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Les principes du [[happening]] et de l’[[improvisation]] repris par le Living mettent à contribution le corps de l’acteur. Ce dernier est sollicité de manière intense et plus investie que dans un rapport traditionnel. Le corps n’est plus soumis à un texte qui le prédétermine mais est confronté à l’imprévisible et au hasard.
Les principes du [[happening]] et de l’[[improvisation]] repris par le Living mettent à contribution le corps de l’acteur. Ce dernier est sollicité de manière intense et plus investie que dans un rapport traditionnel. Le corps n’est plus soumis à un texte qui le prédétermine mais est confronté à l’imprévisible et au hasard.


Ainsi la notion du corps du comédien est primordiale pour la troupe. Elle se rattache à [[Artaud]] et son théâtre de la cruauté. Le Living a donc repris à son compte ses théories, notamment en ce qui concerne le corps et la voix des acteurs. L’acteur à travers un entrainement qui visait à contrôler mentalement son corps et sa voix pouvait rendre compte d’un processus de la violence. Ainsi, les comédiens peuvent se plonger dans un état psychologique afin de montrer de manière convaincante, une violence simulée. Pour Malina, il s’agissait de «guérir le mal par le mal, de susciter une révulsion à l’égard de la violence […]» <ref>Les voies de la création théâtrale, tome 1, ''Grotowski Barba Living theatre, Open Theatre, V. Garcia et Arrabal'', éd. CNRS, 2003.</ref> Ce travail corporel et vocal devait affecter les spectateurs et ainsi le transformer.
Ainsi la notion du corps du comédien est primordiale pour la troupe. Elle se rattache à [[Artaud]] et son théâtre de la cruauté. Le Living a donc repris à son compte ses théories, notamment en ce qui concerne le corps et la voix des acteurs. L’acteur à travers un entrainement qui visait à contrôler mentalement son corps et sa voix pouvait rendre compte d’un processus de la violence. Ainsi, les comédiens peuvent se plonger dans un état psychologique afin de montrer de manière convaincante, une violence simulée. Pour Malina, il s’agissait de «guérir le mal par le mal, de susciter une révulsion à l’égard de la violence[…]». Ce travail corporel et vocal devait affecter les spectateurs et ainsi le transformer.


== Théâtre et vie anarchistes ==
== Théâtre et vie anarchistes ==

Version du 28 avril 2010 à 14:52

Judith Malina jouant Maudie dans Maudie and Jane (2008)

Le Living Theatre est une troupe de théâtre expérimental créée en 1947 à New York. Ses fondateurs sont Julian Beck (1925-1985), scénographe et dramaturge et Judith Malina (1926), metteur en scène. A travers ses œuvres à caractère performatif, politique et social, le Living a révolutionné l'art théâtral et a eu une influence importante sur le théâtre des années 60.[réf. souhaitée]

Histoire du Living Theatre

Julian est né en 1925 à New-York, de parents enseignants. Il se dirige tout d’abord vers la peinture mais le travail collectif du théâtre l’intéresse davantage. En 1943, il rencontre Judith Malina d’origine allemande, elle est étudiante à la News School’s Dramatics Workshop d’Erwin Piscator. C’est ensemble qu’ils décident de fonder le Living Theatre en 1947. Ils concrétisent ainsi leurs idéaux artistiques et politiques communs. Le Living a connu trois évolutions majeures jusqu'à sa dissolution dans les années 70.

Théâtre de texte (1951-1954)

A partir de 1951, le Living Théâtre s'établit dans sa première salle, le Cherry Lane à New York. C'est dans ce lieu que la troupe associe le théâtre à la poésie en montant des textes de Paul Goodman, Bertolt Brecht, Federico Garcia Lorca, Allen Ginsberg. Leurs créations s'opposent radicalement au théâtre de Broadway, proche d'un jeu réaliste et psychologique. L'utilisation de la poésie permet au Living de libérer le langage théâtral traditionnel. Ils se dirigent vers un théâtre vivant où la parole retrouve ses valeurs et sa force. C'est en découvrant Tonight We Improvise de Pirandello que le Living s'oriente vers de nouvelles perspectives.

