}}.</ref>.


==== Remise à flot et démolition ====
==== Remise à flot et démolition ====
[[Fichier:USS Lafayette 1942.jpg|thumb|left|L'USS ''Lafayette'' couché après l'incendie.|alt=Le navire couché sur le flanc bâbord, vu du ciel.]]
[[Fichier:USS Lafayette 1942.jpg|vignette|L'USS ''Lafayette'' couché après l'incendie.|alt=Le navire couché sur le flanc bâbord, vu du ciel.]]
Après le drame vient le temps des questions. Une enquête, bien vite demandée, conclut à une simple maladresse : un chalumeau ouvert aurait enflammé des gilets de sauvetage, ce qui n'empêche pas les rumeurs de sabotage de circuler. Dans les années 1960, les mafieux [[Lucky Luciano]] et [[Meyer Lansky]] revendiquent l'incendie, perpétré par [[Albert Anastasia]], dans le but de faciliter la libération de Luciano contre la promesse faite aux autorités de protéger le port de New York du sabotage<ref>{{ouvrage|prénom1=Lucky|nom1=Luciano|lien auteur1=Lucky Luciano|titre=Lucky Luciano|sous-titre=le testament|numéro d'édition=2|éditeur=La Manufacture des livres|lieu=Paris|année=2014|pages totales=500|isbn=9782358870757|lire en ligne=http://www.lenouveleconomiste.fr/a-la-une/lucky-luciano-et-le-naufrage-du-normandie-24461/|consulté le=15 octobre 2014
Après le drame vient le temps des questions. La rumeur commence à faire circuler l'idée que le navire a été coulé par un acte de sabotage. Une enquête, bien vite demandée, conclut cependant le contraire : c'est bien par simple maladresse que le navire a sombré. La {{lang|en|Navy}} est blâmée pour sa gestion des événements, notamment à cause de la sécurité très relâchée qui aurait pu permettre des opérations de sabotage si l'accident ne s'était pas chargé du sort du navire<ref name=FO173>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=173}}</ref>. Très vite également apparaissent les premiers projets de renflouage, à la demande de [[Franklin Delano Roosevelt|Franklin Roosevelt]] et à une époque où les États-Unis subissent un certain nombre de revers dans la [[Guerre en Asie et dans le Pacifique|Guerre du Pacifique]]. [[Vladimir Yourkevitch]] sert de consultant dans le cadre de ces opérations, de même que [[William Francis Gibbs]]<ref name=FO173/>. Il faut de surcroît déterminer si le navire peut-être récupéré ou doit être démoli. Dans tous les cas, il faudra démonter les superstructures et cheminées qui gêneraient un redressement de la coque. Les travaux commencent donc le 20 février et se poursuivent jusqu'en mai tandis que la [[Compagnie générale transatlantique|Transat]] se sépare de nombreux éléments décoratifs du navire<ref name=FO175>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=175}}</ref>.
}}.</ref>. La {{langue|en|Navy}} est blâmée pour sa gestion des événements, notamment à cause de la sécurité très relâchée qui aurait pu permettre des opérations de sabotage si l'accident ne s'était pas chargé du sort du navire<ref name=FO173>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=173}}.</ref>. Très vite également apparaissent les premiers projets de renflouage, à la demande de [[Franklin Delano Roosevelt|Franklin Roosevelt]] et à une époque où les États-Unis subissent un certain nombre de revers dans la [[guerre du Pacifique]]. [[Vladimir Yourkevitch]] sert de consultant dans le cadre de ces opérations, de même que [[William Francis Gibbs]]<ref name=FO173/>. Il faut de surcroît déterminer si le navire peut être récupéré ou doit être démoli. Dans tous les cas, il faudra démonter les superstructures et cheminées qui gêneraient un redressement de la coque. Les travaux commencent donc le {{date|20 février}} et se poursuivent jusqu'en mai tandis que la [[Compagnie générale transatlantique|Transat]] se sépare de nombreux éléments décoratifs du navire<ref name=FO175>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=175}}.</ref>.


Au moment de l'incendie, le cinéaste britannique [[Alfred Hitchcock]] est en train de tourner son film ''[[Saboteur]]''. Sans autorisation, il filme l'épave en feu sous différents angles, et inclut ces images dans le film, avec en contrechamp le sourire sardonique de l'acteur [[Norman Lloyd]], qui joue le rôle du saboteur nazi. Le film accrédite la thèse (fausse) du sabotage. La censure américaine imposera le retrait de ces images. Les autorités américaines n'apprécient pas d'apparaître comme ayant été négligentes. Le film sera rétabli avec les scènes coupées en 1948.
Pour préparer le pompage qui devrait redresser le navire, il faut également en extraire la vase, et surtout refermer les hublots et sabords laissés ouverts lors de l'évacuation. S'engage ainsi un travail de plusieurs mois pour une équipe de scaphandriers. Le {{lang|en|''Pier 88''}} est également racheté par la {{lang|en|Navy}} et en partie démonté pour éviter d'endommager la poupe lorsque le redressement débutera<ref name=FO175/>. Les opérations de nettoyage prennent plus d'un an, et c'est à partir du 4 août 1943 que le pompage débute<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=233}}</ref>. Le 15 septembre, le navire est sorti de l'eau. Le 27 octobre, il est rendu à la {{lang|en|Navy}} par la firme {{lang|en|Merritt, Chapman and Scott}} qui l'a prise en charge, les échafaudages ayant été enlevés. Au total, le renflouement du paquebot a coûté onze millions de dollars<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=235}}</ref>. Cette prouesse technique permet de former des hommes à ce type d'opération, qu'ils reproduisent plusieurs centaines de fois jusqu'à la fin de la guerre<ref name=FO177>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=177}}</ref>.


Pour préparer le pompage qui devrait redresser le navire, il faut également en extraire la vase, et surtout refermer les hublots et sabords laissés ouverts lors de l'évacuation. S'engage ainsi un travail de plusieurs mois pour une équipe de scaphandriers. Le {{langue|en|''Pier 88''}} est également racheté par la {{langue|en|Navy}} et en partie démonté pour éviter d'endommager l'arrière lorsque le redressement débutera<ref name=FO175/>. Les opérations de nettoyage prennent plus d'un an, et c'est à partir du {{date|4 août 1943}} que le pompage débute<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=233}}.</ref>. Le {{date|15 septembre}}, le navire est sorti de l'eau. Le {{date|27 octobre}}, il est rendu à la {{langue|en|Navy}} par la firme {{langue|en|Merritt, Chapman and Scott}} qui l'a prise en charge, les échafaudages ayant été enlevés. Au total, le renflouement du paquebot a coûté {{unité|11|millions}} de dollars<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=235}}.</ref>. Cette prouesse technique permet de former des hommes à ce type d'opération, qu'ils reproduisent plusieurs centaines de fois jusqu'à la fin de la guerre<ref name=FO177>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=177}}.</ref>.
Le navire part ensuite à [[Bayonne (New Jersey)|Bayonne]], dans le [[New Jersey]], où un [[Forme de radoub|bassin de radoub]] l'attend pour qu'il y soit remis en état<ref name=FO177/>. Cependant, la coque et les machines se révèlent plus endommagées que prévu. Dans ce dernier cas, il faut en construire de nouvelles, chose problématique vu la spécificité des appareils. Par ailleurs, les chantiers navals sont très occupés par les nombreuses commandes. Début 1944, le projet est abandonné<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=178}}</ref>. Un maigre espoir subsiste encore : le président Roosevelt continue à défendre un projet de remise en état, car, pense t-il, la destruction du ''Normandie'' sera forcément injustifiable après la libération. William Francis Gibbs, quant à lui, propose de faire du navire un paquebot qui, en temps de paix comme en temps de guerre, surpassera les deux {{lang|en|''Queen''}} britanniques (ce qui se fera finalement bien plus tard avec le ''{{lang|en|[[United States (paquebot)|United States]]}}'')<ref name=FO179>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=179}}</ref>. L'imminence du [[Opération Neptune (Alliés)|débarquement]] et la mort de Roosevelt ont cependant définitivement raison du navire. Le 20 septembre 1945, il est déclaré surplus de la Navy. Un an plus tard, alors que la France refuse de récupérer l'épave, le navire est acheté par les frères Lipsett qui obtiennent le droit de le démolir. Les opérations se déroulent du 7 janvier au 7 octobre 1947<ref name=FO179/>. L'opération se traduit par un profit d'un million de dollars de l'époque<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=238}}</ref>.

Le navire part ensuite à [[Bayonne (New Jersey)|Bayonne]], dans le [[New Jersey]], où un [[Forme de radoub|bassin de radoub]] l'attend pour qu'il y soit remis en état<ref name=FO177/>. Cependant, la coque et les machines se révèlent plus endommagées que prévu. Dans ce dernier cas, il faut en construire de nouvelles, chose problématique vu la spécificité des appareils. Par ailleurs, les chantiers navals sont très occupés par les nombreuses commandes. Début 1944, le projet est abandonné<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=178}}.</ref>. Un maigre espoir subsiste encore : le président Roosevelt continue à défendre un projet de remise en état, car, pense-t-il, la destruction de ''Normandie'' sera forcément injustifiable après la libération de la France. William Francis Gibbs propose de refaire du navire un paquebot (les Américains construiront finalement leur propre paquebot plus tard, le ''{{langue|en|[[United States (paquebot)|United States]]}}'')<ref name=FO179>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=179}}.</ref>. L'imminence du [[débarquement de Normandie]] et la mort de Roosevelt ont cependant définitivement raison du navire. Le {{date|20 septembre 1945}}, il est déclaré surplus de la Navy. Un an plus tard, alors que la France refuse de récupérer l'épave, le navire est acheté par les frères Lipsett qui obtiennent le droit de le démolir. Les opérations se déroulent du {{date|7 janvier}} au {{date|7 octobre 1947}}<ref name=FO179/>. L'opération se traduit par un profit d'un million de dollars de l'époque<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=238}}.</ref>.


== Caractéristiques ==
== Caractéristiques ==
=== Aspects techniques ===
=== Aspects techniques ===
==== Architecture de la coque ====
==== Architecture de la coque ====
[[Fichier:Luftaufnahme der Normandie.jpg|thumb|left|La proue du ''Normandie'' est conçue en forme de Y de façon à offrir un contact plus léger dans l'eau et à éviter la formation de hautes vagues à l'étrave.|alt=Le Normandie en mouvement, vu du ciel.]]
[[Fichier:Luftaufnahme der Normandie.jpg|vignette|Comme le montre parfaitement cette photographie, l'étrave du ''Normandie'' est conçue pour offrir le moins de résistance de carène possible. Elle facilite ainsi l'écoulement des filets d'eau en éliminant le frottement des lames satellites le long de la coque.|alt=Le Normandie en mouvement, vu du ciel.]]
La coque du ''Normandie'' fait, durant sa conception, l'objet de nombreuses études : il faut en effet construire un navire aérodynamique qui puisse aller particulièrement vite. À partir de l'été 1929 et pendant un an, plus de 150 modèles sont dessinés et 20 sont testés en bassin<ref name=FO37>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=37}}</ref>.
La coque du ''Normandie'' fait, durant sa conception, l'objet de nombreuses études : il faut en effet construire une carène dont l'hydrodynamisme permette d'avoir une bonne vitesse. À partir de l'été 1929 et pendant un an, plus de {{unité|150|modèles}} sont dessinés et vingt sont testés en bassin<ref name=FO37>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=37}}.</ref>.


La coque définitive est finalement proposée par un architecte russe émigré en France, [[Vladimir Yourkevitch]]. Elle s'illustre par des formes très originales : le navire est beaucoup plus large que ses concurrents, et une proue retouchée en forme de Y pour mieux pénétrer dans l'eau et offrir le moins de résistance possible. Elle est également rééquilibrée par un [[bulbe d'étrave]] et pourvue d'un [[brise-lame]]<ref name=FO37/>. Contrairement à tous les navires contemporains, dont le {{lang|en|''[[Queen Mary]]''}}, le ''Normandie'' ne présente en aucun endroit une coque rectiligne. Le navire est également beaucoup plus stable, grâce à la largeur de sa coque qui n'entrave pas son hydrodynamisme<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=38}}</ref>.
La coque définitive est finalement proposée par un architecte russe émigré en France, Vladimir Yourkevitch. Elle s'illustre par des formes très originales : le navire est beaucoup plus large que ses concurrents, et une [[étrave]] retouchée en forme de Y pour mieux pénétrer dans l'eau et offrir le moins de résistance de [[carène (bateau)|carène]] possible. Elle est également rééquilibrée par un [[bulbe d'étrave]] et pourvue d'un [[brise-lames]]<ref name=FO37/>. Contrairement à tous les navires contemporains, dont le {{langue|en|''[[Queen Mary]]''}}, le ''Normandie'' ne présente en aucun endroit une coque rectiligne. Le navire est également beaucoup moins sensible au [[roulis]], grâce à la largeur de sa coque qui n'entrave pas son hydrodynamisme<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=38}}.</ref>.
[[Image:Normandie deck e lateral.GIF|vignette|Le [[Pont (bateau)|pont]] et la silhouette de Normandie.]]

D'un point de vue externe, la silhouette du ''Normandie'' se caractérise par ses courbes. L'arrière se démarque des autres navires de l'époque : pas d'ouverture pour le chargement, mais une succession de terrasses incurvées. Les ponts, immenses, sont par ailleurs dispensés de tous les dispositifs habituels d'aérations et autres gigantesques manches à air. Enfin, les cheminées, rouges à manchette noire, les couleurs de la Transat, sont nettement plus tassées, à l'image de ce qui se fait sur les paquebots allemands {{lang|de|''[[SS Bremen (1929)|Bremen]]''}} et {{lang|de|''[[SS Europa (1930)|Europa]]''}} à la même époque, là où le {{lang|en|''Queen Mary''}} conserve les hautes cheminées des anciens paquebots<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=39}}</ref>. Ces cheminées sont très particulières pour les [[chantiers de Penhoët]] : ce sont les premières qui ne soient pas maintenues en place par d'imposants câbles, et également les premières construites directement sur le navire. Auparavant, un atelier préparait les cheminées, qui étaient ensuite posées sur la coque<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=68}}</ref>. La cheminée arrière, fictive, abrite le chenil, équipé d'une copie de lampadaire parisien et d'une bouche à incendie new-yorkaise dans l'aire de promenade des animaux<ref name=MG69>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=69}}</ref>. Enfin, dernière particularité, le mât avant se situe au-dessus de la passerelle de navigation et non devant, afin de ne pas obstruer le champ de vision<ref name=MG69/>.
D'un point de vue externe, la silhouette du ''Normandie'' est résolument moderne. L'[[étrave]] à [[guibre]] avec un [[dévers]] prononcé, ouvre un [[écubier]] logeant une [[ancre (mouillage)|ancre]] avec sa ligne de mouillage. Les apparaux de manœuvre et de mouillage de la plage avant sont abrités sous le pont. L'arrière se démarque des autres navires de l'époque : pas d'ouverture pour le chargement, mais une succession de terrasses incurvées. Les ponts, immenses, sont par ailleurs dispensés de tous les dispositifs habituels d'aérations et autres gigantesques manches à air. Enfin, les trois cheminées, rouges à manchette noire, les couleurs de la Transat, sont nettement plus tassées, à l'image de ce qui se fait sur les paquebots allemands {{langue|de|''[[SS Bremen|Bremen]]''}} et {{langue|de|''[[SS Europa|Europa]]''}} à la même époque, là où le {{langue|en|''Queen Mary''}} conserve les hautes cheminées des anciens paquebots<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=39}}.</ref>. Ces cheminées sont très particulières pour les [[chantiers de Penhoët]] : ce sont les premières qui ne soient pas maintenues en place par d'imposants [[hauban (construction)|hauban]]s, et également les premières construites directement sur le navire. Auparavant, un atelier préparait les cheminées, qui étaient ensuite posées sur le pont<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=68}}.</ref>. La cheminée arrière, factice, abrite le chenil, équipé d'une copie de lampadaire parisien et d'une bouche à incendie new-yorkaise dans l'aire de promenade des animaux<ref name=MG69>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=69}}.</ref>. Le dessin novateur de ces cheminées (profil en goutte d'eau, hauteur décroissante, troisième cheminée postiche installée pour l'esthétique de la ligne) est dû au peintre de marine, écrivain et navigateur solitaire normand Durand de Saint Front, dit [[Marin-Marie|Marin Marie]], commissionné comme consultant-styliste par la Transat. Enfin, dernière particularité, le mât avant se situe au-dessus de la passerelle et non devant, afin de ne pas gêner la veille optique<ref name=MG69/>.


==== Appareil de propulsion ====
==== Appareil de propulsion ====
{{Article détaillé|Propulsion électrique des navires}}
{{Article détaillé|Propulsion électrique des navires}}
[[Fichier:Ssnormandie sideelevation NYC.png|thumb|upright=1.5|Élévation et coupe longitudinale datant d'avant la refonte de 1936.|alt=Vue en coupe du Normandie]]
[[Fichier:Ssnormandie sideelevation NYC.png|vignette|upright=1.5|Élévation et coupe longitudinale datant d'avant la refonte de 1936.|alt=Vue en coupe du Normandie]]
L'appareil propulsif du ''Normandie'' inclut les dernières innovations techniques de l'époque. Comme sur toutes les grandes unités du moment, il s'agit d'un navire dont la propulsion est assurée par la vapeur. Les concepteurs doivent relever un défi inédit sur un navire de l'époque : battre les records de vitesse tout en restant économique. Construire des turbines alimentant directement les hélices, comme sur l’''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'' est impossible : elles seraient bien trop imposante. Des turbines plus petites et tournant plus rapidement que les hélices seraient plus économiques<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=40}}</ref>.
L'appareil propulsif du ''Normandie'' inclut les dernières innovations techniques de l'époque. Comme sur toutes les grandes unités du moment, il s'agit d'un navire dont la propulsion est assurée par la vapeur. Les concepteurs doivent relever un défi inédit sur un navire de l'époque : battre les records de vitesse tout en restant économique. Construire des turbines alimentant directement les hélices, comme sur l’''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'' est impossible : elles seraient bien trop lourdes et encombrantes. Des turbines plus petites et tournant plus rapidement que les hélices seraient plus économiques<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=40}}.</ref>.

