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'''Victor Renaud''', né en 1904 et mort fusillé à [[Limoges]] le {{date de décès|23|juin|1944}}, est un [[Résistant français]] de la [[Seconde Guerre mondiale]].
'''Victor Renaud''', né le 18 juin [[1904]] à [[Fougères]] et mort fusillé le {{date de décès|23|juin|1944}} à [[Limoges]], est un [[Résistance intérieure française|résistant français]] de la [[Seconde Guerre mondiale]].


==Biographie==
== Biographie ==


Victor Renaud, orphelin très jeune<ref>Il est élevé par deux tantes ; v. René Castille, livre en référence bibliographique, chapitre sur Victor Renaud, p. 8</ref>, passe son enfance en Bretagne<ref>Il est élevé par deux tantes ; v. René Castille, livre en référence bibliographique, chapitre sur Victor Renaud, {{p.|9}}</ref>. Il est catholique<ref>V. article de Jean-Louis Laubry, cité, p. 6.</ref>, pacifiste mais patriote<ref name="jll9">V. article de Jean-Louis Laubry, cité, {{p.|9}}.</ref>. Il choisit d'être électricien, profession encore peu répandue<ref name="jll9" />, artisan à son compte<ref name="jll9" />et s'installe dans la [[Creuse (département)|Creuse]] à [[Saint-Sébastien (Creuse)|Saint-Sébastien]].
Victor Renaud, orphelin très jeune{{Note|groupe=Note|Il est élevé par deux tantes<ref>René Castille, p. 8</ref>.}}, passe son enfance en Bretagne<ref>René Castille, {{p.|9}}</ref>. Il est catholique<ref>Article de Jean-Louis Laubry, cité, p. 6.</ref>, pacifiste mais patriote<ref name="jll9">V. article de Jean-Louis Laubry, cité, {{p.|9}}.</ref>. Il choisit d'être électricien, profession encore peu répandue<ref name="jll9" />, artisan à son compte<ref name="jll9" />et s'installe dans la [[Creuse (département)|Creuse]] à [[Saint-Sébastien (Creuse)|Saint-Sébastien]].


=== Entrée dans la Résistance ===
=== Entrée dans la Résistance ===
À la déclaration de guerre, il est appelé comme adjudant du génie puis est blessé. La défaite, l'armistice, le régime vichyste lui sont insupportables. Dès la fin de 1940, libéré, il fait de la contre-propagande dans des mouvements sportifs de jeunesse et auprès de sa clientèle. Il rejoint avec ses deux frères en janvier 1941 l'organisation de propagande du [[Gabriel Cochet|général Cochet]]. Cette dernière adhère le 15 décembre 1942 au [[réseau Alliance]].
À la déclaration de guerre, il est appelé comme adjudant du génie puis est blessé. La défaite, l'armistice, le régime vichyste lui sont insupportables. Dès la fin de 1940, libéré, il fait de la contre-propagande dans des mouvements sportifs de jeunesse et auprès de sa clientèle. Il rejoint avec ses deux frères en {{date-|janvier 1941}} l'organisation de propagande du [[Gabriel Cochet|général Cochet]]. Cette dernière adhère le {{date-|15 décembre 1942}} au [[réseau Alliance]].