Métathéâtre (1955-1959)

La conception du métathéâtre découvert par la troupe new-yorkaise, dans les oeuvres de Pirandello, devient alors une préoccupation. A travers trois spectacles, Tonight We Improvise, The Connection et Many Loves, le Living s'interroge sur le rapport entre la fiction et la réalité, le théâtre et la vie. Ce sont des sujets de réflexions qui les amènent à penser à la signification même du théâtre et à la manière de représenter. Dans The Connection, une pièce à scandale, la troupe mêle acteurs et vrais drogués sur scène, créant une confusion pour le spectateur, entre la fiction et la réalité. Après cette expérience, les comédiens se détournent du métathéâtre le jugeant malhonnête à l'égard du public. Ils choisissent de ne plus opposer le théâtre à la vie mais d'associer l'art à la vie.

Théâtre engagé (1959-1970)

Au début des années 60, en réaction au contexte politique des Etats-Unis et face à la guerre du Vietnam, le Living radicalise ses idées anarchistes et pacifistes. Puis, à la découverte d’Artaud, la troupe choisit d’associer le corporel à l’intellect. C’est avec le spectacle The Brig qu’ils mettent en pratique les théories d’Artaud. Les acteurs adoptant les principes du "Théâtre de la cruauté", ils rendent compte de la violence d’un milieu carcéral. Optant pour des sujets de plus en plus politisés et dénonciateurs, ils sont expulsés de leur théâtre. Ils décident donc de s’exiler en Europe où ils s’orientent vers la performance et le happening et privilégient les messages révolutionnaires à la forme dramatique. Après deux ans de tournée avec le spectacle Paradise Now, le groupe décide de se dissocier en quatre groupes. Beck et Malina ont poursuivi leur passion créative et leurs recherches formelles sur le théâtre de leur côté jusqu'à la mort de Julian en 1985. Le Living Theatre est passé par de nombreuses évolutions. Celles-ci sont à mettre en lien au contexte dans lequel la troupe a évolué. Passant d’un théâtre de texte traditionnel à un théâtre au service de la vie, le Living est surtout connu et cité pour cette dernière période plus radicale.

Relation acteurs et spectateurs

Les propositions de spectacle du Living sont indissociables de la position du spectateur et de sa participation. Le Living donne au spectateur un rôle primordial, c’est à lui d’inventer les solutions du spectacle. La troupe mettait en mouvement le public et celui-ci pouvait devenir acteur du spectacle. Pour cela, les spectacles étaient construits selon plusieurs étapes, chaque étape amenait un moment de « théâtre libre » où le spectateur était invité à devenir acteur. Cela commençait par un rite, qui conduisait à une transe et à une vision ressentie et jouée par les comédiens. Puis, le spectateur se voyait proposer des thèmes d’improvisation. Cet instant appelé « théâtre libre » permettait au spectateur de venir sur scène et d’improviser au cours du spectacle. Au cours de certains exercices, se dégageait un sentiment communautaire et de confiance. Lors des spectacles de la troupe, le spectateur devenait actif de manière corporelle, mais il l’était aussi intellectuellement.

Le corps en jeu

Les principes du happening et de l’improvisation repris par le Living mettent à contribution le corps de l’acteur. Ce dernier est sollicité de manière intense et plus investie que dans un rapport traditionnel. Le corps n’est plus soumis à un texte qui le prédétermine mais est confronté à l’imprévisible et au hasard.

Ainsi la notion du corps du comédien est primordiale pour la troupe. Elle se rattache à Artaud et son théâtre de la cruauté. Le Living a donc repris à son compte ses théories, notamment en ce qui concerne le corps et la voix des acteurs. L’acteur à travers un entrainement qui visait à contrôler mentalement son corps et sa voix pouvait rendre compte d’un processus de la violence. Ainsi, les comédiens peuvent se plonger dans un état psychologique afin de montrer de manière convaincante, une violence simulée. Pour Malina, il s’agissait de «guérir le mal par le mal, de susciter une révulsion à l’égard de la violence[…]». Ce travail corporel et vocal devait affecter les spectateurs et ainsi le transformer.