Deux solutions sont possibles : une réduction par engrenage (avec un réducteur s’intercalant entre les turbines et les arbres d’hélices) et une transmission électrique (les turbines étant couplées à des alternateurs qui produisent du courant. Ce courant alimente alors les moteurs électriques de propulsion, la réduction étant obtenue par la différence du nombre de pôles entre l’alternateur et le moteur correspondant).
La solution des réducteurs étant jugée lourde et source de vibration, c'est la [[Propulsion électrique des navires|propulsion turbo-électrique]] qui est retenue. [[Alstom|Alsthom]], créée en 1929, est choisie pour fournir l’ensemble électrique en raison de ses liens avec la compagnie [[General Electric|General electric]], qui a déjà réalisé plusieurs dizaines d'installations marines de ce type, notamment pour les porte-avions {{USS|Lexington|CV-2|6}} et {{USS|Saratoga|CV-3|6}} livrés en 1927.

Sur le ''Normandie'', l'appareil évaporatoire est constitué par {{nombre|29|chaudières}} principales à tubes d'eau et quatre chaudières auxiliaires, chauffant au mazout. Le combustible est stocké dans les soutes à mazout à l'intérieur de la double coque, et le navire en transporte en général {{unité|7000|tonnes}} : en effet, à 56 km/h ({{unité|30|[[nœud (unité)|nœuds]]}}), il consomme environ une tonne de mazout par km (deux tonnes par [[Mille marin|mille nautique)]]<ref name=FO42>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=42}}.</ref>.

Les chaudières alimentent en vapeur les [[turbo-alternateur]]s qui eux-mêmes alimentent les moteurs de propulsion en courant triphasé {{Unité|5,5|kV}}. L'installation est très compartimentée du fait des cloisons étanches réparties sur toute la longueur de la coque : chaque compartiment contient une installation particulière du système de propulsion<ref name=FO42/>. De l'avant à l'arrière, les compartiments sont les suivants : quatre chaufferies (avant, milieu avant, milieu arrière et arrière), compartiment des turboalternateurs, compartiment des moteurs.


La marche du navire est commandée depuis une plate-forme de manœuvre située dans le compartiment des turboalternateurs d'où la vitesse des moteurs est réglée par la vitesse de la turbine (l'augmentation de la vitesse de la turbine entraînant l'augmentation de la fréquence du courant et donc la vitesse des moteurs).
C'est ainsi qu'est choisi le recours à une [[Propulsion électrique des navires|propulsion turbo-électrique]], inédite sur un navire de grande taille. 29 chaudières principales et 4 annexes, fonctionnant au mazout, alimentent l'installation en vapeur. Le carburant est conservé dans les compartiments de la double coque, et le navire en transporte en général {{formatnum:7000}} tonnes : en effet, à 30 [[nœud (unité)|nœuds]], il consomme autour d'une tonne par kilomètre<ref name=FO42>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=42}}</ref>.


Les chaudières alimentent les [[turbo-alternateur]]s qui eux-mêmes alimentent les moteurs de propulsion. L'installation est très compartimentée du fait des séparations étanches de la coque : chaque compartiment contient une installation particulière du système de propulsion<ref name=FO42/>. Par ailleurs, le système permet une grande flexibilité : un seul turbo-alternateur peut alimenter deux moteurs. Même avec un des appareils en panne, le navire peut donc continuer à utiliser ses quatre hélices, comme lors de son voyage inaugural<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=41}}</ref>.
Par ailleurs, le système permet une grande flexibilité : un seul [[turbo-alternateur]] peut alimenter deux [[moteur]]s. Même avec un turbo-alternateur en avarie, le navire peut continuer à faire tourner ses quatre hélices, comme lors de son voyage inaugural<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=41}}.</ref>, ceci se traduisant par une légère baisse de puissance.


==== Dispositifs de sécurité ====
==== Dispositifs de sécurité ====
Le ''Normandie'' est l'objet, avant même sa mise en service, de nombreuses prestations publiques visant à vanter ses mérites et gagner les faveurs de l'opinion. Un thème est maintes fois répété : la solidité du navire à toute épreuve. Celui-ci est en effet conçu pour survivre aux chocs grâce à une [[double coque]] et des compartiments étanches.
Le ''Normandie'' est l'objet, avant même sa mise en service, de nombreuses prestations publiques visant à vanter ses mérites et gagner les faveurs de l'opinion. Un thème est maintes fois répété : la solidité du navire à toute épreuve. Celui-ci est en effet conçu pour survivre aux chocs grâce à une [[double coque]] et des compartiments étanches.


Un point est particulièrement cité par les propriétaires du navire : sa résistance au feu. À l'époque, en effet, plusieurs navires français ont coulé suite à des incendies, notamment le ''[[Georges Philippar]]'' et ''[[L'Atlantique (paquebot)|L'Atlantique]]'', et la Transat a elle-même failli perdre le ''[[Paris (paquebot)|Paris]]'' dans de telles circonstances en 1927<ref group="Note">Le navire, après avoir subi une lourde refonte, reprend du service avant de prendre à nouveau feu dans le port du Havre en 1939 et de sombrer de façon similaire au ''Normandie''.</ref> : gagner l'opinion sur ce terrain est nécessaire. Le navire est donc divisé en quatre secteurs isolés par des partitions coupe-feu, et les plans ont été conçu de façon à ce que les passagers ne puissent pas se perdre dans les coursives qui ne sont jamais en cul-de-sac. Des dispositifs de lutte contre le feu sont aussi répartis dans le navire. René Pugnet, commandant du navire qui assiste à sa construction, a également l'idée de faire percer des trous dans le plafond de divers espaces afin que l'on puisse attaquer le feu par au-dessus. Enfin, toutes les opérations sont conjuguées depuis un centre de surveillance dans lequel travaille en permanence une équipe de pompiers<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=61 - 62}}</ref>.
Un point est particulièrement cité par les [[armateur]]s du navire : sa résistance au feu. À l'époque, en effet, plusieurs navires français ont coulé à la suite d'incendies, notamment le ''[[Georges Philippar]]'' et l'''[[L'Atlantique (paquebot)|Atlantique]]'', et la Transat a elle-même failli perdre le ''[[Paris (paquebot)|Paris]]'' dans de telles circonstances en 1927<ref group="Note">Le navire, après avoir subi une lourde refonte, reprend du service avant de prendre à nouveau feu dans le port du Havre en 1939 et de sombrer de façon similaire au ''Normandie''.</ref> : gagner l'opinion sur ce terrain est nécessaire. Le navire est donc divisé en quatre zones isolées par des cloisons étanches et des portes coupe-feu. Les plans ont été conçus de façon que les passagers ne puissent pas se perdre dans les coursives qui ne sont jamais en cul-de-sac. Des dispositifs de lutte contre le feu sont aussi répartis dans le navire. René Pugnet, commandant du navire qui assiste à sa construction, a également l'idée de faire percer des trous dans le plafond de divers espaces afin que l'on puisse attaquer le feu par au-dessus. Enfin, toutes les opérations sont contrôlées et commandées depuis un poste central (PC) sécurité veille en permanence une équipe de marins [[pompier]]s parés à intervenir<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=61 - 62}}.</ref>.

Les liens amicaux entre le patron de la ''Transat'' [[Henri Cangardel]] et [[Émile Girardeau]], fondateur et dirigeant de la [[Société française radio-électrique]], avaient conduit à envisager d'équiper le ''Normandie'' d'un équipement DEM (détection électromagnétique), que l'on appellera ultérieurement [[radar]], pour prévenir les collisions avec un autre navire et détecter les [[iceberg]]s, fréquents dans l'[[Atlantique Nord|Atlantique nord]] et célèbres pour avoir provoqué le naufrage du ''[[Titanic]]''. La ''Transat'' avait mis en avant les avantages de ce dispositif dans sa publicité, mais le matériel n'était pas suffisamment bien testé pour le voyage inaugural de 1935. L'équipe de la SFR chargée de ce projet, dirigée par [[Camille_Gutton#Son_fils_Henri|Henri Gutton]], effectua d'abord des essais sur un cargo mixte, et Gutton n'embarqua sur le ''Normandie'' avec le matériel et son équipe que lors du second voyage. Ce premier radar ne fut jamais vraiment opérationnel sur le ''Normandie'', il fallut deux années supplémentaires et une campagne de test encore à terre pour que Gutton puisse faire une démonstration vraiment convaincante auprès de la [[Marine nationale (France)|Marine française]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Yves|nom1=Blanchard|titre=Le radar, 1904-2004 : histoire d'un siècle d'innovations techniques et opérationnelles|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Ellipses|Ellipses]]|année=2004|passage=83-86, 220-223|isbn=978-2-7298-1802-9}}</ref>.

L'équipement électrique complet du paquebot sera réalisé par les ingénieurs Charles Émile Jules [[Brandt (entreprise)|Brandt]] et son associé [[Émile-Albert Fouilleret]], qui possédaient les établissements Brandt et Fouilleret installés du 23 à 31 [[rue Cavendish]] à Paris, avec une usine de production à [[Saint-Loup-de-Naud]] ([[Seine-et-Marne]]).


=== Installations ===
=== Installations ===
==== Des installations diverses pour les passagers ====
==== Des installations diverses pour les passagers ====
Les passagers du ''Normandie'' sont répartis en trois classes : la [[première classe]] (devenue classe cabine après la première saison d'exploitation), la [[deuxième classe|classe touriste]], et la troisième classe. La première occupe environ 70 % de l'espace du navire, dans sa partie centrale. Les touristes se trouvent en arrière, et les troisième classe encore plus<ref name=FO85>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=85}}</ref>. La troisième classe ne transporte à l'origine que 315 passagers sur un total de {{formatnum:1972}}, et voit sa capacité réduite à 186 places, soit 10 % de la capacité du navire. Tout est fait à bord pour la première classe qui représente la moitié de la clientèle du navire : l'équipage très important de plus de mille personne donne un ratio de 2 membres d'équipage pour trois passagers, bien plus que sur les autres navires de l'époque<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=89}}</ref>.
Les passagers du ''Normandie'' sont répartis en trois classes : la [[première classe]] (devenue classe cabine après la première saison d'exploitation), la [[deuxième classe|classe touriste]], et la troisième classe. La première occupe environ 70 % de l'espace du navire, dans sa partie centrale. Les touristes se trouvent en arrière, et les troisième classe encore plus<ref name=FO85>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=85}}.</ref>. La troisième classe ne transporte à l'origine que {{unité|315|passagers}} sur un total de {{formatnum:1972}}, et voit sa capacité réduite à {{unité|186|places}}, soit 10 % de la capacité du navire. Tout est fait à bord pour la première classe qui représente la moitié de la clientèle du navire : l'équipage très important de plus de mille personnes donne un ratio de deux membres d'équipage pour trois passagers, bien plus que sur les autres navires de l'époque<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=89}}.</ref>. Si les officiers sont logés dans des cabines, les maîtres, les matelots et les agents du service général sont logés dans des postes.


[[Fichier:Piscine1ereClasseDuNormandie.JPG|vignette|droite|Vue de la piscine {{1re}} classe du ''Normandie''.]]
Les installations du navire sont nombreuses. La première classe est centrée autour d'une salle à manger étalée sur trois ponts de hauts, mais qui ne s'étend pas sur toute la largeur du navire, permettant la création de nombreuses cabines sur le flanc du navire plus populaires. Elle dispose également d'un restaurant grill, d'une chapelle, d'un grand salon, de boutiques, d'un stand de tir, d'un théâtre/cinéma, d'une piscine intérieure, d'une bibliothèque, d'un jardin d'hiver... La première classe dispose par ailleurs de plusieurs appartements de luxe portant les noms de villes normandes : [[Deauville]], [[Rouen]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=83 - 103}}</ref>, etc.
Les installations du navire sont nombreuses. La première classe est centrée autour d'une salle à manger étalée sur trois ponts de haut, mais qui ne s'étend pas sur toute la largeur du navire, permettant la création de nombreuses cabines sur les côtés du navire plus populaires. Elle dispose également d'un restaurant grill, d'une chapelle, d'un grand salon, de boutiques, d'un stand de tir, d'un théâtre/cinéma, d'une piscine intérieure, d'une bibliothèque, d'un jardin d'hiver… La première classe dispose par ailleurs de plusieurs appartements de luxe portant les noms de villes normandes : [[Deauville]], [[Rouen]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=83 - 103}}.</ref>, etc. Le lit [[Divan (meuble)|divan]] en palissandre permet d'avoir en journée une cabine salon et le soir une cabine pour dormir avec un équipier qui venait installer le lit<ref>{{Article|auteur=Catherine Baty|titre=Visite au cœur des géants des mers|périodique=Racines|date=août 2013|pages=41}}.</ref>.


La classe touriste n'est pas en reste, mais son salon se révèle présenter un inconvénient majeur : il n'a aucune vue vers l'extérieur. Il est ainsi déplacé sur le pont supérieur durant la refonte de 1936 dans une annexe réalisée à la place d'un espace de promenade pour la première classe<ref name=FO85/>. La troisième classe est plus spartiate au niveau des cabines, mais ses salle à manger, salon et pont-promenade restent de bonne qualité<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=106}}</ref>.
La classe touriste n'est pas en reste, mais son salon se révèle présenter un inconvénient majeur : il n'a aucune vue vers l'extérieur. Il est ainsi déplacé sur le pont supérieur durant la refonte de 1936 dans une annexe réalisée à la place d'un espace de promenade pour la première classe<ref name=FO85/>. Les cabines de troisième classe sont évidemment moins luxueuses, mais ses salles-à-manger, salon et pont-promenade sont tout à fait convenables<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=106}}.</ref>.


==== Décoration intérieure ====
== Décoration intérieure ==
[[Fichier:The History of Navigation Mural by Jean Théodore Dupas.jpg|left|thumb|''L'Histoire de la navigation'', motif mural ornemental de [[Jean Dupas|Jean Théodore Dupas]].|alt=Fresque murale à dominantes dorée et argentée représentant des navires à voile et à vapeur, et des créatures marines mythiques.]]
La décoration du ''Normandie'' se veut une vitrine de l'art français des années 1930, selon les explications que donne Henri Cangardel au [[théâtre de la Michodière]] en février 1935. L'agencement général est confié aux architectes [[Pierre Patout]], [[Henri Pacon]], Richard Bouwens Van der Boijen et [[Roger-Henri Expert]]. À l'exception du dernier, tous ont travaillé à la décoration de l’''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'' quelques années auparavant. Ce sont eux qui dressent les plans des installations principales du navire<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=91}}</ref>.


La décoration du ''Normandie'' se veut une vitrine de l'art français des années 1930, selon les explications que donne [[Henri Cangardel]] au [[théâtre de la Michodière]] en {{date|février 1935}}. L'agencement général est confié aux architectes [[Pierre Patout]], [[Henri Pacon]], [[Richard Bouwens van der Boijen]] et [[Roger-Henri Expert]]. À l'exception du dernier, tous ont travaillé à la décoration de l’''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'' quelques années auparavant. Ce sont eux qui dressent les plans des installations principales du navire<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=91}}.</ref>. Les installations de première classe (classe cabine à partir de 1936) sont l'objet d'une attention particulière, avec des pièces particulièrement vastes. Tous les espaces reçoivent une décoration ambitieuse, où sont convoqués les meilleurs artistes français et les plus prestigieuses maisons et manufactures. Par exemple, les luminaires des suites de luxe et des espaces du ''Normandie'' ont été réalisés par [[Jean Perzel]]<ref>{{Lien web |auteur=Atelier Jean Perzel |titre=Lumières sur le Paquebot Normandie |url=https://www.perzel.fr/lumieres-paquebot-normandie/ |date= }}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Collectif - Fondation Électricité de France, Institut Français d'Architecture |titre=Architectures de l'électricité |url=https://books.google.fr/books?id=OixUAAAAMAAJ&q=perzel+normandie&dq=perzel+normandie&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwich7zTkKDXAhVsCsAKHTKVBkEQ6AEINDAC |date= }}</ref>, pionnier de l'éclairage moderne. Même les panneaux d'affichage en hêtre, dispersés dans le navire, sont l'œuvre de créateurs (l'un d'entre eux est conservé au musée des Arts décoratifs à Paris).
Les installations de première classe (classe cabine à partir de 1936) sont l'objet d'une attention particulière, avec des pièces particulièrement vastes. La grande salle à manger, par exemple, s'étend sur trois pont de hauteur, et on y accède par des portes monumentales de {{unité|6|mètres}} mètres de haut. Elle est richement décorée de statues laquées de [[Louis Dejean]], comme la grande statue ''Pax'' - qui se dresse en son centre pour symboliser l'Accueil, la Concorde, avec un [[Symboles de la paix|rameau d'olivier]] à la main<ref>{{harvsp|L'Illustration, ouvrage collectif|1987|p=154}}</ref> - ou encore de « pots à feu » (cascades de verre) de [[René Lalique]]. Les murs sont quant à eux recouverts de verre gravé d'Auguste Labouret<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=78 - 85}}</ref>. Le grand salon est pour sa part décoré de colonnes en verre de Lalique, de motifs muraux de laque d'or de [[Jean Dunand]] et de peintures sur glace de [[Jean Dupas]]<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=94 - 95}}</ref>. La porte de la chapelle est un panneau coulissant en émaux de [[François-Louis Schmied]] représentant un chevalier normand<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=77}}</ref>. La salle à manger des enfants est pour sa part confiée à [[Jean de Brunhoff]] qui la décore dans le thème de sa création, [[Babar]] l'éléphant<ref>{{fr}} [http://www.ecoledesloisirs.fr/php-edl/auteurs/fiche-auteur.php?codeauteur=43 « Jean de Brunhoff »], ''L'école des loisirs''. Consulté le 12 février 2010</ref>. Durant la première saison, elle sert également à l'occasion de [[synagogue]], cette dernière ayant été oubliée<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=78}}</ref>.
Les artistes [[Jules Leleu]], [[Jacques-Émile Ruhlmann]], [[Paul Follot]], etc. utilisèrent également les tapis à points noués en complément de leur proposition de décoration. Avec entre autres, 148 tapis pour les cabines de luxe, suites, etc. dont la fabrication fut confiée à la [[société Tapis France Orient]].