=== Au réseau Alliance ===
=== Au réseau Alliance ===


Victor Renaud, alias Pataud<ref>Les membres d'''Alliance'' dans la Creuse avaient choisi comme ''pseudos'' des noms de chiens.</ref>, matricule A35 chez les Anglais, y est agent de renseignements, agent de liaison et boîte à lettres. Dans ce travail où le danger est quotidien, il apprend la prudence et le secret total. Ses informations lui permettent de prévenir à temps des Résistants menacés d'arrestation. La [[Gestapo]] finit par le suspecter. Le 10 octobre 1943, alors qu'il est en mission, elle pille sa maison et terrorise son épouse. Victor Renaud doit être mis en sécurité. ''Alliance'' l'apprécie particulièrement et veut l’envoyer à Londres. Renaud refuse car il veut pouvoir continuer à veiller sur les siens, même de loin. Sa femme, qui attend un enfant, est rongée par l'angoisse et meurt en janvier 1944, après avoir confié leur fils de 6 ans, François, à sa grand-mère. Pataud est de plus en plus menacé. Le 23 mars à Limoges, son chef de réseau, ''Pointer'' ([[André Girard (1909-1993)|André Girard]]), lui propose de nouveau sans résultat de l'exfiltrer vers Londres.
Victor Renaud, alias Pataud{{Note|groupe=Note|Les membres d'''Alliance'' dans la Creuse avaient choisi comme noms de code des noms de chiens.}}, matricule A35 chez les Anglais, y est agent de renseignements, agent de liaison et boîte à lettres. Dans ce travail où le danger est quotidien, il apprend la prudence et le secret total. Ses informations lui permettent de prévenir à temps des Résistants menacés d'arrestation. La [[Gestapo]] finit par le suspecter. Le {{date-|10 octobre 1943}}, alors qu'il est en mission, elle pille sa maison et terrorise son épouse. Victor Renaud doit être mis en sécurité. ''Alliance'' l'apprécie particulièrement et veut l’envoyer à Londres. Renaud refuse car il veut pouvoir continuer à veiller sur les siens, même de loin. Sa femme, qui attend un enfant, est rongée par l'angoisse et meurt en {{date-|janvier 1944}}, après avoir confié leur fils de 6 ans, François, à sa grand-mère. Pataud est de plus en plus menacé. Le {{date-|23 mars}} à Limoges, son chef de réseau, ''Pointer'' ([[André Girard (1909-1993)|André Girard]]), lui propose de nouveau sans résultat de l'exfiltrer vers Londres.


===Arrestation, tortures et mort===
=== Arrestation, tortures et mort ===
Le 28 mai au matin a lieu l'[[embuscade de Vaussujean]]. Un détachement du [[Premier régiment de France]], commandé par le lieutenant Bognoli, abat sept Résistants et en blesse plusieurs autres. Victor Renaud qui est tout près est outré et vient protester auprès du lieutenant. Il a été dénoncé la veille au lieutenant par un collaborateur habitant Vaussujean. Bognoli l'arrête et le fait conduire à la caserne des [[Groupe mobile de réserve|GMR]] de [[La Souterraine (Creuse)|La Souterraine]]. Il y est remis à la [[Milice française|Milice]] et subit son premier interrogatoire par [[Jean Filliol (activiste)|Jean Filliol]]. Celui-ci, fondateur de la [[Cagoule]], est tellement violent que [[Pierre Laval]] l'a fait arrêter en novembre 1942. [[Joseph Darnand|Darnand]] le fait libérer en mai 1944 et le nomme chef du deuxième bureau (renseignement) de la Milice de Limoges. La Gestapo de Limoges ne le réclame pas ; elle sait qu'un agent "grillé" n'a pu être réactivé et l'abandonne à la Milice.
Le {{date-|28 mai}} au matin a lieu l'[[embuscade de Vaussujean]]. Un détachement du [[Premier régiment de France]], commandé par le lieutenant Bonioli, abat sept Résistants et en blesse plusieurs autres. Victor Renaud qui est tout près est outré et vient protester auprès du lieutenant. Il a été dénoncé la veille au lieutenant par un collaborateur habitant Vaussujean. Bonioli l'arrête et le fait conduire à la caserne des [[Groupe mobile de réserve|GMR]] de [[La Souterraine (Creuse)|La Souterraine]]. Il y est remis à la [[Milice française|Milice]] et subit son premier interrogatoire par [[Jean Filiol (activiste)|Jean Fillol]]. Celui-ci, fondateur de la [[Cagoule (OSARN)|Cagoule]], est tellement violent que [[Pierre Laval]] l'a fait arrêter en {{date-|novembre 1942}}. [[Joseph Darnand|Darnand]] le fait libérer en {{date-|mai 1944}} et le nomme chef du deuxième bureau (renseignement) de la Milice de Limoges il sera accompagné de [[Jean de Vaugelas]], chef des opérations de maintien de l'ordre. La Gestapo de Limoges ne le réclame pas ; elle sait qu'un agent "grillé" ne peut être réactivé et l'abandonne à la Milice.