Théâtre et vie anarchistes

Le Living est fortement marqué par les idées anarcho-pacifistes de Beck et Malina. Désireux d’un monde sans gouvernement, ils aspirent à l’égalité entre les membres de la troupe et n’imposent pas leurs idées en tant que fondateurs du groupe. De plus, ils remettent en cause l’architecture fermée des théâtres. «Vouloir faire la révolution en salle, c’est contradictoire». C’est ainsi qu’ils sortent dans la rue et se mêle au peuple. C’est un théâtre de révolution et d’émancipation pour tous. Cette volonté d’égalité est renforcée par l’abolition de la contribution financière de la part du public, remplacée alors par une collecte. L’idéologie anarchiste est également caractérisée par le chaos régnant sur scène. Dans Paradise Now, les comédiens revendiquant la liberté sexuelle, ont des rapports sur scène et invitent le public à se joindre à eux.

En parallèle à ses recherches théâtrales, le Living a développé une vie communautaire intense au sein de la troupe. Les idées politiques du groupe sont exprimées par leurs actes théâtraux mais aussi à travers leur manière de vivre. «Je ne choisis pas de travailler dans le théâtre mais dans le monde. Le Living Theatre est devenu ma vie, le théâtre vivant.» Cette phrase de Julian Beck illustre bien l’idéologie d’un tel projet. L’engagement personnel du Living a engendré pour la troupe de nombreux affrontements avec les institutions et la police. La troupe ne reculait pas face aux résistances et restait convaincu par ses idées. L’expulsion du groupe par les autorités américaines suite au spectacle The Brig ne les a pas fait fléchir. La troupe organisa des sit-in et reprit le spectacle, conduisant Beck et Malina en prison.

Il est impossible de séparer leur travail de leur vie quotidienne puisque le Living forme un tout et n’a cessé de chercher la meilleure façon de vivre selon ses idées.

L'« effet Living »

Le Living est venu pour la première fois en Europe au début des années 60, mais c'est seulement à partir de 1967 que « l'effet Living » apparaît. En France, le Living a eu un impact considérable, notamment lors de sa venue au festival d’Avignon en 1968. Le Living a apporté une nouvelle esthétique théâtrale française et a révolutionné la conception du jeu de l'acteur, du spectateur et de l'espace scénique.

A partir du Living, la notion d'acteur a évolué tant au niveau professionnel que social. Ils ont ouverts la voix à d'autres formes de jeu. Ainsi sur scène, à la manière d'Artaud, de nombreux acteurs redonnent vie aux gestes, aux corps, aux cris que les mots leur avaient enlevés. Dans le spectacle Antigone, les corps sont libérés, les acteurs lâchent des hurlements, l'acteur se libère de tout comportement social. L'avant-garde américaine des années 60, sur l'exemple du Living Theatre cherche à créer une communication corporelle plus directe. Ainsi, deux groupes new-yorkais caractérisent cette évolution radicale: L'Open Theatre, fondé en 1963, par Joseph Chaikin (ancien membre du Living) et le Performance Group, fondé en 1967 par Richard Schechner.

Le Living avait pour objectif de « revendiquer et de faire sortir du théâtre » et de mettre ainsi en valeur l'identité de l'acteur. Ce théâtre revendique aussi la forme du groupe et le style de vie communautaire d'un théâtre vivant. Pendant plusieurs années, la notion des Groupes ont dominé le théâtre, les acteurs ne formaient plus des compagnies mais des collectifs, des coopératives d'artistes. Il y a donc eu dans les années 60, en Europe, grâce au Living, un réel mouvement théâtral. L'acteur possède ainsi un double rôle, à la fois professionnel en tant que comédiens sur scène et social car il est ancré dans une vie communautaire au quotidien.