Les décorateurs doivent répondre à des exigences particulières : les matériaux utilisés doivent être les plus incombustibles possible afin d'éviter de reproduire le drame de ''[[L'Atlantique (paquebot)|l'Atlantique]]'', et le paquebot en tire une certaine simplicité, qui ne le rend pas moins somptueux<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=94-95}}.</ref>. Les concepteurs du ''Normandie'' innovent d'ailleurs grâce à l'emploi de nouveaux matériaux. Ainsi, après les timides expériences menées sur le ''Colombie'', puis sur le ''[[Champlain (paquebot)|Champlain]]'' on y généralise l'usage de l'[[acier inoxydable]] à 26 % de [[Alliage plomb-étain|métaux blancs]], inaltérable dans la masse malgré l'air salin, et dont le très beau poli en fait un élément de décoration. On fait appel à un spécialiste, [[Georges Halais]], qui en fournit plus de {{unité|50|t}}, sous des formes très diverses : équipements des {{unité|300|salles}} de bain, poignées de porte, parties métalliques des appartements de grand luxe et de luxe<ref>{{harvsp|L'Illustration, ouvrage collectif|1987|p=165}}.</ref>…
Le thème principal de la décoration est la [[Normandie]]. On retrouve ainsi des médaillons représentant dix grands villes de la région sur les portes monumentales ({{unité|6|mètres}} de haut) de la salle à manger de première classe, dessinés par [[Raymond Subes]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=95}}</ref>. Sur le palier supérieur de l'escalier du fumoir se dresse également une statue de la Normandie, par Baudry<ref>{{harvsp|L'Illustration, ouvrage collectif|1987|p=151}}</ref>. Bien qu'il revienne de façon récurrente dans certaines parties du paquebot, le thème de la Normandie est cependant absent de certaines pièces, car somme tout assez limité pour les décorateurs<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=101}}</ref>.


L'[[aluminium]] apparaît également, dans un usage utilitaire d'abord (réduire le poids embarqué, grâce à un matériau résistant à la corrosion) : l'[[alpax]], alliage d'aluminium au [[silicium]], est ainsi utilisé pour les dispositifs de fermeture des hublots. Mais on fait également appel aux alliages légers d'aluminium pour leur aspect décoratif, notamment pour les cloisons de douze appartements et cabines de luxe, ou encore, pour le revêtement de la porte de la chapelle. Au total, ce sont {{unité|25|t}} d'alliages légers, correspondant à {{unité|60|t}} d'acier, qui sont utilisés sur le ''Normandie''<ref>{{harvsp|L'Illustration, ouvrage collectif|1987|p=166}}.</ref>.
Les décorateurs doivent répondre à des exigences particulières : les matériaux utilisés doivent être les plus incombustibles possibles afin d'éviter de reproduire le drame de ''[[L'Atlantique (paquebot)|L'Atlantique]]'', et le paquebot en tire une certaine simplicité, qui ne le rend pas moins somptueux<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=94-95}}</ref>. Les concepteurs du ''Normandie'' innovent d'ailleurs grâce à l'emploi de nouveaux matériaux. Ainsi, après les timides expériences menées sur le ''Colombie'', puis sur le ''Champlain'' on y généralise l'usage de l'[[acier inoxydable]] à 26 % de [[métal blanc|métaux blancs]], inaltérable dans la masse malgré l'air salin, et dont le très beau poli en fait un élément de décoration. On fait appel à un spécialiste, Georges Halais, qui en fournit plus de {{formatnum:50000}} kg, sous des formes très diverses : équipements des {{formatnum:300}} salles de bain, poignées de porte, parties métalliques des appartements de grand luxe et de luxe<ref>{{harvsp|L'Illustration, ouvrage collectif|1987|p=165}}</ref>...


=== Parties communes des première classe ===
L'[[aluminium]] apparaît également, dans un usage utilitaire d'abord (réduire le poids embarqué, grâce à un matériau résistant à la corrosion) : l'[[alpax]], alliage d'aluminium au [[silicium]], est ainsi utilisé pour les dispositifs de fermeture des hublots. Mais on fait également appel aux alliages légers d'aluminium pour leur aspect décoratif, notamment pour les cloisons de douze appartements et cabines de luxe, ou encore, pour le revêtement de la porte de la chapelle. Au total, ce sont {{formatnum:25000}} kg d'alliages légers, correspondant à {{formatnum:60000}} kg d'acier, qui sont utilisés sur le ''Normandie''<ref>{{harvsp|L'Illustration, ouvrage collectif|1987|p=166}}</ref>.

==== Grande salle à manger ====

[[Fichier:Normandie doors.jpg|vignette|left|Six des dix médaillons originaux de la porte de la grande salle à manger, représentant des villes du Normandie, réalisés par [[Raymond Subes]], ornent désormais le portail de la [[Cathédrale Notre-Dame-du-Liban de Brooklyn|cathédrale Notre-Dame du Liban]] à Brooklyn (rite chrétien maronite).]]

[[Fichier:SS Normandie (ship, 1935) interior.jpg|vignette|200px|right|Vue de la grande salle à manger des première classe. Sur les côtés, on distingue les bas-reliefs monumentaux de [[Raymond Delamarre]] et [[Léon-Ernest Drivier]].]]

La grande salle à manger, qui s'étend sur trois ponts de hauteur, et {{unité|86|mètres}} de long (pour une capacité de 700 couverts), est l'espace le plus impressionnant du navire. On y accède par des portes monumentales de six mètres de haut, ornées de médaillons représentant dix grandes villes de la région, dessinés par [[Raymond Subes]]<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=95}}.</ref> et réalisés par le ferronnier Adalbert Szabo. Les portes ont été partiellement (un groupe de six et un groupe de quatre médaillons) remontées aux portes d'entrée d'une église de [[Brooklyn]], la cathédrale [[Maronites|maronite]] [[Cathédrale Notre-Dame-du-Liban de Brooklyn|Notre-Dame du Liban]], mais des plaques carrées originales provenant de l'ensemble sont conservées ailleurs (notamment au musée des Arts décoratifs, à Paris).

Les portes mènent à une haute estrade de deux mètres de haut, permettant de dominer la salle, accessible par un escalier de dix marches. Les murs pourtant aveugles fournissent une lumière abondante grâce aux dalles de verre gravé des cristalleries de Compiègne, créées sur les indications d' [[Auguste Labouret]]<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=78 - 85}}.</ref> (des montants en verre sont conservés au musée des Arts décoratifs à Paris), et s'ornent de quatre panneaux peints par [[Jean Bouchaud (peintre)|Jean Bouchaud]].

La salle est richement décorée de quatre bas-reliefs par [[Raymond Delamarre]] (''Les arts et les monuments de la Normandie'', dont la maquette est conservée au [[musée des Années Trente|musée des années trente]] à [[Boulogne-Billancourt]]), d'[[Albert Pommier]] (''La Normandie terrienne''), [[Léon-Ernest Drivier|Léon Drivier]] (''Les sports et les jeux'') et de [[Pierre-Marie Poisson]] (''La Normandie maritime''). Une grande statue de [[Louis Dejean]] ''Pax'' en bronze doré se dresse en surplomb de la table du commandant pour symboliser l'accueil et la concorde, un [[Symboles de la paix|rameau d'olivier]] à la main<ref>{{harvsp|L'Illustration, ouvrage collectif|1987|p=154}}.</ref> (aujourd'hui conservée au Pinelawn memorial park de [[Farmingdale (New York)|Farmingdale]]). La salle est aussi ornée de six « pots à feu » (cascades de verre) de [[René Lalique]] dispersés dans la salle ([[Lalique]] fournit aussi des appliques lumineuses et des lustres).

Le mobilier en acajou, palissandre et bronze doré est dessiné par [[Pierre Patout]] et [[Maurice Pré]] et exécuté par les établissements Neveu et les tapissiers Cornille Frères. Les fauteuils de cette salle à manger de 1<sup>e</sup> classe sont confectionnés par Émile Bernaux. [[Alexandre Turpault]] décore les tables, avec de subtiles nappes en damassé, figurant des scènes de chasse. Les tables sont dressées avec un service en porcelaine de Limoges dessiné par Jean Luce, comportant un filet d'argent et le sigle « CGT » mis au point par Suzanne Lalique-Havilland. Le service de verres est livré par la maison [[Daum (cristallerie)|Daum]] (qui fournit aussi des cendriers). Les pièces d'orfèvrerie des services « Transat », « Sirius », et de la ménagère « Atlas » (dont plusieurs éléments sont conservés au musée des Arts décoratifs à Paris) sont conçues dès [[1933]] par Luc Lanel, directeur artistique de la maison Christofle.

==== Grand Salon ====

Le grand salon, de 10 mètres de haut, est décoré de colonnes en verre [[Lalique]]. Les grandes portes s'ornent de panneaux en laque d'or de [[Jean Dunand]]<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=94-95}}.</ref> où sont peintes des compositions de [[Jean Dupas]] représentant ''Le Soleil'', ''les vents'' et ''Le char de l'aurore'' (fragments à Pittsburgh, Carnegie museum of art). Jean Dupas conçoit également les compositions peintes des panneaux de verre aux angles de la salle : il livre quatre compositions mythologiques sur le thème de ''L'enlèvement d'Europe'' (fragment au musée de Saint-Nazaire), ''La naissance d'Aphrodite'', ''Le char de Thétis'' et ''Le char de Poséidon'' (New York, Metropolitan museum of art), faisant la part belle à d'ambitieux thiases marins. Les panneaux couvrant près de {{unité|400|m|2}} sont exécutés en [[verre églomisé]] de Saint-Gobain par le maître verrier [[Jacques Charles Champigneulle]]<ref>Petit-fils de [[Louis-Charles-Marie Champigneulle]].</ref>. Le musée Malraux du Havre conserve des dessins préparatoires de Dupas pour ces compositions.

Les fauteuils sont dessinés par le décorateur [[Jean Maurice Rothschild]], exécutés par les ébénistes Spade Frère, et tendus de tapisserie d'Aubusson d'après des cartons d'[[Émile Gaudissard]]. L'un de ses fauteuils est conservé au [[Peabody Essex Museum|Peabody Essex museum]] de [[Salem]] (Massachussetts), un est au Kirkland museum de [[Denver]] (Colorado), deux à l'écomusée de Saint-Nazaire, un autre au musée des arts décoratifs à Paris (en dépôt à l'écomusée de Saint-Nazaire).

==== Salon fumoir ====

Sur le palier supérieur de l'escalier du fumoir se dresse une statue de ''La Normandie'', par [[Léon Georges Baudry]] (1898-1978)<ref>{{harvsp|L'Illustration, ouvrage collectif|1987|p=151}}.</ref> (l'original en bronze a été acquis pour orner la salle à manger du ''GTS [[Celebrity Summit|Celebrity summit]]'', une copie en plâtre est conservée au musée de [[Caudebec-en-Caux]]). Bien qu'il revienne de façon récurrente dans certaines parties du paquebot, le thème de la Normandie est cependant absent de certaines pièces, car somme toute assez limité pour les décorateurs<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=101}}.</ref>. Le fumoir des première classe s'orne de six grands panneaux sculptés, laqués et dorés, créés par [[Jean Dunand]] sur le thème des « Jeux et joies de l'homme » et couvrant une surface de près de {{unité|1200|m|2}} (dans un matériau résistant et léger, un plâtre dur, à base de kaolin) : ''La pêche'', ''La conquête du cheval'', ''Les sports'' (tous trois conservés au Musée d'art moderne de la ville de Paris), ''Les vendanges'' ([[Oissel]], hôtel de ville), et ''La chasse'' (dispersé entre le musée des Arts décoratifs de Paris et l'écomusée de Saint-Nazaire). Connaissant vite un très grand succès, les panneaux ont fait l'objet de réductions sous forme de petites plaques décoratives (plusieurs sont conservées au musée du Havre et ont été restaurées en [[2015]]).

==== Le ''Génie de la mer'' de Sarrabezolles ====

Une sculpture de [[Carlo Sarrabezolles|Carlo Sarrabezoles]], le ''génie de la mer'', remarquable personnage de [[Triton (mythologie)|triton]] dont la queue fait une double boucle, brandissant un trident et escorté de deux dauphins, aurait dû orner la « place publique » située sur l'étage le plus élevé de la plage arrière, avec ses bancs en zigzag et ses étonnants lampadaires en globes de verre. Malheureusement, le poids de la statue en bronze empêcha de l'installer à cet endroit, à cause des vibrations dues aux hélices tripales.

Par la suite cet emplacement fut couvert d'une superstructure vitrée et converti en café grill-room lors de la refonte de 1937 (permettant ainsi au ''Normandie'' de conserver son titre de plus grand paquebot du monde par un artifice de calcul de jauge), et le bronze de Sarabezolles resta définitivement à terre, d'abord devant le siège de la transat au Havre, puis fut réinstallé à [[Marseille]] devant le [[Tour CMA-CGM|gratte-ciel de la CMA CGM]]<ref>{{lien web |langue=fr-FR|titre=Le Génie de la Mer | prénom=Carlo | nom=Sarrabezolles | site=tourisme-marseille.com |lire en ligne=http://www.tourisme-marseille.com/fiche/le-genie-de-la-mer-carlo-sarrabezolles-cma-cgm-13002-marseille/|consulté le=2018-03-04}}.</ref>, quai d'[[Arenc]] au [[La Joliette|port de la Joliette]] où il est malheureusement quelque peu occulté par le viaduc de l'autoroute A55. Le plâtre à grandeur de l'œuvre est conservé au musée national de la Marine, à Paris. Le musée de [[La Piscine (musée)|la Piscine]] de [[Roubaix]] conserve plusieurs petites études en plâtre, témoignant des essais de Carlo Sarrabezoles pour inventer cette figure de proue, mettant en scène une figure athlétique et filiforme, entourée de poissons ou de symboles marins.

==== Chapelle ====

La porte de la chapelle est un panneau coulissant en émaux de [[François-Louis Schmied]] représentant un chevalier normand<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=77}}.</ref>. L'autel est orné d'un [[Antependium|antépendium]] en « lap d'or fin » représentant le ''Christ en majesté'' en bas-relief, conçu par les frères [[Jean et Joël Martel|Martel]] (la maquette en plâtre est déposée à l'éco-musée de Saint-Nazaire). Les frères Martel ornent également le balcon d'entrée d'un bas-relief représentant ''Jésus calmant la tempête'', tandis que le chemin de croix en bois de palissandre est l'œuvre du sculpteur Gaston le Bourgeois; ce chemin de croix se trouve maintenant dans la cathédrale Notre-Dame du Havre. Le peintre [[Alfred Lombard (peintre)|Alfred Lombard]] avait livré en [[1935]] un projet de décoration pour l'abside de la chapelle (maquette représentant une ''Tête de Christ'' à l'éco-musée de Saint-Nazaire).

==== Autres parties communes ====

'''Salle des banquets''' :

[[Georges d'Espagnat]] livre pour le plafond central de la salle des banquets une composition sur ''La Danse, la Musique, les fleurs et les fruits'', tandis que le jeune [[Jean Picart Le Doux]] décore les coupoles latérales. Le sculpteur [[Alfred Janniot]] orne le mur d'un bas-relief sur ''La Normandie dans l'éclat de son histoire''.

'''Galerie salon''' :

Deux compositions peintes de [[Pierre-Henri Ducos de La Haille]] ornent les murs de la galerie-salon des première classe, sur le thème de la ''Conquête normande'' et de la ''Paix normande''. Au-dessus des alcôves, quatre bas-reliefs sont réalisés par le sculpteur [[Henri Bouchard (sculpteur)|Henri Bouchard]] sur le thème du ''Commerce'', de ''L'Élevage'', de ''La Pêche'' et de ''L'Art'' (ils ne sont pas localisés à ce jour).

[[Fichier:Salon-des-dames-PNormandie-1935.jpg|200px|left|vignette|Vue du Salon des dames, avec à droite le grand tableau de Louis-William Graux.]]

'''Salon de musique''' ou '''Salon des dames''' :

Le salon de musique est orné par [[Louis-William Graux]] d'une grande composition sur ''Les Méandres de la Seine'' (propriété du musée des Arts décoratifs de Paris, en dépôt à l'Écomusée de Saint-Nazaire).

'''Salon d'écriture''' :

Le salon d'écriture est orné d'une composition de [[Gaston Balande]] sur les ''Falaises d'Etretat'' (propriété du musée des Arts décoratifs de Paris, en dépôt à l'Ecomusée de Saint-Nazaire).

'''Salon de correspondance''' :

Le salon de correspondance est décoré par le peintre [[Alexandre Iacovleff|Alexandre Iacowleff]].

'''Salon de lecture''' :

Le salon de lecture est orné de compositions exotiques par [[Paul Jouve]] : ''Tigres royaux'', et ''Éléphants impériaux''.

'''Bibliothèque''' :

Une bibliothèque propose près de 4000 volumes empruntables.

'''Piscine''' :

La célèbre piscine des première classe est ornée d'une composition en mosaïque de la [[manufacture de Sèvres]] sur le thème de la chasse, créée par Victor Menu. Le peintre [[Raoul Dufy]] avait livré un projet de décoration, resté inabouti.

Deux cornes d'abondance ornent l'une des extrémités du bassin, réalisées par le sculpteur [[Jean-Gabriel Chauvin]].

'''Jardin d'hiver''' :

Le jardin d'hiver reçoit les décors de [[Paul Iribe]].

'''Huit salles à manger privées''' :

Pour l'une des salles à manger privées des première classe, [[Mathurin Méheut]] réalise une composition murale sur le thème des ''Forêts de France''.

=== Installations pour les enfants ===

La salle à manger des enfants est pour sa part confiée à [[Jean de Brunhoff]] qui la décore dans le thème de sa création, [[Babar]] l'éléphant<ref>{{fr}} [http://www.ecoledesloisirs.fr/php-edl/auteurs/fiche-auteur.php?codeauteur=43 « Jean de Brunhoff »], ''L'école des loisirs''. Consulté le 12 février 2010.</ref>. Durant la première saison, elle sert également à l'occasion de [[synagogue]], cette dernière ayant été oubliée<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=78}}.</ref>.