Victor Renaud est conduit à Limoges, à la caserne du Petit Séminaire, où est installé Filliol. Les interrogatoires reprennent chaque nuit dans la chambre {{n°|19}}, menés par Filliol en personne qui s'active en gants blancs tandis que ses acolytes frappent aux poings, aux pieds, avec des nerfs de bœuf, brûlent avec des cigarettes, lacèrent avec des couteaux... Ce sera peine perdue pour eux.
Victor Renaud est conduit à Limoges, à la caserne du Petit Séminaire, dans la rue Jean-Pierre Timbaud située proche de la Place des Jacobins<ref>https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/economie/un-seminaire-a-limoges-devenu-caserne_13545115/</ref> où est installé Fillol. Les interrogatoires reprennent chaque nuit dans la chambre {{n°|19}}, menés par Filiol en personne qui s'active en gants blancs tandis que ses acolytes frappent aux poings, aux pieds, avec des nerfs de bœuf, brûlent avec des cigarettes, lacèrent avec des couteaux... Ce sera peine perdue pour eux.


Victor Renaud est accusé d'être communiste et un des chefs [[Francs-tireurs et partisans|FTP]], et d'avoir participé à ce titre à l'exécution d'un milicien. Il est un fervent catholique et a appartenu avant la guerre à une ligue anti-marxiste. Il se refuse cependant à donner la moindre indication pour se disculper<ref>Filliol était fervent catholique.</ref>, par solidarité avec ses camarades communistes, devenus ses frères d'armes, et parce qu'il sait que s'il parlait de son réseau, il le mettrait gravement en danger. Malgré les tortures répétées, rapportées par un témoin, un autre Résistant de 20 ans emprisonné dans la même cellule, Marc Parrotin, il ne parlera pas.
Victor Renaud est accusé d'être communiste et un des chefs [[Francs-tireurs et partisans|FTP]], et d'avoir participé à ce titre à l'exécution d'un milicien. Il est un fervent catholique et a appartenu avant la guerre à une ligue anti-marxiste. Il se refuse cependant à donner la moindre indication pour se disculper{{Note|groupe=Note|Filiol était fervent catholique.}}, par solidarité avec ses camarades communistes, devenus ses frères d'armes, et parce qu'il sait que s'il parlait de son réseau, il le mettrait gravement en danger. Malgré les tortures répétées, rapportées par un témoin, un autre Résistant de 20 ans emprisonné dans la même cellule, Marc Parrotin, il ne parlera pas.


Il est présenté devant une "cour martiale" créée par la Milice, et condamné à mort par des "juges" français dont les noms resteront inconnus. Il est exécuté aussitôt par des Miliciens français à la maison d'arrêt de Limoges. Après avoir refusé d'être attaché et d'avoir les yeux bandés, il tombe sous les balles après avoir crié "Vive la France".
Il est présenté devant une "cour martiale" créée par la Milice, et condamné à mort par des "juges" français dont les noms resteront inconnus. Il est exécuté aussitôt par des Miliciens français à la maison d'arrêt de Limoges. Après avoir refusé d'être attaché et d'avoir les yeux bandés, il tombe sous les balles après avoir crié "Vive la France".