La notion du spectateur s'est aussi transformée avec le Living. Lors de leurs spectacles, le spectateur a la possibilité de devenir acteur du spectacle et de choisir le rôle de « spectateur participant ». Un nouveau public émerge dans les années 70, ainsi le public se divise et peut se convertir en acteur. Une communion se créée entres les comédiens et les spectateurs, la scène et la salle et le spectacle se construit avec le spectateur et non plus pour le spectateur. Avec le Living, la liberté du public apparaît, celui-ci a le choix d'agir ou de regarder. Par cette fusion, l'espace scénique est lui-même modifié, déconstruit et permet un véritable échange entre les comédiens et le public. Dans le spectacle, Paradise Now par exemple, le public est sans cesse invité à venir rejoindre les acteurs sur scène pour dénoncer ou communier.

Lors du 22 ème festival d'Avignon, le Living invité est programmé pour trois pièces au Cloître des Célestins, Antigone sur un texte de Brecht, Small Mysteries, Paradise Now deux créations de la troupe. Lors de la représentation de Paradise Now, le 24 Juillet, Julian Beck incite le théâtre à « sortir de sa prison » pour déboucher dans la rue. A la suite du spectacle, un défilé se poursuit dans les rues d'Avignon, aux cris de « le théâtre est dans la rue ». Le lendemain, le maire, à la suite de plaintes, prend la décision de demander au Living de remplacer Paradise Now par une des deux autres pièces de leur répertoire. Le 28 Juillet, à la suite d'une rencontre entre le maire, Beck et Malina, le Living annonce son retrait du festival. Ils refusent de jouer et refusent le jeu du festival, du théâtre public, de la société des loisirs. Ainsi, ils montrent qu'ils souhaitent un théâtre gratuit et accessible à tous. Les militants spectateurs ont transformé Paradise Now en un événement politique et le Living, par leur pratique de l'art a secoué l'imaginaire social des jeunes français. Porteurs d'espoirs utopiques, le Living incarne toute une génération, celle qui veut se libérer des conventions bourgeoises qui régissent le système.


Productions principales

Bibliographie

  • BECK Julian, Theandric, Julian Beck Last Notebook. Traduction française de Fanette et Albert Vander, Théandrique ou la possibilité de l'utopie, L'Harmattan, 1998.
  • BECK Julian, The Life of the Theatre. Traduction française de Fanette et Albert Vander, La Vie du théâtre, Gallimard, NRF, 1978.
  • BIET Christian, NEVEUX Olivier, Une histoire du spectacle militant ; Théâtre et cinéma militants (1966-1981), L’entretemps, 2007.
  • BINER Pierre, Le Living Theatre. Le théâtre sans légende, La cité, 1968.
  • Les voies de la création théâtrale, tome 1, Grotowski Barba Living theatre, Open Theatre, V. Garcia et Arrabal, éd. CNRS, 2003.
  • FAIVRE D’ARCIER Bernard, Festival d’Avignon, mon histoire, Actes Sud, Paris, 2007.
  • GIACCHÈ Piergiorgio, « L’effet Living ; la vision du théâtre d’Artaud par les « Balinais » de New York », in Avant-garde américaine et l’Europe ; II. Impact, Revue Théâtre/Public N° 191, 2008.
  • GORDON Mel, « Comment le Living Theatre a fait un contre-sens sur les théories d’Artaud et a réintroduit celles-ci en Europe », in L’avant-garde américaine et l’Europe, Théâtre/ Public N° 190, 2008.
  • CLEBEL Jean-Jacques, Living Theatre, Entretiens avec Julian Beck et Judith Malina, Belfond, Paris, 1969.
  • LOYER Emmanuelle, DE BAECQUE Antoine, Histoire du festival d’Avignon, Gallimard, Paris, 2007.
  • SCHECHNER Richard, Performance ; Expérimentation et théorie du théâtre aux USA, éd. Théâtrales, 2008.
  • VENDEVILLE Stéphanette, Le Living Theatre, de la toile à la scène 1945-1985, L’Harmattan, 2008.

Liens externes

Déclaration du Living au festival d'Avignon, article de la presse anarchiste [1]

Notes et références