=== Cabines de première classe ===

Les cabines de première classe se distinguent par leur confort et le luxe des installations. Les fauteuils légers et les sièges de coiffeuses, en bois de sycomore et velours, sont conçus par la maison Dominique et par le tapissier Lelièvre. De grands fauteuils de repos en acajou sont commandés au décorateur Marcel Perreau. Les lits d'angle des première classe, en plaquage de palissandre (retirés après leur transformation en « cabines touristes » en 1936) sont conçus par les établissements Schmidt (qui conçoivent aussi des armoires) et le tapissier Edmond Petit. Des tapis au décor minimaliste sont livrés par [[Léon Émile Bouchet]].

Quatre appartements dits « de grand luxe » sont aménagés sur le navire (appartements « Normandie », « Deauville », « Trouville », et « Rouen »). S'étendant chacun sur {{unité|200|m²}}, ils comportent quatre chambres, deux salles de bain, un salon, une salle à manger privée, et une terrasse.

=== Parties communes de la Classe tourisme ===

La décoration de la salle de jeux de la classe tourisme est du peintre breton [[Louis Garin]], l'artiste [[Yves Alix (artiste)|Yves Alix]] fournit également des décorations murales. L'architecte décorateur et peintre [[Louis Süe]] (1875-1968) installe un appartement de luxe, '' Le Deauville'', en [[1934]]-[[1935]]<ref>Susan Day, ''Louis Süe'', {{p.|7, 17}}.</ref>. Le fumoir de la classe tourisme est pourvu de fauteuils créés par Marc Simon avec une garniture de cuir rouge.


== Postérité ==
== Postérité ==
En 1935, la Poste française émet un timbre-poste de {{unité|1.50|Fr}}<ref>[http://www.wikitimbres.fr/timbres/afficher_hd/2194 Voir le timbre].</ref>.

Le navire apparait dans deux albums de ''Tintin'' : dans la version couleur de ''[[Tintin en Amérique]]'' (sorti en 1946 et alors que le paquebot n'existait déjà plus)<ref name="Hergé">{{Ouvrage|auteur1=collectif |titre=A la découverte des grands ports du monde avec Tintin|sous-titre=Shangaï - Saint-Nazaire - Anvers - New York - Port Saïd... |éditeur=Ouest-France|année=2016 |pages totales=128 |passage=p.37 |isbn= |lire en ligne= }}.</ref> et dans la version noir et blanc (1937) de ''[[L'Oreille cassée]]'' (avec une erreur, de la fumée sortant de la troisième cheminée factice). Hergé le dessinera aussi dans la première édition (1936) d'un album des ''[[Les Aventures de Jo, Zette et Jocko|Aventures de Jo, Zette et Jocko]]'', ''[[L'Éruption du Karamako]]'' (avec la même erreur sur la {{3e}} cheminée)<ref name="Hergé"/>.

=== Remplacement du ''Normandie'' ===
=== Remplacement du ''Normandie'' ===
[[Fichier:SS Liberte.jpg|thumb|Après la guerre, le ''Europa'', cédé en dédommagement, devient le ''Liberté'', remplaçant du ''Normandie''.|alt=Le Liberté vu de profil]]
[[Fichier:SS Liberte.jpg|vignette|Après la guerre, l{{'}}''Europa'', cédé au titre des dommages de guerre, devient le ''Liberté'', modeste remplaçant de ''Normandie''.|alt=Le Liberté vu de profil]]
La perte du ''Normandie'' se ressent véritablement lorsque la [[Compagnie générale transatlantique]] fait le bilan de la [[Seconde Guerre mondiale]] : elle a perdu 44 navires dans le conflit, c'est-à-dire les deux tiers de sa flotte. Ne reste comme navire d'ampleur que l'''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'' qui doit d'abord achever son service de transport de troupes. À l'inverse, toutes les autres grandes compagnies (à l'exception des allemandes), ont réussi à préserver une partie de leurs navires, notamment les deux {{lang|en|''Queen''}}. La situation de la Transat est donc préoccupante, et la perte du ''Normandie'' est en très grande partie responsable de cet état de fait<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=182}}</ref>. La compagnie reçoit cependant une compensation des États-Unis, en dollars, qui lui permet de construire trois navires, mais aussi en nature avec le {{lang|de|''[[SS Europa (1930)|Europa]]''}} fraîchement saisi aux allemands. La Transat fait également renflouer le ''[[De Grasse (paquebot)|De Grasse]]'', coulé durant le conflit mais récupérable<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=183}}</ref>.
La perte du ''Normandie'' se ressent véritablement lorsque la [[Compagnie générale transatlantique]] fait le bilan de la [[Seconde Guerre mondiale]] : elle a perdu {{unité|44|navires}} dans le conflit, c'est-à-dire les deux tiers de sa flotte. Ne reste comme navire important que l'''[[Île-de-France (paquebot)|Île-de-France]]'' qui doit d'abord achever son service de transport de troupes. À l'inverse, toutes les autres grandes compagnies (à l'exception des allemandes), ont réussi à préserver une partie de leurs navires, notamment les deux {{langue|en|''Queen''}}. La situation de la Transat est donc préoccupante, et la perte du ''Normandie'' est en très grande partie responsable de cet état de fait<ref name="Frédéric Ollivier"/>. La compagnie reçoit cependant une compensation des États-Unis, en dollars, qui lui permet de construire trois navires, mais aussi en nature avec l'{{langue|de|''[[SS Europa|Europa]]''}} fraîchement remis à la France par l'Allemagne, au titre de réparation des dommages de guerre. La Transat fait également renflouer le ''[[De Grasse (paquebot)|De Grasse]]'', coulé durant le conflit mais récupérable<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=183}}.</ref>.


Ce n'est qu'en 1950, après un quasi-naufrage, que le paquebot allemand, rebaptisé ''Liberté'', peut prendre la mer aux côtés de l’''Île-de-France''. À son bord se trouvent une partie des éléments décoratifs du ''Normandie'' qui avaient été démontés avant le naufrage : lorsqu'il rentre en service, le ''Liberté'' n'a plus grand chose à voir avec ce qu'il était à son lancement, et porte haut les couleurs de sa compagnie<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=184}}</ref>. La Transat s'impose un temps, mais ses navires peinent à affronter les nouveaux géants, qu'il s'agisse des deux {{lang|en|''Queen''}}, du {{lang|en|''[[United States (paquebot)|United States]]''}} ou de l’''[[Andrea Doria (paquebot)|Andrea Doria]]''<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=185}}</ref>. La Transat frappe, en 1962, un dernier coup d'éclat avec le ''[[France (paquebot)|France]]'' dont les formes s'apparentent au ''Normandie'', tout comme les polémiques qui entourent sa construction. Cependant, le contexte n'est pas le même et la concurrence du trafic aérien l'empêche de connaître une carrière couronnée de succès<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=186 - 187}}</ref>.
Ce n'est qu'en 1950, après un quasi-naufrage, que l{{'}}''Europa'', rebaptisé ''Liberté'', peut naviguer aux côtés de l’''Île-de-France''. À son bord se trouvent une partie des éléments décoratifs du ''Normandie'' qui avaient été démontés avant l'incendie : lorsqu'il rentre en service, le ''Liberté'' n'a plus grand chose à voir avec ce qu'il était à son lancement, et porte haut les couleurs de sa compagnie<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=184}}.</ref>. La Transat s'impose un temps, mais ses navires peinent à affronter les nouveaux géants, qu'il s'agisse des deux {{langue|en|''Queen''}}, du {{langue|en|''[[United States (paquebot)|United States]]''}} ou de l’''[[Andrea Doria (paquebot)|Andrea Doria]]''<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=185}}.</ref>. La Transat frappe, en 1962, un dernier coup d'éclat avec le ''[[France (paquebot)|France]]'' dont les formes de coque s'apparentent à celles du ''Normandie'', tout comme les polémiques qui entourent sa construction. Cependant, le contexte n'est pas le même et la concurrence du trafic aérien l'empêche de connaître une carrière couronnée de succès<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=186 - 187}}.</ref>.


=== Héritage du navire ===
=== Navire de légende ===
[[Fichier:La Normandie (Dinky Toys 52c).jpg|thumb|left|Un [[Dinky Toys|Dinky Toy]] représentant le ''Normandie''.|alt=modèle miniature du Normandie et son emballage]]
[[Fichier:La Normandie (Dinky Toys 52c).jpg|vignette|left|Un [[Dinky Toys|Dinky Toy]] représentant le ''Normandie''.|alt=modèle miniature du Normandie et son emballage]]
Le ''Normandie'' occupe une place à part dans l'histoire de la marine marchande française : il est le seul paquebot français à avoir détenu le [[Ruban bleu]], et le seul également à avoir été le [[liste des plus gros paquebots|plus gros navire jamais construit à son époque]]. Le ''Normandie'' est en effet considéré comme un des meilleurs [[paquebot]]s jamais construits, sinon comme le meilleur<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=7}}</ref>. Par sa décoration, le paquebot a également acquis une place de référence dans le domaine de la décoration de style [[Art déco]], en représentant de l'art français des années 1930, et est à ce titre souvent considéré comme l'un des plus beaux paquebots du monde<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=102}}</ref>.
Le ''Normandie'' occupe une place à part dans l'histoire de la marine marchande française en étant le seul paquebot français à avoir détenu le [[ruban bleu]] et le seul également à avoir été le [[liste des plus gros paquebots|plus gros navire jamais construit à son époque]]. Le ''Normandie'' est en effet considéré comme un des meilleurs [[paquebot]]s jamais construits, sinon comme le meilleur<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=7}}.</ref>. Par sa décoration, le paquebot a également acquis une place de référence dans le domaine de la décoration de style [[Art déco]], en représentant de l'art français des années 1930, et est à ce titre souvent considéré comme l'un des plus beaux paquebots du monde<ref>{{harvsp|Frédéric Ollivier|2005|p=102}}.</ref>.


La fin du navire l'a également fait entrer, d'une autre façon, dans la légende. Pour beaucoup, en effet, la perte du navire ne peut être accidentelle, et avant même les conclusions de la Navy, le sabotage est évoqué, qu'il vienne des équipages français fidèles au [[régime de Vichy]] ou de la [[Mafia italo-américaine|Mafia]]. Tous ces faits sont cependant sérieusement démentis<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=13}}</ref>. L'épave du navire peut également être vue l'année même du naufrage, dans le film ''[[Cinquième Colonne]]'' d'[[Alfred Hitchcock]]<ref>{{fr}} [http://www.imdb.fr/title/tt0035279/combined « ''Cinquième colonne'' »], ''[[IMDb]]''. Consulté le 12 février 2011</ref>. Le film ''[[Paris-New York]]'' a également été tourné à son bord en 1939<ref>{{fr}} [http://www.imdb.fr/title/tt0160639/combined « ''Paris New-York'' »], ''[[IMDb]]''. Consulté le 12 février 2011</ref>.
La fin du navire l'a également fait entrer, d'une autre façon, dans la légende. Pour beaucoup, en effet, la perte du navire ne peut être accidentelle, et avant même les conclusions de la marine américaine, le sabotage est évoqué, qu'il vienne des équipages français fidèles au [[régime de Vichy]] ou de la [[Mafia italo-américaine|Mafia]]. Tous ces faits sont cependant sérieusement démentis<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=13}}.</ref>. L'épave du navire peut également être vue l'année même du naufrage, dans le film ''[[Cinquième colonne]]'' d'[[Alfred Hitchcock]]<ref>{{fr}} [http://www.imdb.fr/title/tt0035279/combined « ''Cinquième colonne'' »], ''[[IMDb]]''. Consulté le 12 février 2011.</ref>. Le film ''[[Paris-New York]]'' a également été tourné à son bord en 1939<ref>{{fr}} [http://www.imdb.fr/title/tt0160639/combined « ''Paris New-York'' »], ''[[IMDb]]''. Consulté le 12 février 2011.</ref>.


Enfin, de nombreux éléments de mobilier et de la décoration du ''Normandie'' qui avaient été démontés peu avant le naufrage ont été vendus aux enchères, et dispersés à travers le monde chez des collectionneurs particuliers ou dans des musées. Le paquebot ''[[Millennium (paquebot)#Summit|Celebrity Summit]]'' des [[Celebrity Cruises]] est équipé d'un restaurant décoré d'éléments du ''Normandie''<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=242 - 243}}</ref>.
Enfin, de nombreux éléments de mobilier et de la décoration du ''Normandie'' qui avaient été démontés peu avant le naufrage ont été vendus aux enchères et dispersés à travers le monde chez des collectionneurs particuliers ou dans des musées. Le paquebot ''[[Millennium (paquebot)#Summit|Celebrity Summit]]'' des [[Celebrity Cruises]] est équipé d'un restaurant décoré d'éléments du ''Normandie''<ref>{{harvsp|John Maxtone-Graham|2007|p=242 - 243}}.</ref>.

Le ''Normandie'' a fait l'objet d'une exposition intitulée « Il y a cinquante ans Normandie » au [[musée national de la Marine]] du {{date|16 avril}} au {{date|15 mai 1985}}.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
=== Notes ===
{{Références|groupe=Note}}
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=== Références ===
=== Références ===
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== Annexes ==
== Annexes ==
{{Autres projets
{{Autres projets
|commons=Category:SS Normandie
|commons=Category:Normandie (ship, 1935)
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}}

=== Articles connexes ===
* [[Compagnie générale transatlantique]]
* [[Île-de-France (paquebot)]]
* [[Ruban bleu]]
* [[Vladimir Yourkevitch]]


=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}
{{Légende plume}}
* {{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=Frank Osborn Braynard|titre=Picture history of the Normandie with 190 illustrations|lieu=|éditeur=Dover Publications|année=1987|pages=133|isbn=0486252574}}
* {{ouvrage|langue=en|auteur=Frank Osborn Braynard|titre=Picture history of the « Normandie » with 190 illustrations|éditeur=Dover Publications|année=1987|pages=133|isbn=0486252574}}
* {{ouvrage|lien langue={{fr}}|auteur=Bruno Foucart, François Robichon|titre=Normandie: l'épopée du "Géant des mers"|lieu=|éditeur=Herscher|année=1985|pages=207|isbn=2733500864}}
* {{ouvrage|langue=fr|auteur=[[Bruno Foucart]], François Robichon|titre=« Normandie » : l'épopée du « Géant des mers »|éditeur=Herscher|année=1985|pages=207|isbn=2733500864}}
* {{ouvrage|lien langue={{fr}}|auteur=L'Illustration, ouvrage collectif|lien auteur=L'Illustration|titre=Les Grands Dossiers de ''L'Illustration'' - Les paquebots|éditeur=Le Livre de Paris|année=1987|isbn=2904310894}} {{plume}}
* {{ouvrage|langue=fr|auteur=L'Illustration, ouvrage collectif|lien auteur=L'Illustration|titre=Les Grands Dossiers de L'Illustration - ''« Les Paquebots »''|éditeur=Le Livre de Paris|année=1987|isbn=2904310894}} {{plume}}
* {{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=John Maxtone-Graham|titre=Normandie: France's legendary art deco ocean liner|lieu=|éditeur=W.W. Norton & Company|année=2007|pages=259|isbn=0393061205}} {{Plume}}
* {{ouvrage|langue=en|auteur=John Maxtone-Graham|titre=« Normandie »: France's legendary art deco ocean liner|éditeur=W.W. Norton & Company|année=2007|pages=259|isbn=0393061205}} {{Plume}}
* Adrien Motel, ''Normandie, un rêve français'', Paris, [[éditions Place des Victoires]], 2022
* {{ouvrage|lien langue={{fr}}|auteur=Jean-Pierre Mogui|titre=Le Normandie, seigneur de l'Atlantique|lieu=|éditeur=Denoël|année=1985|pages=169|isbn=2207231429}}
* {{ouvrage|lien langue={{fr}}|auteur=Frédéric Ollivier|titre=Normandie: un chef-d'œuvre français (1935-1942)|lieu=|éditeur=Chasse-marée|année=2005|pages=191|isbn=2914208804}} {{plume}}
* {{ouvrage|langue=fr|auteur=Jean-Pierre Mogui|titre=Le « Normandie », seigneur de l'Atlantique|éditeur=Denoël|année=1985|pages=169|isbn=2207231429}}
* {{ouvrage|langue=fr|auteur=Frédéric Ollivier|titre=« Normandie »: un chef-d'œuvre français (1935-1942)|éditeur=Chasse-marée|année=2005|pages=191|isbn=2914208804}} {{plume}}
* {{ouvrage|langue=fr|nom1=Banet-Rivet|prénom1=Raoul|titre=Souvenirs 1893-1958|éditeur=BoD|année=2012|isbn=9782810624751}}
* ''Il y a cinquante ans Normandie'', catalogue d'exposition, Paris : [[Musée national de la Marine]], 1985
* Louis-René Vian, ''Arts décoratifs à bord des paquebots français, 1880-1960'', Paris, Editions Fonmare, 1992.
* Louis-René Vian, ''Paquebots de légende, décors de rêve'', catalogue d'exposition, Paris : Musée national de la Marine, {{date|5 décembre 1991}} - {{date|5 mars 1992}}, Paris, Atelier P. Gentil, 1991.
* Jean-Francois Pahun, ''L'incendie du Normandie, un sabotage nazi en plein cœur de New York ?'' - Ouest-France - 2022 - 192 p. - {{ISBN|978-2737386381}}.


=== Filmographie ===
=== Filmographie ===
* Documentaire, [[Éric Lange]] & [[Claude Villers]], ''À bord du Normandie'', France, 2006 (52 minutes)
* Documentaire, [[Éric Lange]] & [[Claude Villers]], ''À bord du « Normandie »'', France, 2006 ({{nombre|52|minutes}}).
* Documentaire, Tal Zana, ''Normandie ne partira pas ce soir'', France, 2021 ({{nombre|52|minutes}}).
* Documentaire, Jean-François Pahun, ''Normandie, l'ombre d'un doute'', France, 2022 ({{nombre|64|minutes}}).