===Épilogue===
=== Épilogue ===
Sa personnalité, ses actions patriotiques, son malheur familial, les conditions honteuses de son arrestation et de ses interrogatoires vaudront à Victor Renaud une réputation et un prestige qui se sont manifestés dès son inhumation à Saint-Sébastien et se poursuivent chaque année lors de manifestations commémoratives<ref>Ainsi, ''La Montagne, édition du 2 juin 2012</ref>. Des Résistants et des historiens de la Résistance ont décrit l'homme et ses actions. [[Marie-Madeleine Fourcade]], dernière dirigeante du réseau Alliance, lui a consacré un important développement biographique, écrivant en conclusion : "L'homme qui n'a pas voulu ''mélanger les questions'' et qui s'est placé au-dessus des sanglantes querelles partisanes de l'époque en choisissant le sacrifice suprême, m'a semblé être l'exemple par excellence à mettre en exergue pour retracer l'histoire d'un des creusets les plus extraordinaires de la Résistance, la région R5<ref>Région n° 5 de l'[[Organisation de résistance de l'armée]] (ORA), regroupant les départements de Dordogne, Haute-Vienne, Indre et Corrèze</ref>.
Sa personnalité, ses actions patriotiques, son malheur familial, les conditions honteuses de son arrestation et de ses interrogatoires vaudront à Victor Renaud une réputation et un prestige qui se sont manifestés dès son inhumation à Saint-Sébastien et se poursuivent chaque année lors de manifestations commémoratives<ref>''La Montagne'', édition du 2 juin 2012</ref>. Des Résistants et des historiens de la Résistance ont décrit l'homme et ses actions. [[Marie-Madeleine Fourcade]], dernière dirigeante du réseau Alliance, lui a consacré un important développement biographique, écrivant en conclusion : "L'homme qui n'a pas voulu ''mélanger les questions'' et qui s'est placé au-dessus des sanglantes querelles partisanes de l'époque en choisissant le sacrifice suprême, m'a semblé être l'exemple par excellence à mettre en exergue pour retracer l'histoire d'un des creusets les plus extraordinaires de la Résistance, la région R5{{Note|groupe=Note|Région n° 5 de la [[résistance intérieure française]], telle que la découpait le mouvement [[Combat (Résistance)|Combat]], qui servit de modèle pour la suite. Elle regroupait les départements de Dordogne, Haute-Vienne, Indre et Corrèze}}".


==Mémoriaux==
== Mémoriaux ==
* Monument à Victor Renaud à Vaussujean ([[Saint-Sébastien (Creuse)|Saint-Sébastien]]) où il a été arrêté
* Monument à Victor Renaud à Vaussujean ([[Saint-Sébastien (Creuse)|Saint-Sébastien]]) où il a été arrêté
* Avenue Victor-Renaud à [[Saint-Sébastien (Creuse)|Saint-Sébastien]].
* Avenue Victor-Renaud à [[Saint-Sébastien (Creuse)|Saint-Sébastien]].


== Notes et références ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
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=== Références ===
{{Références|colonnes = 2}}
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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
=== Sources et bibliographie ===
=== Sources et bibliographie ===
*''Le temps de la méprise'', [[André Girard (écrivain)|André Girard]], éditions France-Empire, 1965
* ''Le temps du maquis, histoire de la Résistance en Creuse'', Marc Parrotin, 625 p., Les Presses du Massif Central, Guéret, 1981 {{ISBN|2-903870-05-5}}
*''Le temps du maquis, histoire de la Résistance en Creuse'', Marc Parrotin, 625 p., Les Presses du Massif Central, Guéret, 1981 {{ISBN|2-903870-05-5}}
* ''Les SS en Limousin, Quercy et Périgord'', Georges Beau et Léopold Gaubusseau, préface de [[Marie-Madeleine Fourcade]], 388 p., 3e édition, 1994, Presses de la Cité, Paris {{ISBN|2-258-03993-2}}
* ''Les SS en Limousin, Quercy et Périgord'', Georges Beau et Léopold Gaubusseau, préface de [[Marie-Madeleine Fourcade]], 388 p., 3e édition, 1994, Presses de la Cité, Paris {{ISBN|2-258-03993-2}}
* ''Les réseaux de renseignements en Creuse'', René Castille, chapitre ''Victor Renaud (réseau Alliance), héros et martyr''
* ''Les réseaux de renseignements en Creuse'', René Castille, chapitre ''Victor Renaud (réseau Alliance), héros et martyr''
* "Victimes du tortionnaire et assassin Filliol en Limousin (mai-juillet 1944)", Marc Parrotin, in ''Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgoord'', {{n°|2}}, 2005
* "Victimes du tortionnaire et assassin Filliol en Limousin (mai-{{date-|juillet 1944}})", Marc Parrotin, in ''Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgoord'', {{n°|2}}, 2005
* "Retour sur un épisode de la guerre franco-française : la tragédie de Vaussujean (28 mai 1944)", Jean-Louis Laubry, in ''Bulletin de l'ARSVHRC'', {{n°|2}}, février 2008.
* "Retour sur un épisode de la guerre franco-française : la tragédie de Vaussujean ({{date-|28 mai 1944}})", Jean-Louis Laubry, in ''Bulletin de l'ARSVHRC'', {{n°|2}}, {{date-|février 2008}}.


