Aller au contenu

Pra-Esperanto

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 17 juillet 2023 à 03:08 et modifiée en dernier par Lepticed7 (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Louis-Lazare Zamenhof en 1908

Pré-espéranto (ou Pra-esperanto en espéranto) est le terme actuel définissant toutes les étapes du développement de la langue construite par Louis-Lazare Zamenhof antérieures à la publication de Langue Internationale en 1887.

La Lingwe uniwersala de 1878

Histoire

Le 17 décembre 1878, Louis-Lazare Zamenhof, alors âgé de 19 ans et en 8e classe du gymnasium de Białystok, convie des camarades de classe à fêter officiellement la naissance de la langue[1]. À cette occasion, ils en chantent l’hymne, dont les quatre premiers vers sont les suivants[2] :

« Malamikete de las nacjes
Kadó, kadó, jam temp’ está!
La tot’ homoze in familje
Konunigare so debá
 »

— Louis-Lazare Zamenhof, Letero pri la deveno de Esperanto

« Hostilité des nations,
Tombe, tombe, il est déjà temps
Toute l’humanité en une famille
Doit s’unir. »

— Maria Ziółkowska, Le Docteur Esperanto[3]

Ce passage est restitué par Zamenhof en 1895 dans sa lettre à Nikolaï Afrikanovitch Borovko[4]. Il constitue, avec le nom de la langue, la seule trace écrite sur la Lingwe uniwersala[5]. Christer Kiselman note une divergence d’accentuation de la lettre a : bien que le texte originel utilise des accents aigus (está, debá), d’autres textes utilisent des accents graves (està, debà) ou aucun accent (esta, deba)[2]. Zamenhof donne, dans la lettre à Borovko, une traduction en espéranto[N 1],[2] :

« Malamikeco de la nacioj
falu, falu, jam tempo estas!
La tuta homaro en familion
unuiĝi devas.
 »

— Louis-Lazare Zamenhof, Letero pri la deveno de Esperanto

Étude de la langue

Malgré la petitesse du corpus, plusieurs textes proposent d’étudier les caractéristiques de la Lingwe uniwersala.

Alphabet

L’hymne contient toutes les lettres de l’espéranto, à l’exception des lettres accentuées (ĉ, ĝ[N 2], ĥ, ĵ, ŝ, ŭ) et de la lettre v[6]. La langue comprend également d’autres lettres, absentes de l’alphabet de l’espéranto : ó et á (ou à) dans l’hymne, et w dans le nom de la langue[6]. La lettre w remplace la lettre v[7]. Il n’est pas possible de conclure que les lettres accentuées sont absentes de l’alphabet de langue[6].

Prononciation

Étymologie

Les mots du corpus sont tous d’origine latine[6],[8]. Pour les racines, Zamenhof a préféré cadere à l’allemand fallen, qui donne fali en espéranto, ou encore debere au français devoir, qui donne devi en espéranto[8]. De plus, le suffixe -et-, utilisé dans malamikete, est plus proche du suffixe latin -it(as) que de l’italien -ezza, qui donne -ec- en espéranto[8]. Enfin, la terminaison à l’infinitif -are est une généralisation de l’infinitif du premier groupe en latin[8]. La seule exception à l’origine latine que note Gaston Waringhien est l’utilisation de la lettre w pour noter le son /v/, qui semble être d’inspiration allemande ou polonaise[8].

Conjugaison

Bien que la richesse du système de conjugaison soit inconnu, la Lingwe uniwersala admet une seule terminaison pour chaque temps : pour le présent, pour l’impératif et -are pour l’infinitif[6],[7].

La Lingvo universala

Zamenhof reprend son projet au retour de l'université, et améliore sa langue durant les années qui suivirent. Une grande partie de ses meilleures idées sont nées de la nécessité de traduire la littérature et la poésie d'autres langues. Un exemple de cette deuxième étape de la langue est l'extrait d'une lettre de 1881 :

Ma plej kara miko, kvan ma plekulpa plumo faktidźas tiranno pu to. Mo poté de cen taj brivoj kluri, ke sciigoj de fu-ći specco debé blessi tal fradral kordol…

Espéranto actuel : Mia plej kara amiko, neniam mia senkulpa plumo fariĝus tirano por vi. Mi povas de cent viaj leteroj konkludi, ke sciigoj de tiu ĉi speco devas vundi vian fratan koron…

(Mon cher ami, comment ma plume est-elle devenue un tyran pour toi. De la centaine de tes lettres, je peux conclure que des annonces de ce genre doivent blesser ton cœur fraternel…)

L'alphabet comportait toutes les lettres suivantes : a á b c ć d dź e é f g h ħ i j k l m n o ó p r s ś t u ŭ v z ź

Dans cette étape, v avait déjà remplacé w pour le son [v] ; le pluriel au nominatif était -oj à la place de -es ; les cas avaient été réduits à deux (même si le génitif -es existe toujours aujourd'hui, mais seulement pour les corrélatifs possessifs ou les voix simples). De plus, la forte influence slave pour l'orthographe (ć, , ħ, ś, ź à la place de ĉ, ĝ, ĥ, ŝ, ĵ) par rapport à la langue moderne et le suffixe accusatif -l, certaines formes verbales possédaient l'accentuation tonique sur la dernière syllabe. (Alors qu'en espéranto, c'est toujours l'avant-dernière qui la porte.)

La conjugaison des verbes était : au présent , au passé -u, au futur -uj, au conditionnel , au jussif (impératif) . L'infinitif se terminait en -e ou en -i.

Les pronoms personnels se terminaient en o (et en a pour les possessifs), mais il y avait des différences entre les sexes, y compris dans la troisième personne du pluriel :

pronoms de 1881 singulier pluriel
1re personne mo no
2e personne to vo
3e personne masculine ro po
3e personne féminine śo o
3e personne réflexive so

De nombreuses racines n'étaient pas les mêmes que dans la langue moderne. On trouvait ainsi kad- (du latin cado) au lieu de fal-, mik- au lieu de amik-, et kord- au lieu de kor-.

En 1887, Zamenhof publie Langue Internationale, où il décrit l'espéranto comme on le connaît aujourd'hui. Dans une lettre adressée à Nikolai Borovko, il écrit : J'ai travaillé durant six ans à perfectionner et essayer la langue, ce fut en 1887 qu'elle me parut complètement prête.

Gaston Waringhien, dans son livre Lingvo kaj Vivo ("Langue et vie"), analyse l'évolution de la langue en étudiant les manuscrits de 1881, 1882 et 1885.

Articles connexes

Notes et références

Notes

  1. La traduction du dernier vers donnée par Zamenhof est « unuiĝi devas ». Toutefois, des traductions proposées par d’autres espérantistes existent. Ainsi, Gaston Waringhien propose « unuigi sin devas » et André Cherpillod propose « Kununuigi sin devas ».
  2. Dans son analyse, Christer Kiselman ne mentionne pas la lettre ĝ comme étant absente. Toutefois, elle n’apparait pas dans l’hymne.

Références

  1. Kiselman 2011, p. 49-50.
  2. a b et c Kiselman 2011, p. 50.
  3. Isaj Dratwer (trad. Maria Ziółkowska), Le Docteur Esperanto, Marmande, Éditions française d'Espéranto, p. 42Voir et modifier les données sur Wikidata
  4. Kiselman 2011, p. 47.
  5. Kiselman 2011, p. 49.
  6. a b c d et e Kiselman 2011, p. 51.
  7. a et b Waringhien 1989, p. 38.
  8. a b c d et e Waringhien 1989, p. 39.

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.