=== Liens externes ===
=== Articles connexes ===
* [[Liste des navires construits aux Chantiers de l'Atlantique]]
* {{fr}} [http://www.frenchlines.com/index.php Association French Lines], site de l'association chargée de la sauvegarde du patrimoine des compagnies françaises, avec notamment des photos et des listes de passagers
* [[Histoire de la construction navale dans l'estuaire de la Loire]]
* {{fr}} [http://www.paquebot-normandie.net/ ''Paquebot Normandie''], site consacré au ''Normandie'', en particulier aux collections d'objets en provenant
* [[Île-de-France (paquebot)|''Île-de-France'' (paquebot)]]
* [[Ruban bleu]]
* [[Vladimir Yourkevitch]]

=== Liens externes ===
{{Liens}}
* [http://www.frenchlines.com/index.php Association French Lines], site de l'association chargée de la sauvegarde du patrimoine des compagnies françaises, avec notamment des photos et des listes de passagers
* [http://www.paquebot-normandie.net Paquebot ''Normandie''], site consacré au ''Normandie'', en particulier aux collections d'objets en provenant
* {{en}} [http://www.thegreatoceanliners.com/normandie2.html ''Normandie'' sur ''The Great Ocean Liners''], site consacré aux grands paquebots de l'histoire
* {{en}} [http://www.thegreatoceanliners.com/normandie2.html ''Normandie'' sur ''The Great Ocean Liners''], site consacré aux grands paquebots de l'histoire


{{Palette|Compagnie générale transatlantique}}
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[[Catégorie:Transatlantique]]
[[Catégorie:Transatlantique]]
[[Catégorie:Nom de bateau]]
[[Catégorie:Nom de bateau]]
[[Catégorie:Bateau des années 1930]]
[[Catégorie:Bateau lancé en 1932]]
[[Catégorie:Histoire maritime du Havre]]
[[Catégorie:Histoire maritime du Havre]]
[[Catégorie:Compagnie générale transatlantique|Normandie]]
[[Catégorie:Compagnie générale transatlantique]]
[[Catégorie:Navire construit à Saint-Nazaire]]

[[Catégorie:Bateau détruit par le feu]]
[[da:SS Normandie]]
[[Catégorie:Navire démoli en 1946]]
[[de:Normandie (Schiff)]]
[[en:SS Normandie]]
[[es:SS Normandie]]
[[fi:S/S Normandie]]
[[hr:Normandie]]
[[hu:SS Normandie]]
[[it:Normandie (transatlantico)]]
[[ja:ノルマンディー (客船)]]
[[nl:Normandie (schip)]]
[[no:SS «Normandie»]]
[[pl:SS Normandie]]
[[ru:Нормандия (лайнер)]]

Dernière version du 23 juin 2024 à 23:15

Normandie
illustration de Normandie (paquebot)

Autres noms T6 (construction)
Lafayette (1942-1947)
Type Paquebot transatlantique
Histoire
Chantier naval Chantiers de Penhoët, Saint-Nazaire
Quille posée
Lancement
Mise en service
Statut Incendié en 1942
Démoli en
Équipage
Équipage 1 345
Caractéristiques techniques
Longueur 313,75 m
Maître-bau 36,40 m
Tirant d'eau 11,20 m
Déplacement 70 171 t
Port en lourd 14 420 t
Tonnage 79 280 tjb (1935)
82 799 tjb (1936)
83 423 tjb (1937)
Propulsion à vapeur, turbo-électrique. 29 chaudières Penhoët à tubes d'eau, quatre groupes turbine à vapeur - alternateur triphasé (6000 V 81 Hz), quatre moteurs électriques synchrones
Puissance 160 000 ch[1]
Vitesse 32,2 nœuds
Caractéristiques commerciales
Pont 12
Passagers 1 971[2]
Carrière
Armateur Compagnie générale transatlantique (1935-1941)
US Navy (1941-1946)
Pavillon France (1935-1941)
États-Unis (1941-1946)
Port d'attache Le Havre
Coût 860 millions de francs[3]

Le Normandie est un paquebot transatlantique de la Compagnie générale transatlantique, construit par les chantiers de Penhoët (actuels Chantiers de l'Atlantique) à Saint-Nazaire à partir de 1931 et immatriculé au Port du Havre en 1935.

Le projet voit le jour dès 1926, en étroite collaboration avec l'État, dans le cadre des obligations de la convention postale de 1912[4] et dans la continuité des paquebots France, Paris et Île-de-France. Le projet vise à donner à la France un navire à la fois grand et rapide. Le chantier débute le 26 janvier 1931 à Saint-Nazaire[4], la coque est alors nommée T6. La Grande dépression ralentit la construction et la mise en service du paquebot n’est effective qu’en 1935.

Lorsqu'il entre en service commercial, le Normandie est le plus grand paquebot au monde[4]. Son voyage inaugural constitue un événement médiatique considérable, intégralement couvert par la presse française et internationale. Le succès du navire est total. Il pulvérise le record de traversée de l’Atlantique et confère un immense prestige à la France. Des modifications sont entreprises en 1936 avant que le luxueux paquebot entre en compétition avec son rival anglais Queen Mary. La lutte pour le Ruban bleu dure deux ans et passionne le monde entier.

La carrière commerciale du Normandie est marquée par une immense popularité auprès des vedettes et une importante médiatisation de ses voyages. Le paquebot est largement utilisé par les pouvoirs publics français à des fins de propagande nationale, visant à dire au monde que le Normandie est l’incarnation absolue de la France des années 1930.

La carrière du Normandie est cependant interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Le paquebot est désarmé et demeure à quai dans le port de New York. Fin 1941, il est réquisitionné par les États-Unis et renommé USS Lafayette, pour être transformé en transport de troupes rapide. Un incendie a priori accidentel se déclare durant des travaux, en 1942. Les tonnes d'eau utilisées par les pompiers font chavirer le navire sous l'effet de la marée. Après la guerre, la France refuse de récupérer la carcasse ravagée. La coque, réduite à l'état d'épave, est alors démolie jusqu’en octobre 1947.

Malgré la brièveté de sa carrière (4 ans), le Normandie laisse une empreinte profonde dans la mémoire universelle. Il est considéré comme le paquebot le plus réussi de l'histoire. Ses installations, particulièrement somptueuses, lui permettent d'être encore considéré comme le plus beau et le plus luxueux paquebot jamais construit. Véritable symbole du savoir-faire et de l'art de vivre national, son histoire est intimement liée à celle de la France des années 1930. Apparaissant dans plusieurs films, le Normandie installe une image de modernité et de puissance durablement associée à son époque. Ses éléments décoratifs, démontés et débarqués avant les travaux de transformation, ont été répartis dans plusieurs musées et collections particulières à travers le monde.

Histoire[modifier | modifier le code]

Conception et construction[modifier | modifier le code]

Naissance du projet[modifier | modifier le code]

Le succès de l’Île-de-France, fleuron de la compagnie, est à l'origine du projet de construction de Normandie.

En 1912, lorsque la Compagnie générale transatlantique (C.G.T. ou Transat) lance le France, elle signe avec l'État une convention prévoyant la mise en service de trois autres navires d'ici 1932. C'est sans compter la Première Guerre mondiale qui retarde sérieusement ces plans. Le deuxième navire, le Paris, n'entre en service qu'en 1921 et le troisième, l’Île-de-France en 1927. Le Normandie est donc conçu, bien qu'en retard, dans la continuité de ce programme[5]. La fin des années 1920 voit par ailleurs la marine britannique céder du terrain face à l'Allemagne qui se relève de la guerre avec le Bremen et l'Europa qui remportent le Ruban bleu[6].

La C.G.T. termine l'année 1928 sur un bilan très positif : l'Île-de-France est un paquebot très populaire et les bénéfices sont au rendez-vous. Suivant l'exemple des compagnies britanniques White Star et Cunard Line qui projettent de construire deux grands navires[Note 1] pour renouveler leur flotte, le président de la Transat, John Dal Piaz, envisage la construction d'un nouveau navire à la fois grand et rapide[7]. Aux aspects économiques s'ajoute un motif symbolique : la construction de ce navire doit perpétuer l'image d'une France victorieuse et audacieuse dans un contexte de crise[8].

Le projet se concrétise rapidement : dès 1929, les chantiers de Penhoët, à Saint-Nazaire, entament des travaux d'aménagement du site pour permettre de construire ce qui apparaît alors comme un « super Île-de-France »[9]. Dans le même temps, des études sont menées pour établir le profil du nouveau paquebot : il doit être rapide pour effectuer un maximum de traversées et donc être plus rentable. Il doit aussi pouvoir transporter plus de passagers que les autres navires de la compagnie, ce qui implique une taille imposante[10]. La coque est conçue par le Russe Vladimir Yourkevitch, au grand dam des ingénieurs français qui tentent de minimiser son rôle[11]. Des essais en bassin avec une maquette ont lieu en 1929 et 1930, et l'avis des chantiers allemands Blohm & Voss (constructeurs de l'Europa) est sollicité[12]. Le , la C.G.T. passe commande du navire aux chantiers pour un prix de 700 millions de francs[13]. Cependant, la véritable lettre de commande n'est signée que le , bien après le début de la construction[14].

Une construction difficile[modifier | modifier le code]

Carte postale en couleurs représentant un grand paquebot aux trois cheminées tassées : l’Oceanic
Comme pour l’Oceanic de la White Star Line, la construction du Normandie a failli cesser à cause de la crise économique.

Les travaux débutent le dans les chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire en présence d'invités de marque[15]. Le projet porte alors le nom de « T6 » donné par les constructeurs[13]. Dans le même temps, les chantiers se dotent d'une cale sèche, la forme Joubert, de taille suffisante pour accueillir la coque lorsqu'elle sera terminée[16]. La Compagnie générale transatlantique connaît cependant avec la crise de 1929 de graves difficultés financières. À partir de 1930, elle doit faire appel à l'État par le biais d'emprunts, puis se retrouve finalement sous sa tutelle à partir du [17]. Ainsi, la construction du paquebot peut se poursuivre. À plusieurs reprises, il est question de l'interrompre : la White Star Line et la Cunard ont déjà fait de même avec leurs Oceanic et Queen Mary. Cependant, l'administrateur directeur général de la Transat, Henri Cangardel, et son président, Marcel Olivier, s'échinent à mettre en valeur les avantages que le navire pourrait apporter à la France, et parvient à maintenir le projet sur les rails[18].

photographie de Marguerite Lebrun dans les années 1930
Marguerite Lebrun, épouse du président de la République, a été la marraine de Normandie baptisé lors de son lancement le 29 octobre 1932.

En , la commande est confirmée, affirmant la volonté des constructeurs de voir leur navire achevé[19]. C'est à cette période que la Transat s'interroge finalement sur le nom à donner à son bateau amiral. L'appellation Président Paul-Doumer est proposée par le ministre de la Marine marchande en hommage à Paul Doumer, président de la République assassiné la même année. Cependant, Henri Cangardel et d'autres responsables de la compagnie s'opposent à ce nom, qui, prononcé à l'anglaise, se rapproche de doomed (« maudit »)[20]. Le , le nom de Normandie est finalement choisi par le conseil d'administration sur proposition de Cangardel. Il avait déjà fait ses preuves sur un navire de la fin du siècle précédent, et rappelle la tradition qu'a la compagnie de donner à ses navires le nom de provinces françaises[Note 2],[21].

À la même époque, la coque du paquebot est achevée. Le navire est prêt à être lancé le , devant une foule de plus de 200 000 personnes[22]. Le président Albert Lebrun prononce un discours à la gloire de la construction navale française[23], puis son épouse Marguerite, marraine du navire, brise la traditionnelle bouteille de champagne sur son étrave[24]. Normandie est ensuite lancé sans problème[25].

La construction est cependant loin d'être terminée. Le paquebot maintenant à flot doit recevoir ses équipements et aménagements, et est remorqué dans un bassin prévu à cet effet où il séjourne près de quarante mois[26]. Le voyage inaugural du paquebot est en effet prévu pour 1934, mais un événement imprévu repousse l'échéance. L'Atlantique, fleuron de la Compagnie Sud Atlantique, a été victime d'un grave incendie à la mer le [27]et a été remorqué à l'état d'épave calcinée dans le port de Cherbourg après un duel épique entre les remorqueurs français et leurs collègues et rivaux néerlandais. Ceci vient après le drame du Georges Philippar qui a donné mauvaise presse aux navires français. Les officiels de la compagnie décident donc de faire en sorte que leur nouveau navire soit bien protégé contre le feu, et celui-ci est donc équipé de nouveaux dispositifs à cet effet. Ceci fait que la traversée inaugurale est repoussée à 1935[28]. Les machines sont installées durant l'été 1933, et les cheminées et mâts sont placés l'été suivant[29]. En , la Transat annonce que le voyage inaugural aura lieu fin  : elle permet ainsi à son navire de bénéficier de quelques mois de tranquillité avant l'arrivée du Queen Mary, dont la construction a repris au pas de course[30].

Essais à la mer[modifier | modifier le code]

Le Normandie en mer, vu du ciel.
Lors de ses essais, le Normandie a montré sa capacité à atteindre de grandes vitesses.

Avec l'achèvement du navire vient le moment de lui affecter un équipage. Pour commander son tout nouveau navire, la compagnie choisit une solution originale. Elle désigne en effet son capitaine au long cours le plus expérimenté, René Pugnet, mais comme celui-ci doit partir à la retraite l'année suivante, un commandant adjoint, Pierre Thoreux se forme à ses côtés, avant de lui succéder à la passerelle du Normandie[31]. Les travaux se finissent à un rythme soutenu pour que le navire puisse effectuer ses essais début mai. Les chantiers de Penhoët doivent faire face à une grève[Note 3], mais réussissent à tenir les délais[32].

Comme de coutume au sein des chantiers de Penhoët, deux périodes d'essais à la mer sont prévues pour évaluer les performances du navire. Cependant, les retards dans la construction s'accumulent, et il est impossible de repousser le voyage inaugural. Les chantiers prennent donc la décision de réunir en une seule les deux périodes. Par ailleurs, le paquebot partira ensuite directement pour Le Havre sans repasser à Saint-Nazaire comme c'était prévu. Enfin, une décision choque : des journalistes seront présents à bord durant les essais, au grand dam de son état-major[33].

Le , le Normandie appareille pour effectuer ses premiers essais sur la base de vitesse des Glénan. Ceux-ci se déroulent jusqu'au 11. En plus des journalistes et de l'équipage, sont présents à bord des ouvriers chargés de terminer certaines installations en vue de la traversée inaugurale[34]. Les essais se montrent fort concluants. La vitesse de 59 km/h (32 nœuds) est dépassée. Elle fait du Normandie le premier prétendant français crédible au très convoité Ruban bleu. En avant toute à 56 km/h (30 nœuds),le Normandie casse son erre en seulement 1 700 mètres, soit moins de six longueurs de coque[35]. Un seul problème vient noircir le tableau : à grande vitesse, les hélices créent des vibrations très fortes sur le tiers arrière du Normandie. Certaines installations de troisième classe, de classe touriste et même de première sont de fait rendues inconfortables dans ces conditions[36].

Une courte mais emblématique carrière commerciale[modifier | modifier le code]

Une traversée inaugurale couronnée de succès[modifier | modifier le code]

Albert Lebrun en 1937
Quelques jours avant le départ, le Président Albert Lebrun préside un dîner de gala à bord de Normandie.
Inauguration de Normandie le 27 mai 1935 - Gallica, BnF.

Quelques jours après son arrivée au Havre,le Normandie est victime d'une grève des équipages des paquebots de la Compagnie générale transatlantique, fortement condamnée par le gouvernement qui parvient finalement à négocier un retour au travail[37]. Le est organisé à bord du paquebot un dîner d'apparat d'un millier de convives avec en invité d'honneur le Président Lebrun[38]. Après les festivités qui se poursuivent dans les salons de première classe, les invités de marque sont hébergés dans certaines des cabines — parfois inachevées — du navire, les autres dormant à bord du Paris. Albert Lebrun modifie pour sa part son programme et demande à dormir dans un des appartements de luxe du navire plutôt qu'à l'hôtel où il devait rejoindre son épouse[39]. Les festivités n'en sont pas pour autant terminées : dans les jours qui suivent, les journalistes continuent à visiter le navire, et une soirée de charité est organisée. Le , le cardinal Verdier et André de la Villerabel consacrent la chapelle du navire[40].

Cachet postal pour la croisière inaugurale de Normandie.

Le mercredi , jour du départ, c'est la panique : une panne électrique frappe le navire, faisant craindre au directeur général de la compagnie, Henri Cangardel, une opération de sabotage. Il n'en est rien, cependant : le problème, dû à une entrée d'eau, est rapidement résolu[41]. Vers 18 h 30, le Normandie appareille devant une foule immense. À bord, on dénombre un peu plus de 1 000 passagers, en tête desquels se trouve Marguerite Lebrun, épouse du président et marraine du navire, accompagnée de sa fille et de sa belle-fille[37]. Ce ne sont pas les seuls hôtes de marque du paquebot : nombre de personnalités participent à cette traversée. On y trouve ainsi les écrivains Colette et Blaise Cendrars, Pierre Dumas reporter pour L'Ouest-éclair, l'actrice Valentine Tessier, les duettistes Pills et Tabet, plusieurs nobles, ministres et sénateurs, deux académiciens français et le maharajah de Kapurthala[42]. Enfin, les milieux maritimes ne sont pas en reste puisque les officiels de la C.G.T. et des chantiers de Penhoët sont présents, de même que le président de la Navigazione generale italiana, Antonio Cosulich[43].

Le Normandie passe devant Ellis Island
Normandie arrive à New York à la fin de sa première traversée.