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
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[[Catégorie:Résistant français]]
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Victor Renaud
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Biographie
Naissance
Décès
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LimogesVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité

Victor Renaud, né le 18 juin 1904 à Fougères et mort fusillé le à Limoges, est un résistant français de la Seconde Guerre mondiale.

Victor Renaud, orphelin très jeune[Note 1], passe son enfance en Bretagne[2]. Il est catholique[3], pacifiste mais patriote[4]. Il choisit d'être électricien, profession encore peu répandue[4], artisan à son compte[4]et s'installe dans la Creuse à Saint-Sébastien.

Entrée dans la Résistance

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À la déclaration de guerre, il est appelé comme adjudant du génie puis est blessé. La défaite, l'armistice, le régime vichyste lui sont insupportables. Dès la fin de 1940, libéré, il fait de la contre-propagande dans des mouvements sportifs de jeunesse et auprès de sa clientèle. Il rejoint avec ses deux frères en l'organisation de propagande du général Cochet. Cette dernière adhère le au réseau Alliance.

Au réseau Alliance

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Victor Renaud, alias Pataud[Note 2], matricule A35 chez les Anglais, y est agent de renseignements, agent de liaison et boîte à lettres. Dans ce travail où le danger est quotidien, il apprend la prudence et le secret total. Ses informations lui permettent de prévenir à temps des Résistants menacés d'arrestation. La Gestapo finit par le suspecter. Le , alors qu'il est en mission, elle pille sa maison et terrorise son épouse. Victor Renaud doit être mis en sécurité. Alliance l'apprécie particulièrement et veut l’envoyer à Londres. Renaud refuse car il veut pouvoir continuer à veiller sur les siens, même de loin. Sa femme, qui attend un enfant, est rongée par l'angoisse et meurt en , après avoir confié leur fils de 6 ans, François, à sa grand-mère. Pataud est de plus en plus menacé. Le à Limoges, son chef de réseau, Pointer (André Girard), lui propose de nouveau sans résultat de l'exfiltrer vers Londres.

Arrestation, tortures et mort

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Le au matin a lieu l'embuscade de Vaussujean. Un détachement du Premier régiment de France, commandé par le lieutenant Bonioli, abat sept Résistants et en blesse plusieurs autres. Victor Renaud qui est tout près est outré et vient protester auprès du lieutenant. Il a été dénoncé la veille au lieutenant par un collaborateur habitant Vaussujean. Bonioli l'arrête et le fait conduire à la caserne des GMR de La Souterraine. Il y est remis à la Milice et subit son premier interrogatoire par Jean Fillol. Celui-ci, fondateur de la Cagoule, est tellement violent que Pierre Laval l'a fait arrêter en . Darnand le fait libérer en et le nomme chef du deuxième bureau (renseignement) de la Milice de Limoges il sera accompagné de Jean de Vaugelas, chef des opérations de maintien de l'ordre. La Gestapo de Limoges ne le réclame pas ; elle sait qu'un agent "grillé" ne peut être réactivé et l'abandonne à la Milice.