Après une escale à Southampton, le Normandie franchit Bishop rock dans la matinée du 30. C'est le repère officiel de départ pour l'attribution du Ruban bleu. Cette récompense qui est remise au navire ayant traversé l'Atlantique le plus rapidement est détenue alors par le paquebot italien Rex. Si les officiels de la Transat refusent jusqu'au dernier moment de se prononcer sur leurs attentes quant à cette récompense, les pronostics vont bon train parmi les passagers pour savoir si le record sera battu[44]. Une avarie sur un condenseur survenue deux jours après le départ force l'équipage à stopper l'un des moteurs ; le paquebot conserve cependant une vitesse moyenne de 52 km/h (28 nœuds) et, une fois le problème réglé, réussit à repasser au-dessus des 56 (30)[45]. Les passagers sont bien loin de ces préoccupations et se voient proposer nombre de divertissements. Le 30 au soir, une première mondiale de Pasteur, de Sacha Guitry est organisée. Le lendemain, le café-grill est inauguré par Madame Lebrun dans une ambiance festive en dépit des fortes vibrations dans cette partie du navire[46].

Le Ruban bleu reste pour la compagnie un sujet tabou jusqu'au dernier jour : le commandant Pugnet se voit même ordonner de ralentir, pour ne pas dépasser le bateau-phare d'Ambrose (repère d'arrivée) avant 11 h 30 le . Il n'en fait rien, et le navire arrive une demi-heure plus tôt. Avec une vitesse moyenne de 55.45 km/h (29,94 nœuds) et une traversée effectuée en quatre jours, trois heures et deux minutes,le Normandie bat le record du Rex de dix heures. Il devient le premier paquebot français à remporter le Ruban bleu, et est le seul à avoir jamais reçu cette distinction[47]. New York est en ébullition et les médias retransmettent la nouvelle tandis que les dîners de gala se succèdent[48]. Le paquebot s'amarre au quai Pier 88, qui a été agrandi pour lui permettre de s'accoster[49].

Modernisation de 1935 - 1936[modifier | modifier le code]

La modernisation de 1936 a permis au Normandie de se maintenir à niveau face à l'arrivée imminente du Queen Mary (ci-dessus) sur le marché.

Après sa traversée inaugurale,le Normandie fait encore 8 allers-retours entre Le Havre et New York. Le , la saison s'achève[50]. Pour instaurer un roulement, la Transat avait un temps envisagé de construire à son paquebot phare un sister-ship nommé Bretagne : ses autres navires ne sont en effet pas capables d'atteindre des vitesses aussi élevées, créant un déséquilibre. Cependant, ce projet ne voit jamais le jour. En revanche, de grandes modifications sont prévues pour le Normandie dès son premier hiver[51]. Celles-ci ont avant tout pour but d'éliminer le problème des vibrations dans le tiers arrière. Ce problème est en effet loin d'être mineur car il endommage les tuyauteries et systèmes électriques du navire, et empêche les passagers de dormir. Après expérimentations, il est déterminé que le problème est dû aux hélices à trois pales du navire. Celles-ci sont remplacées par des hélices à quatre pales dont les mouvements se révèlent plus fluides dans l'eau[50].

D'autres modifications plus structurelles sont faites. La première concerne le salon des touristes : le précédent, au centre du navire, n'avait pas de sabords. Un nouveau est donc construit sur une esplanade à l'arrière du grill, qui était jusque-là destinée aux passagers de première. La modification a un but double : ceci permet d'améliorer la qualité de vie de la classe touriste pour mieux concurrencer le Queen Mary sur le point d'entrer en service, et ces changements font passer la jauge du Normandie de 79 000 à 82 000 tjb : il dépasse ainsi son futur concurrent britannique et reste jusqu'à 1940 le plus gros paquebot jamais construit[52]. D'autres installations sont modifiées, avec la création d'une chapelle pour la classe touriste et d'une synagogue[53]. La forme de la passerelle de navigation est également modifiée, les ailerons de manœuvre courbes laissant place à des ailerons rectilignes[54].

Les changements prennent du temps : les nouvelles hélices n'arrivent en effet qu'en . Elles remplissent très bien leur rôle cependant : à 56 km/h (30 nœuds), le navire ne vibre plus[55]. Le , le Normandie est prêt à reprendre du service, lorsqu'une étrange nouvelle est rapportée au commandant : une des hélices bâbord a disparu. Aucune hélice à quatre pales n'est disponible pour la remplacer sur le moment, et la traversée ne peut être annulée. L'hélice et sa symétrique sont remplacées par des trois pales. La traversée a lieu, mais est à nouveau marquée par les vibrations. Le problème est réglé dès la traversée suivante, le [56].

Une carrière brève et triomphale[modifier | modifier le code]

Le flanc bâbord du Normandie vu du quai
Normandie à quai dans le port de New York.

La saison 1936

La saison 1936 débute avec l'arrivée d'un concurrent de taille :le Queen Mary, qui entre en service. Celui-ci n'est pas sans défauts puisqu'il affiche les mêmes problèmes de vibrations que son rival français. Il s'impose cependant comme une valeur sûre de la Cunard line[57].Le Normandie traverse pour sa part 30 fois l'Atlantique en 1936. Lorsque l'été survient, le capitaine au long cours René Pugnet prend sa retraite, laissant le commandement à Pierre Thoreux pendant trois ans. Peu avant, un incident peu commun s'est produit : en juin, un avion de la R.A.F., dont le pilote est aveuglé par les fumées des cheminées du navire, s'écrase sur la plage avant. Les dégâts sont cependant minimes et le pilote s'en sort indemne[58]. Lors de sa dernière traversée de la saison, le navire affronte une tempête violente sans subir de dégâts. Cependant, une ombre obscurcit ce tableau : durant l'été, le Queen Mary a remporté le Ruban bleu[59].

La saison 1937

La Compagnie générale transatlantique refuse de laisser la récompense aux mains des Britanniques. Aussi le Normandie subit-il une nouvelle refonte durant l'hiver. Celle-ci touche avant tout ses machines dont la puissance est légèrement améliorée, et ses hélices[60] : les nouvelles sont plus efficaces, et engendrent encore moins de vibrations. Lorsqu'il reprend du service en ,le Normandie reprend le Ruban bleu dès sa première traversée. Sur un plan commercial, le nombre de passagers augmente cette année-là, ce qui en fait une très bonne période pour la Transat[61].

La saison 1938

1938 commence par une nouvelle mise sous les projecteurs du Normandie. Du 5 au , il cesse ses traversées transatlantiques pour une croisière d'agrément entre New York et Rio de Janeiro. La destination est en effet très prisée des Américains. Cette croisière est cependant aussi un véritable défi : elle implique une traversée plus longue et donc des problèmes d'approvisionnement en combustible, mais aussi en linge propre (des navires spéciaux sont affrétés pour porter du linge au paquebot)[62]. La croisière est un franc succès puisque la totalité des cabines de classe cabine (ancienne première classe) et une partie des cabines de classe touriste sont occupées[63]. On compte ainsi un millier de passagers : un record pour une croisière à l'époque. L'engouement médiatique est également très fort[64]. À Rio,le Normandie, ouvert aux visiteurs, est envahi par des foules immenses au grand dam des passagers[65].

L'année 1938 voit également la 100e traversée du Normandie, qui perd également peu après définitivement le Ruban bleu face au Queen Mary[66]. Le service du paquebot français n'est troublé que par un important mouvement de grève en fin d'année, dans un contexte international qui se tend pourtant de plus en plus[67].

La saison 1939

En ,le Normandie effectue une seconde croisière New-York - Rio de Janeiro. Elle rencontre un important écho médiatique et déclenche d’importantes réceptions officielles au Brésil.

En , le navire part au Havre pour son entretien annuel. La guerre semble proche : les canots de sauvetage sont peints de couleurs vives pour être vus plus facilement en cas d'acte de guerre. Des craintes d'attentat sont également à l'ordre du jour[68]. C'est alors que survient un drame pour la Transat : le Paris, accosté non loin, s'embrase et chavire le . Il faut en découper les mâts pour que le Normandie puisse quitter son bassin de radoub[69]. À la même époque, Pierre Thoreux quitte le commandement pour un poste logistique dans le port du Havre : ce choix n'est pas de son fait, mais sa longévité sur le navire amiral de la compagnie empêchait les autres commandants de recevoir de l'avancement. Son successeur est Étienne Payen de La Garanderie (d), qui est sur le point de devenir le dernier commandant du Normandie en service transatlantique[70].

Le 14 juillet 1939, il prononce un serment au président Lebrun au nom du Normandie, dans le cadre des cérémonies du 150e anniversaire de la Révolution française.

Seconde Guerre mondiale et destruction[modifier | modifier le code]

Dernières traversées[modifier | modifier le code]

Le Normandie vu du ciel à quai
Normandie immobilisé à New York, en août 1941.

voit s'approcher l'ombre de la Seconde Guerre mondiale ; la Transat décide de réduire la vitesse du Normandie afin qu'il ait suffisamment de combustible pour faire demi-tour en cas de déclaration de guerre pendant une traversée. Celle qui débute le marque un dernier temps de gloire : le réalisateur Yves Mirande tourne en effet à bord son film Paris-New York avec l'acteur Michel Simon[71]. Après une nouvelle traversée vers la France, le Normandie entame son dernier voyage le dans un climat international très tendu. Le pacte germano-soviétique vient d'être signé et le conflit semble inévitable. Le paquebot tente en cours de route de semer le Bremen par crainte d'être signalé aux sous-marins allemands. Tout le reste de la traversée, les lumières du pont sont coupées, les rideaux fermés et le trafic radio cesse afin de rendre le navire indétectable[72].

Avec la déclaration de guerre le , il n'est plus question pour le Normandie de traverser l'Atlantique à la merci des sous-marins ennemis[73]. Le , le navire est désarmé. Le 8, une grande partie de l'équipage (principalement le personnel hôtelier) est rapatriée en France. Le reste des hommes prépare le navire à son immobilisation, de façon à préserver mobilier et machines[74].

Réquisition par les États-Unis[modifier | modifier le code]

Peinture du Marquis de La Fayette en uniforme
Le nom du marquis de La Fayette a été donné au Normandie lors de sa saisie afin de rendre hommage à l'aide que la France avait apportée aux États-Unis au cours de la guerre d'indépendance américaine.

Pour l'équipage stationné aux États-Unis, la vie s'organise tant bien que mal : avec l'arrivée de l'hiver, la compagnie leur fournit quelques vêtements chauds, et les marins tentent de garder un lien avec leur famille. Cependant, avec la défaite de juin 1940, ce lien tend à disparaître. Par ailleurs, le , Étienne Payen de La Garanderie (d) rentre en France, laissant le commandement à Hervé le Huédé, qui servait à bord depuis plusieurs années[75].

Son entrée dans le conflit semblant s'approcher, le gouvernement américain commence à envisager de réquisitionner le Normandie pour en faire un transport de troupes. Avec l'instauration du régime de Vichy, les risques de sabotages s'accroissent pour le navire : un fidèle du gouvernement français pourrait tenter de soustraire le navire à l'effort de guerre américain[76]. Le , la prise de contrôle du paquebot est votée par le Congrès des États-Unis. Un détachement de Coast Guards embarque pour surveiller les actes de chaque membre d'équipage français pour éviter tout sabotage. Plus d'hommes sont appelés après l'attaque de Pearl Harbor, et le , les États-Unis prennent possession du Normandie en vertu du droit d'angarie[77]. L'équipage français est débarqué à l'exception des officiers et de cinq autres membres. Les protestations du commandant Le Huédé empêchent cependant les Américains de baisser le pavillon français, et les membres d'équipage sur le départ entonnent la Marseillaise, selon le récit du commandant[78].

Les nouveaux possesseurs du navire doivent encore l'apprivoiser : les plans circulent parmi les Coast Guards qui apprennent le fonctionnement du paquebot, tandis que le chef mécanicien aide à traduire les nombreuses inscriptions en français[78]. Vient également la question de savoir comment en faire usage : s'il semble au premier abord naturel de l'utiliser comme transport de troupes à l'instar des deux Queen britanniques ; l'architecte naval William Francis Gibbs propose de le transformer en porte-avions et expose un projet détaillé qui n'est finalement pas retenu[79].

Les travaux débutent par l'évacuation du mobilier et de la décoration, à l'exception de ceux du théâtre, des lieux de culte et de deux appartements de luxe destinés aux officiels de haut rang. Cette évacuation a permis la préservation de la majeure partie du mobilier et de la décoration du paquebot de la catastrophe qui doit le frapper l'année suivante[80]. Le navire est réaménagé pour accueillir jusqu'à 16 000 hommes, et est renommé début 1942 USS Lafayette en hommage au marquis de La Fayette et pour faire écho à l'histoire commune des États-Unis et de la France[81],[82].

Incendie et chavirage[modifier | modifier le code]

Le Lafayette entouré de bateaux-pompe projetant de l'eau.
L'USS Lafayette en feu dans le port de New York commence à gîter sous le poids de l'eau déversée par les bateaux-pompes.

Le , les travaux de réaménagement sont toujours en cours. L'opération du jour consiste notamment à retirer quatre grandes colonnes d'acier dans le grand salon, et nécessite un chalumeau. Ce jour-là, le salon, bien que débarrassé de son mobilier et de ses décors, est rempli de milliers de paquets de gilets de sauvetage en kapok (matière très inflammable), qu'une équipe chargée de poser du linoléum déplace en permanence[83]. Le découpage des deux premières colonnes se passe sans encombre, puis survient la pause déjeuner et la troisième est ensuite retirée[84]. C'est lors de l'attaque de la quatrième que l'incident survient : une gerbe d'étincelles et des morceaux de métal incandescent touchent un des paquets de gilets, soit par maladresse du porteur du chalumeau, Clement Derrick, soit parce que l'assistant chargé de protéger les paquets avec un bouclier métallique l'a retiré trop tôt[85]. Plusieurs paquets s'embrasent rapidement, et les personnes présentes, tentant d'éloigner les paquets qui semblent indemnes, ne font qu'accélérer la propagation de l'incendie[86]. De plus, aucun extincteur ne se trouvait dans le compartiment et les membres d'équipage chargés de lutter contre le feu ne sont pas prévenus à temps : il s'agit de toute façon d'hommes non formés, qui avaient bénéficié d'une promotion à un poste a priori tranquille[85].

L'incendie se propage rapidement au pont promenade, rempli de couchettes en toile, tandis que l'équipage, pris de panique, évacue le navire. Un quart d'heure après le début du sinistre, les secours sont appelés, à 14 h 49, et arrivent sur les lieux trois minutes plus tard. Le flot continu d'hommes évacuant le navire les empêche cependant d'embarquer. Par ailleurs, plus personne n'est présent pour faire fonctionner les systèmes de sécurité et l'électricité à bord[86]. Le secours vient donc des bateaux-pompes qui projettent près de 6 000 tonnes d'eau sur le navire en feu[87]. On dénombre quelques blessés dans la cohue, et un mort, Franck Trentacosta touché par un morceau d'acier projeté par une explosion. Par ailleurs, le concepteur du navire, Vladimir Yourkevitch se voit refuser l'accès sur les lieux du sinistre : il aurait pourtant pu indiquer comment maintenir le paquebot à flot malgré la carène liquide due au poids de l'eau[88].

Le navire commence à gîter sévèrement sous l'effet des tonnes d'eau déversées. Les conseils d'Hervé Le Huédé permettent de pratiquer des ouvertures qui le rééquilibrent sensiblement. Lorsque l'incendie semble éteint, vers 18 h, il apparaît que 10 000 tonnes d'eau ont été déversées sur bâbord, dont plus de la moitié stagnent encore dans les hauts du navire. Les chaufferies restent pour leur part préservées[89]. En début de soirée, le Lafayette semble sauvé : il s'est stabilisé, et l'on peut même embarquer pour évaluer les dégâts, qui ne sont importants qu'en apparence : le navire pourra être remis en état. C'est sans compter les marées : la mer se retire, puis revient, déséquilibrant le navire. À h 40, il chavire définitivement[90].

Remise à flot et démolition[modifier | modifier le code]

Le navire couché sur le flanc bâbord, vu du ciel.
L'USS Lafayette couché après l'incendie.

Après le drame vient le temps des questions. Une enquête, bien vite demandée, conclut à une simple maladresse : un chalumeau ouvert aurait enflammé des gilets de sauvetage, ce qui n'empêche pas les rumeurs de sabotage de circuler. Dans les années 1960, les mafieux Lucky Luciano et Meyer Lansky revendiquent l'incendie, perpétré par Albert Anastasia, dans le but de faciliter la libération de Luciano contre la promesse faite aux autorités de protéger le port de New York du sabotage[91]. La Navy est blâmée pour sa gestion des événements, notamment à cause de la sécurité très relâchée qui aurait pu permettre des opérations de sabotage si l'accident ne s'était pas chargé du sort du navire[92]. Très vite également apparaissent les premiers projets de renflouage, à la demande de Franklin Roosevelt et à une époque où les États-Unis subissent un certain nombre de revers dans la guerre du Pacifique. Vladimir Yourkevitch sert de consultant dans le cadre de ces opérations, de même que William Francis Gibbs[92]. Il faut de surcroît déterminer si le navire peut être récupéré ou doit être démoli. Dans tous les cas, il faudra démonter les superstructures et cheminées qui gêneraient un redressement de la coque. Les travaux commencent donc le et se poursuivent jusqu'en mai tandis que la Transat se sépare de nombreux éléments décoratifs du navire[93].

Au moment de l'incendie, le cinéaste britannique Alfred Hitchcock est en train de tourner son film Saboteur. Sans autorisation, il filme l'épave en feu sous différents angles, et inclut ces images dans le film, avec en contrechamp le sourire sardonique de l'acteur Norman Lloyd, qui joue le rôle du saboteur nazi. Le film accrédite la thèse (fausse) du sabotage. La censure américaine imposera le retrait de ces images. Les autorités américaines n'apprécient pas d'apparaître comme ayant été négligentes. Le film sera rétabli avec les scènes coupées en 1948.