Victor Renaud est conduit à Limoges, à la caserne du Petit Séminaire, dans la rue Jean-Pierre Timbaud située proche de la Place des Jacobins[5] où est installé Fillol. Les interrogatoires reprennent chaque nuit dans la chambre no 19, menés par Filiol en personne qui s'active en gants blancs tandis que ses acolytes frappent aux poings, aux pieds, avec des nerfs de bœuf, brûlent avec des cigarettes, lacèrent avec des couteaux... Ce sera peine perdue pour eux.

Victor Renaud est accusé d'être communiste et un des chefs FTP, et d'avoir participé à ce titre à l'exécution d'un milicien. Il est un fervent catholique et a appartenu avant la guerre à une ligue anti-marxiste. Il se refuse cependant à donner la moindre indication pour se disculper[Note 3], par solidarité avec ses camarades communistes, devenus ses frères d'armes, et parce qu'il sait que s'il parlait de son réseau, il le mettrait gravement en danger. Malgré les tortures répétées, rapportées par un témoin, un autre Résistant de 20 ans emprisonné dans la même cellule, Marc Parrotin, il ne parlera pas.

Il est présenté devant une "cour martiale" créée par la Milice, et condamné à mort par des "juges" français dont les noms resteront inconnus. Il est exécuté aussitôt par des Miliciens français à la maison d'arrêt de Limoges. Après avoir refusé d'être attaché et d'avoir les yeux bandés, il tombe sous les balles après avoir crié "Vive la France".

Sa personnalité, ses actions patriotiques, son malheur familial, les conditions honteuses de son arrestation et de ses interrogatoires vaudront à Victor Renaud une réputation et un prestige qui se sont manifestés dès son inhumation à Saint-Sébastien et se poursuivent chaque année lors de manifestations commémoratives[6]. Des Résistants et des historiens de la Résistance ont décrit l'homme et ses actions. Marie-Madeleine Fourcade, dernière dirigeante du réseau Alliance, lui a consacré un important développement biographique, écrivant en conclusion : "L'homme qui n'a pas voulu mélanger les questions et qui s'est placé au-dessus des sanglantes querelles partisanes de l'époque en choisissant le sacrifice suprême, m'a semblé être l'exemple par excellence à mettre en exergue pour retracer l'histoire d'un des creusets les plus extraordinaires de la Résistance, la région R5[Note 4]".

Notes et références

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  1. Il est élevé par deux tantes[1].
  2. Les membres d'Alliance dans la Creuse avaient choisi comme noms de code des noms de chiens.
  3. Filiol était fervent catholique.
  4. Région n° 5 de la résistance intérieure française, telle que la découpait le mouvement Combat, qui servit de modèle pour la suite. Elle regroupait les départements de Dordogne, Haute-Vienne, Indre et Corrèze

Références

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  1. René Castille, p. 8
  2. René Castille, p. 9
  3. Article de Jean-Louis Laubry, cité, p. 6.
  4. a b et c V. article de Jean-Louis Laubry, cité, p. 9.
  5. https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/economie/un-seminaire-a-limoges-devenu-caserne_13545115/
  6. La Montagne, édition du 2 juin 2012

Sources et bibliographie

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  • Le temps de la méprise, André Girard, éditions France-Empire, 1965
  • Le temps du maquis, histoire de la Résistance en Creuse, Marc Parrotin, 625 p., Les Presses du Massif Central, Guéret, 1981 (ISBN 2-903870-05-5)
  • Les SS en Limousin, Quercy et Périgord, Georges Beau et Léopold Gaubusseau, préface de Marie-Madeleine Fourcade, 388 p., 3e édition, 1994, Presses de la Cité, Paris (ISBN 2-258-03993-2)
  • Les réseaux de renseignements en Creuse, René Castille, chapitre Victor Renaud (réseau Alliance), héros et martyr
  • "Victimes du tortionnaire et assassin Filliol en Limousin (mai-)", Marc Parrotin, in Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgoord, no 2, 2005
  • "Retour sur un épisode de la guerre franco-française : la tragédie de Vaussujean ()", Jean-Louis Laubry, in Bulletin de l'ARSVHRC, no 2, .

Articles connexes

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