Pour préparer le pompage qui devrait redresser le navire, il faut également en extraire la vase, et surtout refermer les hublots et sabords laissés ouverts lors de l'évacuation. S'engage ainsi un travail de plusieurs mois pour une équipe de scaphandriers. Le Pier 88 est également racheté par la Navy et en partie démonté pour éviter d'endommager l'arrière lorsque le redressement débutera[93]. Les opérations de nettoyage prennent plus d'un an, et c'est à partir du que le pompage débute[94]. Le , le navire est sorti de l'eau. Le , il est rendu à la Navy par la firme Merritt, Chapman and Scott qui l'a prise en charge, les échafaudages ayant été enlevés. Au total, le renflouement du paquebot a coûté 11 millions de dollars[95]. Cette prouesse technique permet de former des hommes à ce type d'opération, qu'ils reproduisent plusieurs centaines de fois jusqu'à la fin de la guerre[96].

Le navire part ensuite à Bayonne, dans le New Jersey, où un bassin de radoub l'attend pour qu'il y soit remis en état[96]. Cependant, la coque et les machines se révèlent plus endommagées que prévu. Dans ce dernier cas, il faut en construire de nouvelles, chose problématique vu la spécificité des appareils. Par ailleurs, les chantiers navals sont très occupés par les nombreuses commandes. Début 1944, le projet est abandonné[97]. Un maigre espoir subsiste encore : le président Roosevelt continue à défendre un projet de remise en état, car, pense-t-il, la destruction de Normandie sera forcément injustifiable après la libération de la France. William Francis Gibbs propose de refaire du navire un paquebot (les Américains construiront finalement leur propre paquebot plus tard, le United States)[98]. L'imminence du débarquement de Normandie et la mort de Roosevelt ont cependant définitivement raison du navire. Le , il est déclaré surplus de la Navy. Un an plus tard, alors que la France refuse de récupérer l'épave, le navire est acheté par les frères Lipsett qui obtiennent le droit de le démolir. Les opérations se déroulent du au [98]. L'opération se traduit par un profit d'un million de dollars de l'époque[99].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Aspects techniques[modifier | modifier le code]

Architecture de la coque[modifier | modifier le code]

Le Normandie en mouvement, vu du ciel.
Comme le montre parfaitement cette photographie, l'étrave du Normandie est conçue pour offrir le moins de résistance de carène possible. Elle facilite ainsi l'écoulement des filets d'eau en éliminant le frottement des lames satellites le long de la coque.

La coque du Normandie fait, durant sa conception, l'objet de nombreuses études : il faut en effet construire une carène dont l'hydrodynamisme permette d'avoir une bonne vitesse. À partir de l'été 1929 et pendant un an, plus de 150 modèles sont dessinés et vingt sont testés en bassin[100].

La coque définitive est finalement proposée par un architecte russe émigré en France, Vladimir Yourkevitch. Elle s'illustre par des formes très originales : le navire est beaucoup plus large que ses concurrents, et une étrave retouchée en forme de Y pour mieux pénétrer dans l'eau et offrir le moins de résistance de carène possible. Elle est également rééquilibrée par un bulbe d'étrave et pourvue d'un brise-lames[100]. Contrairement à tous les navires contemporains, dont le Queen Mary, le Normandie ne présente en aucun endroit une coque rectiligne. Le navire est également beaucoup moins sensible au roulis, grâce à la largeur de sa coque qui n'entrave pas son hydrodynamisme[101].

Le pont et la silhouette de Normandie.

D'un point de vue externe, la silhouette du Normandie est résolument moderne. L'étrave à guibre avec un dévers prononcé, ouvre un écubier logeant une ancre avec sa ligne de mouillage. Les apparaux de manœuvre et de mouillage de la plage avant sont abrités sous le pont. L'arrière se démarque des autres navires de l'époque : pas d'ouverture pour le chargement, mais une succession de terrasses incurvées. Les ponts, immenses, sont par ailleurs dispensés de tous les dispositifs habituels d'aérations et autres gigantesques manches à air. Enfin, les trois cheminées, rouges à manchette noire, les couleurs de la Transat, sont nettement plus tassées, à l'image de ce qui se fait sur les paquebots allemands Bremen et Europa à la même époque, là où le Queen Mary conserve les hautes cheminées des anciens paquebots[102]. Ces cheminées sont très particulières pour les chantiers de Penhoët : ce sont les premières qui ne soient pas maintenues en place par d'imposants haubans, et également les premières construites directement sur le navire. Auparavant, un atelier préparait les cheminées, qui étaient ensuite posées sur le pont[103]. La cheminée arrière, factice, abrite le chenil, équipé d'une copie de lampadaire parisien et d'une bouche à incendie new-yorkaise dans l'aire de promenade des animaux[104]. Le dessin novateur de ces cheminées (profil en goutte d'eau, hauteur décroissante, troisième cheminée postiche installée pour l'esthétique de la ligne) est dû au peintre de marine, écrivain et navigateur solitaire normand Durand de Saint Front, dit Marin Marie, commissionné comme consultant-styliste par la Transat. Enfin, dernière particularité, le mât avant se situe au-dessus de la passerelle et non devant, afin de ne pas gêner la veille optique[104].

Appareil de propulsion[modifier | modifier le code]

Vue en coupe du Normandie
Élévation et coupe longitudinale datant d'avant la refonte de 1936.

L'appareil propulsif du Normandie inclut les dernières innovations techniques de l'époque. Comme sur toutes les grandes unités du moment, il s'agit d'un navire dont la propulsion est assurée par la vapeur. Les concepteurs doivent relever un défi inédit sur un navire de l'époque : battre les records de vitesse tout en restant économique. Construire des turbines alimentant directement les hélices, comme sur l’Île-de-France est impossible : elles seraient bien trop lourdes et encombrantes. Des turbines plus petites et tournant plus rapidement que les hélices seraient plus économiques[105].

Deux solutions sont possibles : une réduction par engrenage (avec un réducteur s’intercalant entre les turbines et les arbres d’hélices) et une transmission électrique (les turbines étant couplées à des alternateurs qui produisent du courant. Ce courant alimente alors les moteurs électriques de propulsion, la réduction étant obtenue par la différence du nombre de pôles entre l’alternateur et le moteur correspondant). La solution des réducteurs étant jugée lourde et source de vibration, c'est la propulsion turbo-électrique qui est retenue. Alsthom, créée en 1929, est choisie pour fournir l’ensemble électrique en raison de ses liens avec la compagnie General electric, qui a déjà réalisé plusieurs dizaines d'installations marines de ce type, notamment pour les porte-avions USS Lexington et USS Saratoga livrés en 1927.

Sur le Normandie, l'appareil évaporatoire est constitué par 29 chaudières principales à tubes d'eau et quatre chaudières auxiliaires, chauffant au mazout. Le combustible est stocké dans les soutes à mazout à l'intérieur de la double coque, et le navire en transporte en général 7 000 tonnes : en effet, à 56 km/h (30 nœuds), il consomme environ une tonne de mazout par km (deux tonnes par mille nautique)[106].

Les chaudières alimentent en vapeur les turbo-alternateurs qui eux-mêmes alimentent les moteurs de propulsion en courant triphasé 5,5 kV. L'installation est très compartimentée du fait des cloisons étanches réparties sur toute la longueur de la coque : chaque compartiment contient une installation particulière du système de propulsion[106]. De l'avant à l'arrière, les compartiments sont les suivants : quatre chaufferies (avant, milieu avant, milieu arrière et arrière), compartiment des turboalternateurs, compartiment des moteurs.

La marche du navire est commandée depuis une plate-forme de manœuvre située dans le compartiment des turboalternateurs d'où la vitesse des moteurs est réglée par la vitesse de la turbine (l'augmentation de la vitesse de la turbine entraînant l'augmentation de la fréquence du courant et donc la vitesse des moteurs).

Par ailleurs, le système permet une grande flexibilité : un seul turbo-alternateur peut alimenter deux moteurs. Même avec un turbo-alternateur en avarie, le navire peut continuer à faire tourner ses quatre hélices, comme lors de son voyage inaugural[107], ceci se traduisant par une légère baisse de puissance.

Dispositifs de sécurité[modifier | modifier le code]

Le Normandie est l'objet, avant même sa mise en service, de nombreuses prestations publiques visant à vanter ses mérites et gagner les faveurs de l'opinion. Un thème est maintes fois répété : la solidité du navire à toute épreuve. Celui-ci est en effet conçu pour survivre aux chocs grâce à une double coque et des compartiments étanches.

Un point est particulièrement cité par les armateurs du navire : sa résistance au feu. À l'époque, en effet, plusieurs navires français ont coulé à la suite d'incendies, notamment le Georges Philippar et l'Atlantique, et la Transat a elle-même failli perdre le Paris dans de telles circonstances en 1927[Note 4] : gagner l'opinion sur ce terrain est nécessaire. Le navire est donc divisé en quatre zones isolées par des cloisons étanches et des portes coupe-feu. Les plans ont été conçus de façon que les passagers ne puissent pas se perdre dans les coursives qui ne sont jamais en cul-de-sac. Des dispositifs de lutte contre le feu sont aussi répartis dans le navire. René Pugnet, commandant du navire qui assiste à sa construction, a également l'idée de faire percer des trous dans le plafond de divers espaces afin que l'on puisse attaquer le feu par au-dessus. Enfin, toutes les opérations sont contrôlées et commandées depuis un poste central (PC) sécurité où veille en permanence une équipe de marins pompiers parés à intervenir[108].

Les liens amicaux entre le patron de la Transat Henri Cangardel et Émile Girardeau, fondateur et dirigeant de la Société française radio-électrique, avaient conduit à envisager d'équiper le Normandie d'un équipement DEM (détection électromagnétique), que l'on appellera ultérieurement radar, pour prévenir les collisions avec un autre navire et détecter les icebergs, fréquents dans l'Atlantique nord et célèbres pour avoir provoqué le naufrage du Titanic. La Transat avait mis en avant les avantages de ce dispositif dans sa publicité, mais le matériel n'était pas suffisamment bien testé pour le voyage inaugural de 1935. L'équipe de la SFR chargée de ce projet, dirigée par Henri Gutton, effectua d'abord des essais sur un cargo mixte, et Gutton n'embarqua sur le Normandie avec le matériel et son équipe que lors du second voyage. Ce premier radar ne fut jamais vraiment opérationnel sur le Normandie, il fallut deux années supplémentaires et une campagne de test encore à terre pour que Gutton puisse faire une démonstration vraiment convaincante auprès de la Marine française[109].

L'équipement électrique complet du paquebot sera réalisé par les ingénieurs Charles Émile Jules Brandt et son associé Émile-Albert Fouilleret, qui possédaient les établissements Brandt et Fouilleret installés du 23 à 31 rue Cavendish à Paris, avec une usine de production à Saint-Loup-de-Naud (Seine-et-Marne).

Installations[modifier | modifier le code]

Des installations diverses pour les passagers[modifier | modifier le code]

Les passagers du Normandie sont répartis en trois classes : la première classe (devenue classe cabine après la première saison d'exploitation), la classe touriste, et la troisième classe. La première occupe environ 70 % de l'espace du navire, dans sa partie centrale. Les touristes se trouvent en arrière, et les troisième classe encore plus[110]. La troisième classe ne transporte à l'origine que 315 passagers sur un total de 1 972, et voit sa capacité réduite à 186 places, soit 10 % de la capacité du navire. Tout est fait à bord pour la première classe qui représente la moitié de la clientèle du navire : l'équipage très important de plus de mille personnes donne un ratio de deux membres d'équipage pour trois passagers, bien plus que sur les autres navires de l'époque[111]. Si les officiers sont logés dans des cabines, les maîtres, les matelots et les agents du service général sont logés dans des postes.

Vue de la piscine 1re classe du Normandie.

Les installations du navire sont nombreuses. La première classe est centrée autour d'une salle à manger étalée sur trois ponts de haut, mais qui ne s'étend pas sur toute la largeur du navire, permettant la création de nombreuses cabines sur les côtés du navire plus populaires. Elle dispose également d'un restaurant grill, d'une chapelle, d'un grand salon, de boutiques, d'un stand de tir, d'un théâtre/cinéma, d'une piscine intérieure, d'une bibliothèque, d'un jardin d'hiver… La première classe dispose par ailleurs de plusieurs appartements de luxe portant les noms de villes normandes : Deauville, Rouen[112], etc. Le lit divan en palissandre permet d'avoir en journée une cabine salon et le soir une cabine pour dormir avec un équipier qui venait installer le lit[113].

La classe touriste n'est pas en reste, mais son salon se révèle présenter un inconvénient majeur : il n'a aucune vue vers l'extérieur. Il est ainsi déplacé sur le pont supérieur durant la refonte de 1936 dans une annexe réalisée à la place d'un espace de promenade pour la première classe[110]. Les cabines de troisième classe sont évidemment moins luxueuses, mais ses salles-à-manger, salon et pont-promenade sont tout à fait convenables[114].

Décoration intérieure[modifier | modifier le code]

La décoration du Normandie se veut une vitrine de l'art français des années 1930, selon les explications que donne Henri Cangardel au théâtre de la Michodière en . L'agencement général est confié aux architectes Pierre Patout, Henri Pacon, Richard Bouwens van der Boijen et Roger-Henri Expert. À l'exception du dernier, tous ont travaillé à la décoration de l’Île-de-France quelques années auparavant. Ce sont eux qui dressent les plans des installations principales du navire[115]. Les installations de première classe (classe cabine à partir de 1936) sont l'objet d'une attention particulière, avec des pièces particulièrement vastes. Tous les espaces reçoivent une décoration ambitieuse, où sont convoqués les meilleurs artistes français et les plus prestigieuses maisons et manufactures. Par exemple, les luminaires des suites de luxe et des espaces du Normandie ont été réalisés par Jean Perzel[116],[117], pionnier de l'éclairage moderne. Même les panneaux d'affichage en hêtre, dispersés dans le navire, sont l'œuvre de créateurs (l'un d'entre eux est conservé au musée des Arts décoratifs à Paris). Les artistes Jules Leleu, Jacques-Émile Ruhlmann, Paul Follot, etc. utilisèrent également les tapis à points noués en complément de leur proposition de décoration. Avec entre autres, 148 tapis pour les cabines de luxe, suites, etc. dont la fabrication fut confiée à la société Tapis France Orient.

Les décorateurs doivent répondre à des exigences particulières : les matériaux utilisés doivent être les plus incombustibles possible afin d'éviter de reproduire le drame de l'Atlantique, et le paquebot en tire une certaine simplicité, qui ne le rend pas moins somptueux[118]. Les concepteurs du Normandie innovent d'ailleurs grâce à l'emploi de nouveaux matériaux. Ainsi, après les timides expériences menées sur le Colombie, puis sur le Champlain on y généralise l'usage de l'acier inoxydable à 26 % de métaux blancs, inaltérable dans la masse malgré l'air salin, et dont le très beau poli en fait un élément de décoration. On fait appel à un spécialiste, Georges Halais, qui en fournit plus de 50 t, sous des formes très diverses : équipements des 300 salles de bain, poignées de porte, parties métalliques des appartements de grand luxe et de luxe[119]

L'aluminium apparaît également, dans un usage utilitaire d'abord (réduire le poids embarqué, grâce à un matériau résistant à la corrosion) : l'alpax, alliage d'aluminium au silicium, est ainsi utilisé pour les dispositifs de fermeture des hublots. Mais on fait également appel aux alliages légers d'aluminium pour leur aspect décoratif, notamment pour les cloisons de douze appartements et cabines de luxe, ou encore, pour le revêtement de la porte de la chapelle. Au total, ce sont 25 t d'alliages légers, correspondant à 60 t d'acier, qui sont utilisés sur le Normandie[120].

Parties communes des première classe[modifier | modifier le code]

Grande salle à manger[modifier | modifier le code]

Six des dix médaillons originaux de la porte de la grande salle à manger, représentant des villes du Normandie, réalisés par Raymond Subes, ornent désormais le portail de la cathédrale Notre-Dame du Liban à Brooklyn (rite chrétien maronite).
Vue de la grande salle à manger des première classe. Sur les côtés, on distingue les bas-reliefs monumentaux de Raymond Delamarre et Léon-Ernest Drivier.

La grande salle à manger, qui s'étend sur trois ponts de hauteur, et 86 mètres de long (pour une capacité de 700 couverts), est l'espace le plus impressionnant du navire. On y accède par des portes monumentales de six mètres de haut, ornées de médaillons représentant dix grandes villes de la région, dessinés par Raymond Subes[121] et réalisés par le ferronnier Adalbert Szabo. Les portes ont été partiellement (un groupe de six et un groupe de quatre médaillons) remontées aux portes d'entrée d'une église de Brooklyn, la cathédrale maronite Notre-Dame du Liban, mais des plaques carrées originales provenant de l'ensemble sont conservées ailleurs (notamment au musée des Arts décoratifs, à Paris).

Les portes mènent à une haute estrade de deux mètres de haut, permettant de dominer la salle, accessible par un escalier de dix marches. Les murs pourtant aveugles fournissent une lumière abondante grâce aux dalles de verre gravé des cristalleries de Compiègne, créées sur les indications d' Auguste Labouret[122] (des montants en verre sont conservés au musée des Arts décoratifs à Paris), et s'ornent de quatre panneaux peints par Jean Bouchaud.

La salle est richement décorée de quatre bas-reliefs par Raymond Delamarre (Les arts et les monuments de la Normandie, dont la maquette est conservée au musée des années trente à Boulogne-Billancourt), d'Albert Pommier (La Normandie terrienne), Léon Drivier (Les sports et les jeux) et de Pierre-Marie Poisson (La Normandie maritime). Une grande statue de Louis Dejean Pax en bronze doré se dresse en surplomb de la table du commandant pour symboliser l'accueil et la concorde, un rameau d'olivier à la main[123] (aujourd'hui conservée au Pinelawn memorial park de Farmingdale). La salle est aussi ornée de six « pots à feu » (cascades de verre) de René Lalique dispersés dans la salle (Lalique fournit aussi des appliques lumineuses et des lustres).

Le mobilier en acajou, palissandre et bronze doré est dessiné par Pierre Patout et Maurice Pré et exécuté par les établissements Neveu et les tapissiers Cornille Frères. Les fauteuils de cette salle à manger de 1e classe sont confectionnés par Émile Bernaux. Alexandre Turpault décore les tables, avec de subtiles nappes en damassé, figurant des scènes de chasse. Les tables sont dressées avec un service en porcelaine de Limoges dessiné par Jean Luce, comportant un filet d'argent et le sigle « CGT » mis au point par Suzanne Lalique-Havilland. Le service de verres est livré par la maison Daum (qui fournit aussi des cendriers). Les pièces d'orfèvrerie des services « Transat », « Sirius », et de la ménagère « Atlas » (dont plusieurs éléments sont conservés au musée des Arts décoratifs à Paris) sont conçues dès 1933 par Luc Lanel, directeur artistique de la maison Christofle.

Grand Salon[modifier | modifier le code]

Le grand salon, de 10 mètres de haut, est décoré de colonnes en verre Lalique. Les grandes portes s'ornent de panneaux en laque d'or de Jean Dunand[124] où sont peintes des compositions de Jean Dupas représentant Le Soleil, les vents et Le char de l'aurore (fragments à Pittsburgh, Carnegie museum of art). Jean Dupas conçoit également les compositions peintes des panneaux de verre aux angles de la salle : il livre quatre compositions mythologiques sur le thème de L'enlèvement d'Europe (fragment au musée de Saint-Nazaire), La naissance d'Aphrodite, Le char de Thétis et Le char de Poséidon (New York, Metropolitan museum of art), faisant la part belle à d'ambitieux thiases marins. Les panneaux couvrant près de 400 m2 sont exécutés en verre églomisé de Saint-Gobain par le maître verrier Jacques Charles Champigneulle[125]. Le musée Malraux du Havre conserve des dessins préparatoires de Dupas pour ces compositions.

Les fauteuils sont dessinés par le décorateur Jean Maurice Rothschild, exécutés par les ébénistes Spade Frère, et tendus de tapisserie d'Aubusson d'après des cartons d'Émile Gaudissard. L'un de ses fauteuils est conservé au Peabody Essex museum de Salem (Massachussetts), un est au Kirkland museum de Denver (Colorado), deux à l'écomusée de Saint-Nazaire, un autre au musée des arts décoratifs à Paris (en dépôt à l'écomusée de Saint-Nazaire).

Salon fumoir[modifier | modifier le code]

Sur le palier supérieur de l'escalier du fumoir se dresse une statue de La Normandie, par Léon Georges Baudry (1898-1978)[126] (l'original en bronze a été acquis pour orner la salle à manger du GTS Celebrity summit, une copie en plâtre est conservée au musée de Caudebec-en-Caux). Bien qu'il revienne de façon récurrente dans certaines parties du paquebot, le thème de la Normandie est cependant absent de certaines pièces, car somme toute assez limité pour les décorateurs[127]. Le fumoir des première classe s'orne de six grands panneaux sculptés, laqués et dorés, créés par Jean Dunand sur le thème des « Jeux et joies de l'homme » et couvrant une surface de près de 1 200 m2 (dans un matériau résistant et léger, un plâtre dur, à base de kaolin) : La pêche, La conquête du cheval, Les sports (tous trois conservés au Musée d'art moderne de la ville de Paris), Les vendanges (Oissel, hôtel de ville), et La chasse (dispersé entre le musée des Arts décoratifs de Paris et l'écomusée de Saint-Nazaire). Connaissant vite un très grand succès, les panneaux ont fait l'objet de réductions sous forme de petites plaques décoratives (plusieurs sont conservées au musée du Havre et ont été restaurées en 2015).

Le Génie de la mer de Sarrabezolles[modifier | modifier le code]

Une sculpture de Carlo Sarrabezoles, le génie de la mer, remarquable personnage de triton dont la queue fait une double boucle, brandissant un trident et escorté de deux dauphins, aurait dû orner la « place publique » située sur l'étage le plus élevé de la plage arrière, avec ses bancs en zigzag et ses étonnants lampadaires en globes de verre. Malheureusement, le poids de la statue en bronze empêcha de l'installer à cet endroit, à cause des vibrations dues aux hélices tripales.

Par la suite cet emplacement fut couvert d'une superstructure vitrée et converti en café grill-room lors de la refonte de 1937 (permettant ainsi au Normandie de conserver son titre de plus grand paquebot du monde par un artifice de calcul de jauge), et le bronze de Sarabezolles resta définitivement à terre, d'abord devant le siège de la transat au Havre, puis fut réinstallé à Marseille devant le gratte-ciel de la CMA CGM[128], quai d'Arenc au port de la Joliette où il est malheureusement quelque peu occulté par le viaduc de l'autoroute A55. Le plâtre à grandeur de l'œuvre est conservé au musée national de la Marine, à Paris. Le musée de la Piscine de Roubaix conserve plusieurs petites études en plâtre, témoignant des essais de Carlo Sarrabezoles pour inventer cette figure de proue, mettant en scène une figure athlétique et filiforme, entourée de poissons ou de symboles marins.

Chapelle[modifier | modifier le code]

La porte de la chapelle est un panneau coulissant en émaux de François-Louis Schmied représentant un chevalier normand[129]. L'autel est orné d'un antépendium en « lap d'or fin » représentant le Christ en majesté en bas-relief, conçu par les frères Martel (la maquette en plâtre est déposée à l'éco-musée de Saint-Nazaire). Les frères Martel ornent également le balcon d'entrée d'un bas-relief représentant Jésus calmant la tempête, tandis que le chemin de croix en bois de palissandre est l'œuvre du sculpteur Gaston le Bourgeois; ce chemin de croix se trouve maintenant dans la cathédrale Notre-Dame du Havre. Le peintre Alfred Lombard avait livré en 1935 un projet de décoration pour l'abside de la chapelle (maquette représentant une Tête de Christ à l'éco-musée de Saint-Nazaire).

Autres parties communes[modifier | modifier le code]

Salle des banquets :

Georges d'Espagnat livre pour le plafond central de la salle des banquets une composition sur La Danse, la Musique, les fleurs et les fruits, tandis que le jeune Jean Picart Le Doux décore les coupoles latérales. Le sculpteur Alfred Janniot orne le mur d'un bas-relief sur La Normandie dans l'éclat de son histoire.

Galerie salon :

Deux compositions peintes de Pierre-Henri Ducos de La Haille ornent les murs de la galerie-salon des première classe, sur le thème de la Conquête normande et de la Paix normande. Au-dessus des alcôves, quatre bas-reliefs sont réalisés par le sculpteur Henri Bouchard sur le thème du Commerce, de L'Élevage, de La Pêche et de L'Art (ils ne sont pas localisés à ce jour).

Vue du Salon des dames, avec à droite le grand tableau de Louis-William Graux.

Salon de musique ou Salon des dames :

Le salon de musique est orné par Louis-William Graux d'une grande composition sur Les Méandres de la Seine (propriété du musée des Arts décoratifs de Paris, en dépôt à l'Écomusée de Saint-Nazaire).

Salon d'écriture :

Le salon d'écriture est orné d'une composition de Gaston Balande sur les Falaises d'Etretat (propriété du musée des Arts décoratifs de Paris, en dépôt à l'Ecomusée de Saint-Nazaire).

Salon de correspondance :

Le salon de correspondance est décoré par le peintre Alexandre Iacowleff.

Salon de lecture :

Le salon de lecture est orné de compositions exotiques par Paul Jouve : Tigres royaux, et Éléphants impériaux.

Bibliothèque :

Une bibliothèque propose près de 4000 volumes empruntables.

Piscine :

La célèbre piscine des première classe est ornée d'une composition en mosaïque de la manufacture de Sèvres sur le thème de la chasse, créée par Victor Menu. Le peintre Raoul Dufy avait livré un projet de décoration, resté inabouti.

Deux cornes d'abondance ornent l'une des extrémités du bassin, réalisées par le sculpteur Jean-Gabriel Chauvin.

Jardin d'hiver :

Le jardin d'hiver reçoit les décors de Paul Iribe.

Huit salles à manger privées :

Pour l'une des salles à manger privées des première classe, Mathurin Méheut réalise une composition murale sur le thème des Forêts de France.

Installations pour les enfants[modifier | modifier le code]

La salle à manger des enfants est pour sa part confiée à Jean de Brunhoff qui la décore dans le thème de sa création, Babar l'éléphant[130]. Durant la première saison, elle sert également à l'occasion de synagogue, cette dernière ayant été oubliée[131].

Cabines de première classe[modifier | modifier le code]

Les cabines de première classe se distinguent par leur confort et le luxe des installations. Les fauteuils légers et les sièges de coiffeuses, en bois de sycomore et velours, sont conçus par la maison Dominique et par le tapissier Lelièvre. De grands fauteuils de repos en acajou sont commandés au décorateur Marcel Perreau. Les lits d'angle des première classe, en plaquage de palissandre (retirés après leur transformation en « cabines touristes » en 1936) sont conçus par les établissements Schmidt (qui conçoivent aussi des armoires) et le tapissier Edmond Petit. Des tapis au décor minimaliste sont livrés par Léon Émile Bouchet.

Quatre appartements dits « de grand luxe » sont aménagés sur le navire (appartements « Normandie », « Deauville », « Trouville », et « Rouen »). S'étendant chacun sur 200 m2, ils comportent quatre chambres, deux salles de bain, un salon, une salle à manger privée, et une terrasse.

Parties communes de la Classe tourisme[modifier | modifier le code]

La décoration de la salle de jeux de la classe tourisme est du peintre breton Louis Garin, l'artiste Yves Alix fournit également des décorations murales. L'architecte décorateur et peintre Louis Süe (1875-1968) installe un appartement de luxe, Le Deauville, en 1934-1935[132]. Le fumoir de la classe tourisme est pourvu de fauteuils créés par Marc Simon avec une garniture de cuir rouge.

Postérité[modifier | modifier le code]

En 1935, la Poste française émet un timbre-poste de 1,50 Fr[133].

Le navire apparait dans deux albums de Tintin : dans la version couleur de Tintin en Amérique (sorti en 1946 et alors que le paquebot n'existait déjà plus)[134] et dans la version noir et blanc (1937) de L'Oreille cassée (avec une erreur, de la fumée sortant de la troisième cheminée factice). Hergé le dessinera aussi dans la première édition (1936) d'un album des Aventures de Jo, Zette et Jocko, L'Éruption du Karamako (avec la même erreur sur la 3e cheminée)[134].

Remplacement du Normandie[modifier | modifier le code]

Le Liberté vu de profil
Après la guerre, l'Europa, cédé au titre des dommages de guerre, devient le Liberté, modeste remplaçant de Normandie.

La perte du Normandie se ressent véritablement lorsque la Compagnie générale transatlantique fait le bilan de la Seconde Guerre mondiale : elle a perdu 44 navires dans le conflit, c'est-à-dire les deux tiers de sa flotte. Ne reste comme navire important que l'Île-de-France qui doit d'abord achever son service de transport de troupes. À l'inverse, toutes les autres grandes compagnies (à l'exception des allemandes), ont réussi à préserver une partie de leurs navires, notamment les deux Queen. La situation de la Transat est donc préoccupante, et la perte du Normandie est en très grande partie responsable de cet état de fait[74]. La compagnie reçoit cependant une compensation des États-Unis, en dollars, qui lui permet de construire trois navires, mais aussi en nature avec l'Europa fraîchement remis à la France par l'Allemagne, au titre de réparation des dommages de guerre. La Transat fait également renflouer le De Grasse, coulé durant le conflit mais récupérable[135].

Ce n'est qu'en 1950, après un quasi-naufrage, que l'Europa, rebaptisé Liberté, peut naviguer aux côtés de l’Île-de-France. À son bord se trouvent une partie des éléments décoratifs du Normandie qui avaient été démontés avant l'incendie : lorsqu'il rentre en service, le Liberté n'a plus grand chose à voir avec ce qu'il était à son lancement, et porte haut les couleurs de sa compagnie[136]. La Transat s'impose un temps, mais ses navires peinent à affronter les nouveaux géants, qu'il s'agisse des deux Queen, du United States ou de l’Andrea Doria[137]. La Transat frappe, en 1962, un dernier coup d'éclat avec le France dont les formes de coque s'apparentent à celles du Normandie, tout comme les polémiques qui entourent sa construction. Cependant, le contexte n'est pas le même et la concurrence du trafic aérien l'empêche de connaître une carrière couronnée de succès[138].

Navire de légende[modifier | modifier le code]

modèle miniature du Normandie et son emballage
Un Dinky Toy représentant le Normandie.

Le Normandie occupe une place à part dans l'histoire de la marine marchande française en étant le seul paquebot français à avoir détenu le ruban bleu et le seul également à avoir été le plus gros navire jamais construit à son époque. Le Normandie est en effet considéré comme un des meilleurs paquebots jamais construits, sinon comme le meilleur[139]. Par sa décoration, le paquebot a également acquis une place de référence dans le domaine de la décoration de style Art déco, en représentant de l'art français des années 1930, et est à ce titre souvent considéré comme l'un des plus beaux paquebots du monde[140].

La fin du navire l'a également fait entrer, d'une autre façon, dans la légende. Pour beaucoup, en effet, la perte du navire ne peut être accidentelle, et avant même les conclusions de la marine américaine, le sabotage est évoqué, qu'il vienne des équipages français fidèles au régime de Vichy ou de la Mafia. Tous ces faits sont cependant sérieusement démentis[141]. L'épave du navire peut également être vue l'année même du naufrage, dans le film Cinquième colonne d'Alfred Hitchcock[142]. Le film Paris-New York a également été tourné à son bord en 1939[143].

Enfin, de nombreux éléments de mobilier et de la décoration du Normandie qui avaient été démontés peu avant le naufrage ont été vendus aux enchères et dispersés à travers le monde chez des collectionneurs particuliers ou dans des musées. Le paquebot Celebrity Summit des Celebrity Cruises est équipé d'un restaurant décoré d'éléments du Normandie[144].

Le Normandie a fait l'objet d'une exposition intitulée « Il y a cinquante ans Normandie » au musée national de la Marine du au .

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Celui de la White Star, l’Oceanic voit sa construction cesser rapidement, avant que la White Star et la Cunard ne fusionnent pour construire le Queen Mary.
  2. L'article accompagnant le nom du navire a, à l'époque, fait débat dans la presse et jusqu'au sein de la compagnie. Fallait-il parler du Normandie, de la Normandie, de La Normandie ou de Normandie comme un nom de personne ? La compagnie choisit ce dernier cas pour sa publicité, tandis que la presse utilise les appellations à sa convenance. Parler du Normandie avec un article masculin est cependant devenu la norme avec les années.
  3. Les ouvriers craignent que la fin de la construction entraîne des licenciements dans une période de crise, ce à quoi les chantiers répondent par des augmentations de salaires.
  4. Le navire, après avoir subi une lourde refonte, reprend du service avant de prendre à nouveau feu dans le port du Havre en 1939 et de sombrer de façon similaire au Normandie.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Paquebot Normandie », French Lines. Consulté le 4 juillet 2015.
  2. « Les heures de gloire du paquebot Normandie », Normandie Actu. Consulté le 4 juillet 2015.
  3. Garnaud Philippe. Le paquebot Normandie et la presse (1929-1935). In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, no 58, avril-juin 1998, pp. 29-42.
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  14. John Maxtone-Graham 2007, p. 44.
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  17. Frédéric Ollivier 2005, p. 45.
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  27. Frédéric Ollivier 2005, p. 60.
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  58. Frédéric Ollivier 2005, p. 131.
  59. Frédéric Ollivier 2005, p. 132.
  60. Les hélices sont dessinées par l'ingénieur du génie maritime Roger Brard, dont la carrière le mènera à la direction du Bassin des carènes de Paris.
  61. Frédéric Ollivier 2005, p. 133.
  62. John Maxtone-Graham 2007, p. 200.
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  114. Frédéric Ollivier 2005, p. 106.
  115. Frédéric Ollivier 2005, p. 91.
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  118. Frédéric Ollivier 2005, p. 94-95.
  119. L'Illustration, ouvrage collectif 1987, p. 165.
  120. L'Illustration, ouvrage collectif 1987, p. 166.
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  122. John Maxtone-Graham 2007, p. 78 - 85.
  123. L'Illustration, ouvrage collectif 1987, p. 154.
  124. John Maxtone-Graham 2007, p. 94-95.
  125. Petit-fils de Louis-Charles-Marie Champigneulle.
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  132. Susan Day, Louis Süe, p. 7, 17.
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Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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  • Bruno Foucart, François Robichon, « Normandie » : l'épopée du « Géant des mers », Herscher, , 207 p. (ISBN 2733500864)
  • L'Illustration, ouvrage collectif, Les Grands Dossiers de L'Illustration - « Les Paquebots », Le Livre de Paris, (ISBN 2904310894) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) John Maxtone-Graham, « Normandie »: France's legendary art deco ocean liner, W.W. Norton & Company, , 259 p. (ISBN 0393061205) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Adrien Motel, Normandie, un rêve français, Paris, éditions Place des Victoires, 2022
  • Jean-Pierre Mogui, Le « Normandie », seigneur de l'Atlantique, Denoël, , 169 p. (ISBN 2207231429)
  • Frédéric Ollivier, « Normandie »: un chef-d'œuvre français (1935-1942), Chasse-marée, , 191 p. (ISBN 2914208804) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Raoul Banet-Rivet, Souvenirs 1893-1958, BoD, (ISBN 9782810624751)
  • Il y a cinquante ans Normandie, catalogue d'exposition, Paris : Musée national de la Marine, 1985
  • Louis-René Vian, Arts décoratifs à bord des paquebots français, 1880-1960, Paris, Editions Fonmare, 1992.
  • Louis-René Vian, Paquebots de légende, décors de rêve, catalogue d'exposition, Paris : Musée national de la Marine, - , Paris, Atelier P. Gentil, 1991.
  • Jean-Francois Pahun, L'incendie du Normandie, un sabotage nazi en plein cœur de New York ? - Ouest-France - 2022 - 192 p. - (ISBN 978-2737386381).

Filmographie[modifier | modifier le code]

  • Documentaire, Éric Lange & Claude Villers, À bord du « Normandie », France, 2006 (52 minutes).
  • Documentaire, Tal Zana, Normandie ne partira pas ce soir, France, 2021 (52 minutes).
  • Documentaire, Jean-François Pahun, Normandie, l'ombre d'un doute, France, 2022 (64 minutes).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]